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Une gay pride sur invitation seulement

dimanche 27 juin 2010

La tolérance, l’ouverture d’esprit, c’est chouette, à condition d’être celui qui décide à quelle dose on doit en user. C’est certainement sur ce principe que les organisateurs de la Gay Pride de cette année ont jugé nécessaire d’écarter un élu UMP de la tête du défilé, jugeant l’individu sur les idées de son parti et non les siennes propres…

Ainsi donc il y a, chez les ligues LGBT en charge de la Gay Pride annuelle, des individus qu’on doit juger pour eux-mêmes, et d’autres qu’on doit juger sur leur groupe d’appartenance revendiquée.

Chez ces ligues, discriminer une personne parce qu’elle est homosexuelle ou appartient à l’un de ces nombreux alter-domaines de la sexualité créative, c’est très très mal. De la même façon, s’imaginer que tous les gays s’habillent en drag-queen et n’écoutent que de la techno, c’est caricatural et stupide : l’individu prime et chaque être est différent, voyons !

En revanche, discriminer une personne parce qu’elle appartient à un parti politique qu’on n’aime pas, c’est autorisé. Penser alors que tous les élus d’un groupe politique sont sortis du même moule, ont les mêmes idées, c’est permis. L’individu n’a pas d’importance, dans ce cas !

C’est donc armé de cette règle d’airain à deux échelles que les organisateurs de la Gay Pride de cette année ont exclu Thierry Coudert, conseiller UMP radical de Paris : « Vous n’êtes pas le bienvenu, nous n’acceptons pas les élus de droite, vues vos positions sur les droits des homosexuels. »

Voilà, c’est dit, pan dans les dents et tout ça. Au moins, c’est clair, discriminer un type sur une carte de parti, c’est possible. La HALDE approuvera.

On ne s’étonnera pas de trouver, a contrario et comme par hasard, toute la batterie d’élus de gauche qui eux sont toujours les bienvenus dans ce genre de manifestation/défilé : l’auteur présumé de la fête de la musique, Jack Lang, qui a, selon la rumeur, été ministre de la Culture fut un temps, Jean-Paul Huchon, qui a pour une fois arpenté les rues de Paris à pied, délaissant un temps sa voiture avec chauffeur (les transports en commun, c’est pas son truc), et bien évidemment, en plus d’une flopitude floue de clowns-parlementaires du Parti de Gauche, le nouveau secrétaire du Parti Anciennement Connu Sous Le Nom de Communiste, Pierre Laurent.

Que du beau linge.

Si l’on ajoute que le service d’ordre était assuré non par l’Inter-LGBT (ce n’est pas un club de foot, mais l’Interassociative lesbienne, gay, bi et transgenre) mais par des membres de partis politiques ou de syndicats comme Les Verts, des membres du PCF et du PS, la FSU, la CFDT, tous pas franchement classables à droite, on ne s’étonnera pas plus de voir la teneur fort politique des demandes de ces élus, associations et organisateurs si parfaitement festifs et citoyens.

Ainsi, l’Inter-LGBT estime clairement que les droits des aventuriers de la sexualité alternative ont régressé depuis l’arrivée de Sarkozy au pouvoir.

Très concrètement, en effet, le bilan législatif les concernant est considéré comme nul : aucune nouvelle loi, aucun nouveau droit, aucune nouvelle facilité, aucune nouvelle égalité frétillante n’est venue s’ajouter à celles que ces associations avaient déjà obtenus de haute lutte. Dans la bouche de Najat Vallaud-Belkacem, la caution solidaire du Parti Socialiste dans ce discours ambiant, cela donne ceci :

« Plus d’une dizaine de propositions de loi ont été déposées par les parlementaires socialistes pour promouvoir les droits des personnes LGBT, mais la droite les a toujours rejetées. »(ici, insérer un œil humide, façon Caliméro, « C’est vraiment trop injuste »)

Et chacun sait que lorsqu’on ne gagne rien de plus, c’est qu’on perd !

La marche vers le progrès bondissant d’une société enfin détachée de toute normalité sexuelle affreusement banale ne peut se satisfaire d’une pause timide ! Il faut trotter sans hésiter vers l’horizon ultime d’une permissivité générale et détendue : tout est possible, tout est réalisable, à condition d’admettre que tout questionnement, toute prise de réflexion n’est que perte de temps. Trottons !

Et c’est vrai, à bien y réfléchir – je sais, c’est mal, mais tentons le coup une fois – qu’on ne peut qu’admirer le chemin parcouru ces dernières années !

On est passé, en effet, de la revendication somme toute raisonnable d’un traitement normal de la condition homosexuelle, à savoir demander que la société tolère sans stigmatiser – mot à la mode – les homosexuels à une publicité gratuite, tapageuse et fortement médiatisée de cette condition : l’homosexuel ne peut plus, ne doit plus être un type normal qui a simplement une sexualité différente … pardon, alternative à la sexualité bêtement bourgeoise du reste de la population. Non. Il se doit, pour lui et les autres, de l’afficher au grand jour, d’en faire étalage régulier, et d’expliquer par le menu à qui voudra l’entendre qu’il est fier de son homosexualité. On est passé, en quelques années, de l’acceptation des différences de l’autre à l’obligation d’affichage, ce qui n’est tout de même pas exactement la même chose.

De surcroît, cette ostentation frénétique est à sens unique : une Straight Pride serait, à n’en pas douter, immédiatement taxée de manifestation d’étriqués conservateurs de droite ultra-catho cul-serrés. Là encore, on peut parier sur une ouverture d’esprit modérée de ces associations qui, si elles n’hésitent pas à filtrer les élus, n’auraient aucun mal à balancer de l’anathème par pack de douze.

Et si on continue la réflexion, on peut aussi se demander dans quelle mesure ces démonstrations de plus en plus tapageuses ne nuisent pas à la cause initiale. Je passerai sur les débordements de plus en plus fréquents (cette fois-ci, un blessé grave), qui ont plus à voir avec l’ambiance délétère des fins de soirées parisiennes qu’avec la cause en question, mais la récupération politique tous azimuts à laquelle on peut assister laisse présager un futur rocailleux pour le défilé LGBT.

Il n’y a qu’un pas avant une véritable institutionnalisation de l’opération – Jack Lang n’est pas loin – et s’il y a bien une manière efficace de bousiller un mouvement, c’est d’y faire intervenir l’état. Or, encore une fois, si la plupart des Français sont neutre ou bienveillant vis-à-vis des homosexuels tant que cela reste dans le champ discret de la vie personnelle, cette récupération politique risque d’envenimer furieusement les positions des uns et des autres : tous les contribuables ne sont pas forcément prêts à adouber, par leurs impôts, toutes les frasques citoyennes, festives et décalées d’une minorité, aussi colorée et joyeuse soit-elle.

En attendant ce dénouement, on admirera, goguenard, les contorsions sémantiques et rhétoriques des organisateurs, exécutant fébrilement le grand écart entre une ouverture d’esprit totale et un filtrage minutieux des opinions exprimées…


Sur le web : Une gay pride sur invitation seulement

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