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La lente dégénerescence de la Villa Médicis

vendredi 11 juin 2010

En Fraônce, tout part en couille. Philosophe, on peut se dire qu’il nous reste, au moins, notre culture. Apparemment, même pas.

Le contexte est simple : nous parlons ici de l’Académie de France à Rome, sis en la Villa Médicis, celle-là même qui fut la résidence dorée d’un certain Frédéric Mitterrand pendant quelques mois à partir de juin 2008.

Si vous ne le saviez pas, cette Académie un peu spéciale et au cadre fort agréable dans la douceur italienne héberge des pensionnaires depuis le tout début du XIXème siècle ce qui ne nous rajeunit pas. Evidemment et pour les petits malins qui se posent la question, oui, ces pensionnaires sont régulièrement renouvelés depuis cette date (sinon, il s’agirait d’un musée de momies à l’heure actuelle). Et évidemment aussi, l’état français, qui a beaucoup de ces largesses qu’on ne soupçonne pas, s’organise pour faire vivre ce beau monde et soustraire ainsi les artistes qui ont la chance de vivre là-bas à la laborieuse condition du vulgum pecus.

Ici, on pourrait s’attendre à ce que je ronchonne -encore une fois- sur la dépense que représente cette villa, et on ne s’étonnerait pas, alors, que je remarque qu’en réalité, l’état n’a absolument pas besoin de financer une académie culturelle, à Rome ou je ne sais trop où.

Mais à la limite, je dis : bof, baste, passons. La République, cet invertébré mollasson qui cède à absolument toutes les facilités n’est absolument pas à ça près ; après tout, on paye bien grassement des commissions théodules à ne plus savoir qu’en faire, ou des dames en retraite à faire de la mission d’intérêt général à plus de 60 plaques par mois…

Et puis cette Académie, comme je le disais avant, existe depuis 1803, ce qui donne un peu de recul sur ceux qu’elle a hébergés : on retrouve des noms comme Berlioz ou Debussy, tout de même !

Non, ce qui m’intéresse ici, c’est ce que cette vénérable institution est devenue sous les coups de boutoirs joyeux et décidément festif des branleurs boboïdes qui ont eu à décider de sa destinée ou de son mode de fonctionnement depuis l’avènement de la Société du Report des Dettes À Plus Tard, en 1968.

Depuis cette date, en effet, les artistes qui étaient auparavant choisis sur concours sont sélectionnés sur dossier. Pour le piston, la magouille, les petites ententes, c’est beaucoup plus simple. De la même façon qu’on se doute bien que le niveau général d’une grande école ou d’une institution serait légèrement amoindri par un tel changement dans la politique d’accès, ces modifications à la Villa Médicis ont permis l’émergence de toute une foule de zartistes qui n’auraient probablement jamais réussi à s’incruster sur concours.

Résumons nous : nous avons une institution qui, si elle fut brillante, a maintenant perdu de son lustre et coûte cher alors que la crise fait rage. On s’attendrait dès lors à ce que les heureux privilégiés de la Villa se fassent discret, tous petits, comme – par exemple et au hasard – une chargée de mission qui aurait du toucher sa retraite paisiblement plutôt qu’heurter un deuxième salaire de toute sa force.

Pour cette dernière, les chafouinages du Canard Enchaînés, tombés très commodément à pics, ont permis de lever le lièvre.

Mais pour les zartistes, point de révélation dans un papier truculent ! Ce sont les privilégiés qui, d’eux-mêmes, se mettent à foutre le boxon, couiner sur un motif – on va le voir – ahurissant et qui, en somme, attirent l’attention sur eux alors qu’à leur place, je me ferais tout petit petit petit.

En gros, il semble que la sélection de Claire Diterzi, une chanteuse pop, et du flûtiste de jazz Malik Mezzadri ait déclenché l’ire des plasticiens du vivant architectural, des architectes de la plastique musicale et autres clowns à roulettes bariolés qui grignotent gentiment les fonds du contribuable dans le cadre idyllique romain.

La raison de la colère est simple, disponible dans leur pétition – sans laquelle le zartiste engagé n’est plus qu’un petit bulot sans intérêt – et je la livre ici. Ses signataires estiment que :

« réduire le nombre des compositeurs de musique contemporaine porteurs de projets ambitieux et audacieux et les remplacer par des musiciens qui ont déjà un pied dans l’industrie musicale et sont dans la capacité de vivre de la scène, c’est refuser de tenir compte de la rigueur de leur travail et les traiter avec mépris ».

Ce qui revient à dire que « les pouffes qui font de la pop et les guignols qui font du flutiau, on veut pas les voir, merde« , notamment parce que :

a/ ils ne sont pas Zauteurs de Muzique Kontempôraine,
b/ ils ne portent pas de projets, ou ceux qu’ils portent ne sont pas ambitieux et audacieux – i.e. ils sont porteurs de projets sobres et prudents, ce qui est très mal,
c/ ces cuistres ont le mauvais goût, de surcroît, de ne pas être des traîne-savates et de gagner leur vie de leur travail, ce qui les classe à la fois comme des gens ayant trouvé un public (berk) et indépendant de l’état et de ses subventions (double berk).
d/ tout ceci constitue bien sûr une marque de mépris, c’est absolument évident, vraiment je vous jure, tout ce mépris, aïe mes petits yeux aïe ouille aïe.

Voilà. Vous savez tout.

On est un zartiste, on est à la Villa Médicis, on lit les points a/ , b/ c/ et un peu d/ , paf, on pète une durite et – obligé ! – on fait une violente pétition : c’est vréément krop injuste !

En fait, si en Fraônce, tout part en couille, philosophe, on peut se dire qu’il nous reste, au moins, notre sens de la déconnade.


Voir en ligne : Les Calim

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