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Et soudain, Sarko récidive

vendredi 25 juin 2010

Hier, nous avons assisté à l’un de ces rares moments de panache, d’action et de vigueur foudroyante dont seuls les grands personnages de la République du Bisounoursland sont capables : le Président a posé deux gestes majeurs qui vont, soyez-en sûrs, changer la face du monde !

Mmmh. Non. Je déconne.

En réalité, Nicolas a pris son petit poney républicain et, sabre au clair en criant « kärcher ! » de sa petite voix fluette, a lancé toute son armée de communicants à l’assaut de la Courneuve et des instances footballistiques.

Et ce fut grandiose !

Grandiose tant dans l’exécution, dans les raisons de cette exécution, que dans les résultats de cette exécution.

Dans l’exécution, tout d’abord.

On peut noter que l’Opération Courneuve aura été marquée du sceau du secret le plus compact, inhabituel pour nos journalistes qui se présentent comme toujours prêts à débusquer le scoop ; la blitz-descente du président dans la cité n’aura été révélée qu’une fois ce dernier rentré chez lui, pantoufles au pied, c’est-à-dire une fois réglés les détails de communication post-événementielle, quand tout est taillé au millimètre et ne laisse plus place à la discussion.

À ce titre, on se demande jusqu’à quel point les injures proférées n’ont pas été scriptées : un président qui agit, qui se fait injurier, mais qui ne se laisse pas faire, ça fait toujours bien le lendemain dans les comptes-rendus compassés d’une presse à l’imagination complètement inondée par les subventions étatiques dont l’attribution dépend – oh comme c’est surprenant – des personnes dont on chronique justement les gesticulations.

D’ailleurs, on remarquera qu’il n’aura pas fallu beaucoup de temps pour que le fat injurieux passe devant un juge. On souhaiterait vraiment si prompte justice pour tous les petits cons qui ont la langue (et pas que) bien pendue, dont les incivilités et les dégradations pourrissent la vie de centaines de personnes aux quotidien. Mais voilà, n’est pas président qui veut, et selon que vous serez puissant ou misérable, patati, patata.

Mais sans verser dans une théorie du complot fumeuse où même les insultes auraient été minutieusement calibrées, on peut noter le contraste fulgurant entre cette visite à la Courneuve, dont on se doute qu’elle a été préparée bien à l’avance, et la décision de convoquer Thierry Henry, manifestement prise sur le mode « Coup de Tête » (à défaut d’un coup de main que le dit Thierry Henry essaie désespérément d’oublier).

En clair, en matière d’exécution, la présidence semble alterner vivement entre un mode préparé et l’improvisation la plus totale. Question image, c’est brouillon.

Or, et c’est là mon deuxième point, les raisons de l’éxécution laissent, dans les deux cas, un sentiment de décalage à côté duquel la faille de San Andréas ressemble à un miracle d’ajustement.

Cette impression d’inapproprié, comme un prout sonore au milieu d’un repas avec la reine d’Angleterre, provient de cette quasi-certitude que les deux actions visent le même but : l’esbroufe, le médiatique, le show.

Ainsi, on peut raisonnablement supposer que la visite surprise dans la Cave à Momo tient d’une pure manœuvre pour déflater méchamment l’impact médiatique des grèves du lendemain.

De même, on peut aussi raisonner avec le même argument pour le Goûter Football à l’Elysée : avec ces deux actualités, le président occupe mécaniquement une place importante dans l’actualité, et comme le nombre de pages des journaux ou de minutes du 20H est compté, proportionnellement, les grèves occuperont moins de place.

Bien joué, Nicolas !

Cependant, et c’est là mon troisième point, le résultat de cette exécution est qu’encore une fois, les sujets de fond(s) et l’avenir du pays, rien moins, ont été passés à la trappe, ou, à tout le moins, placés après ou au même plan que les petits mouvements de menton volontaires mais futiles et le bling-bling prodigieusement irritant d’un compulsif de l’avis péremptoire non éclairé.

Car ne nous trompons pas : ici, le président est très très très très mal placé pour émettre un quelconque avis en matière de foot, ou, encore plus comique, en matière d’image, de représentation de la France à l’étranger.

Quand on s’abaisse à engueuler (il n’y a pas d’autres mots) des patrons-pêcheurs, quand on réplique du tac au tac sans tact un « Casse-toi, alors, pov’con« , quand on fait preuve, à de maintes reprises, de comportements outrageusement inappropriés (le coup de la fable pour le Karachigate est encore vivace dans ceux qui ont plus de mémoire qu’un poisson rouge), bref, quand on n’est absolument pas un exemple en matière d’image, quand, de surcroît, on n’a jamais brillé par de quelconques performances sportives ou footballistiques, on se garde bien d’aller demander des comptes, officiellement, à qui que ce soit pour une compétition dont, soyons bien clair, l’avenir de la France ne dépend pas du tout.

Le pire reste tout de même que tout le monde sait, pertinemment, que ces actions futiles et absurdes ne visaient qu’à détourner l’esprit des gens, et pourtant, ping, les médias ont puissamment relayé l’action présidentielle.

Je passerai sur les longueurs pénibles des reportages palpitants du retour de l’Équipe de France, reportages qui ont, eux aussi, joué un rôle similaire au sarkoshow en fournissant d’agréables marronniers pour branloter le guignol, et ne surtout pas entretenir le débat (déjà fort pauvre) sur les retraites et l’ensemble du système social franchouille.

Bref, tant dans l’exécution, ses raisons et son résultat, on ne peut constater qu’une chose : la fuite de toute responsabilité de l’élu, son absence de vergogne et l’autruchite carabinée qui caractérise toute la classe politique et médiatique.

Quand il faudra sortir la tête du sable, cela va faire mal.


Voir en ligne : Et soudain, Sarko r

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