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Jérome Kerviel, victime de la Société Générale ?

mercredi 9 juin 2010

Sur Contrepoints, nous aimons dénoncer les mythes qui occupent en maîtres le débat public. Nouvel exemple avec l’affaire Jérome Kerviel, le trader qui a fait perdre 5 milliards € à la Société Générale et dont le procès a débuté hier.

Un sondage montrait que plus de 50% des français estime que Jérome Kerviel est une « victime » du système. Une image que l’ancien trader fait tout pour renforcer, se positionnant comme le David du système bancaire, face au Goliath de la Société Générale.

Pourtant les spécialistes du secteur ou de l’affaire soulignent au contraire les graves fautes de Jérome Kerviel ; c’est la Société Générale qui a été victime de Kerviel et non l’inverse. Ainsi, le journaliste économique du Monde Pierre-Antoine Delhommais revient sur l’affaire dans Cinq milliards en fumée, en étant très critique du trader : il souligne les fautes de ce dernier, qui a enfreint toutes les règles d’éthique existantes. Pour Delhommais, ce n’est pas le système financier qui est coupable mais le trader : « le système capitaliste incarné par la Société générale a été victime de Kerviel ». De même, l’économiste Halim Madi, co-auteur de Reprise ou recrise, estimait hier dans un entretien sur le site de Métro que Kerviel n’est « surement pas une victime ou un héros ».

Pourquoi des avis aussi tranchés ? Nombreux sont ceux qui insistent sur les erreurs de fond d’un trader peu doué : se trompant du tout au tout, il parie début 2008 sur la fin de la crise des subprimes ! Ses résultats jouent complètement au yo-yo, en fonction du succès ou non de ses paris. De « moins 2,7 milliards d’euros à plus 1,4 » souligne par exemple Delhommais. Au final, « c’est un mauvais trader, son rendement est faible (6 %) ».

D’aucuns pointent encore l’ambition démesurée d’un trader sans talent. « C’est un trader tricheur à l’égo boursouflé. » « Ce garçon a une revanche sociale à prendre, c’est une clé de son comportement ». Un comportement qui n’est en rien commun chez les traders mais propres à Kerviel. Comme rajoute Delhommais, « des dizaines de milliers de traders dans le monde font ce métier sans péter les plombs ». Le plaisir apparent qu’il prend de sa nouvelle notoriété semble largement confirmer cette analyse d’un individu prêt à tout pour avoir la reconnaissance.

Surtout, c’est un tricheur patenté, qui avait toutes les cartes en mains pour esquiver les règles imposées à tous. Ancien du contrôle interne de la banque, il connait les procédures de contrôle et sait ce qu’il faut faire et ne pas faire. Sciemment, il annonce des contreparties inexistantes aux positions qu’il prend. Seul, il crée des faux documents pour couvrir ses prises de risque aux yeux de ses supérieurs. Il insère de faux éléments dans le système pour se couvrir et faire croire qu’il respecte les procédures internes. Ce qui n’exonère pas la Société Générale de sa responsabilité pour l’inefficacité de ses contrôles. Il parait surprenant que, par exemple, la réalité des contreparties avancées par Kerviel n’ait pas été davantage contrôlée, et que rien n’ait été identifié pendant si longtemps, alors que les montants concernés et les risques étaient colossaux. La connaissance des contrôles que Kerviel avait ne justifie pas tout.

Enfin, les juges qui ont instruit l’enquête n’ont pas été en reste pour attaquer Kerviel, n’hésitant pas à parler de « réponses mensongères » de Jérôme Kerviel pour justifier ses « positions exorbitantes »… Les conclusions de l’enquête du juge Van Ruymbeke sont accablantes pour le trader, un individu qui truqua ses résultats et mentit de bout en bout. Comme le résume Le Figaro, « date après date, sont soigneusement consignées [dans le rapport final du juge] les dissimulations et les faux qui y correspondent ». Des conclusions accablantes, qui n’accusent pas la hiérarchie de la Générale, coupable uniquement de s’être laissé berner par Kerviel.

Pourquoi un tel traitement de faveur pour Jérome Kerviel alors, dans la presse comme dans l’opinion publique ? Probablement la tendance française à vouloir idéaliser le voleur de grand chemin comme Cartouche ou Jérôme Kerviel alors ? La tendance quasi automatique à défendre le faible contre le puissant, même si c’est au mépris du droit ? Probablement un peu de tout ça. Mais une chose est sûre, Kerviel est un bien mauvais Robin des Bois.

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