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Coulisses de la crise financière

jeudi 10 juin 2010

Ce sera un billet un peu technique, mais il en faut, parfois.

Pendant qu’Angela et Nicolas se boudent un peu la tête chacun de leur côté, la crise continue de plus belle. Si l’on s’en tient à l’écume des jours, celle qui laisse quelques traces sur les mauvais papiers des journaux mainstream, la période n’est pas très bonne, mais on s’arrange, on se débrouille.

On papote retraites, on évoque la crise au travers de Kerviel, on fait quelques commentaires d’actualité sur les infirmiers, les compteurs EDF à renouveler, l’ouverture à la concurrence des jeux d’argent, les mouvements d’humeurs des fonctions publiques des autres pays. On enquille sur la météo, en avant les enfants et n’oublie pas de sortir les poubelles, c’est ramassage demain. Merci.

Quelque part, je dis « Heureusement. »

Pas pour les poubelles, hein. Je dis « heureusement » parce que si ce qui se passe actuellement en coulisses devait se savoir ouvertement, au 20H, le gouvernement actuel ne tiendrait probablement pas en place plus de quelques jours.

On pourrait commencer par noter la différence assez stupéfiante de traitement de la crise par l’élite française au regard de ce qui se fait dans les autres pays de la zone euro. Il n’est qu’à lire les mesures mises en place au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne, au Portugal ou en Grèce et assister aux démentis vigoureux de toute rigueur de la part du gouvernement Fillon pour comprendre que la situation est, lentement mais sûrement, en train de leur échapper complètement.

Cette différence de traitement, couplée avec l’annonce, feutrée mais pourtant bien réelle, que la Sécu continue de prendre l’eau dans des proportions à côté desquelles le déluge biblique ressemble à un dégât des eaux chez la voisine, et on ne peut aboutir qu’à la conclusion de l’incompétence totale des politiciens de ce pays. A l’instar d’une flottille de pêche sortie le soir, bravache et insouciante, alors qu’un ouragan de type 5 a été prévu par la météo dans les heures suivantes, la mine résolue et les sourcils froncés du capitaine ne changeront rien au résultat : au petit matin, il y aura des noyés.

Mais à la limite, ces éléments ne fournissent qu’un cadre général, une sorte d’arrière scène au devant de laquelle les histrions habituels s’agitent en expliquant doctement que les élections de 2012 approchent et qu’il faut faire des primaires au PS, gnagnagna.

Côté coulisse, on s’agite pour que le décor ne s’effondre pas.

Quand je dis « on s’agite », on est en réalité loin du compte. C’est la panique. Ça court tout nu, les bras en l’air et les cheveux en bataille, en criant « Géronimo !!! » dans les couloirs.

Jugez plutôt : pendant que l’Euro semble descendre doucement mais résolument les étages qui le séparent de la parité avec le Dollar, on apprend que la Banque Nationale Suisse s’agite furieusement pour tenter, de son côté, de maintenir la parité actuelle de ce même Euro avec le Franc Suisse.

Le résultat est, disons, médiocre. Mais un petit dessin explique mieux que les mots.

Le petit truc pointu en bout de courbe, c’est la tentative de la BNS de ramener leur monnaie à une parité plus sympathique pour l’Euro, en rachetant pour 50 milliards de la devise européenne. Une paille. Et le petit truc pointu dans l’autre sens, 5 minutes plus tard, est le retour à la tendance (la perte de valeur de l’Euro face au Franc Suisse).

On peut le dire : si la demie-vie d’une cochonnerie d’intervention monétaire est maintenant d’environ 5 minutes, quel crédit peut-on apporter aux plans de relances et autres trucs machins de soutien multimilliardaires décidés par ces keynésiens enragés qui n’ont, très manifestement, rien compris au véhicule qu’ils s’ingénient à saboter en tournant le volant dans tous les sens à la fois ?

Dans la même journée (8 juin), la négociation sur les bons du trésor bat son plein. On achète, on vend. Pour deux belles images grecques, je t’échange une belle image allemande. Non ? Pour trois, alors ? Bon d’accord. Et j’ai des doubles pour les images française, ça te dis ? Non ? Personne ?

Dans un coin, deux pays pleurent dans le rouge. Le premier, le Portugal, se prend une déculottée assez douloureuse. En gros, les écarts constatés entre ses bons et ceux des autres pays de la zone euro sont tous négatifs. Tous les autres pays obtiennent de meilleurs taux que lui. Snif. L’autre pays, c’est la France. Gloups.

L’image est, là encore, assez parlante :

Et puis tant qu’on y est, on doit aussi mentionner qu’en parallèle de ces rougeoyants indices sur les spreads français, on observe un renchérissement très net des CDS (credit default swap) français qui se négocient grosso-modo deux fois plus cher que ceux de l’Allemagne. Cette situation française délicate s’est dégradée très rapidement en quelques semaines (les dernières) avec une hausse de plus de 35 points de base en un mois. Mieux : si l’on compare avec les CDS d’outre-manche, la dette française est maintenant jugée plus risquée que la dette britannique.

Ces éléments sont la traduction parfaitement limpide de la confiance que les marchés ont dans les mesures – ou leur absence, en l’occurrence – que prennent nos élites pour juguler le problème des déficits et des dettes du pays.

D’ailleurs, que font nos élus ?

Avec nos sous, certains font des missions. Palpitantes et essentielles. Coûteuses, aussi, un peu.

D’autres s’occupent du sort des stars. Johnny, ils te soutiennent ! Quand on sait que les chômeurs s’entassent chez Paul Employ, on est heureux d’apprendre que 25 députés se sont fendus d’une lettre pour couiner au sujet du dossier médical du chanteur, dont, soyons bien clair, PERSONNE N’A RÉELLEMENT QUELQUE CHOSE A FOUTRE ACTUELLEMENT.

Encore une fois, le monde politique français est totalement, absurdement et complètement à la ramasse de l’actualité : s’enfonçant dans un autisme criminel, ils continuent de faire croire aux Français qu’ils contrôlent quelque chose alors qu’ils sont les premiers artisans acharnés des double-tonneaux vrillés qu’on va se cogner dans les prochains mois.

Un jour, des comptes devront être rendus. Les comptes seront longs et saignants. La liste des coupables s’étendra sur trois décennies. Mais on ne voit pas par quelle entourloupe ceux qui sont en poste actuellement échapperont à la condamnation.


Voir en ligne : Coulisses de la crise

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