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Les leçons budgétaires de 1946 aux Etats-Unis

mercredi 30 juin 2010

Au cours des deux dernières années, les nations du monde entier se sont engagées dans des politiques de relance jamais vues auparavant, à l’exception des périodes de guerre. La Grèce, les États-Unis, l’Inde et le Royaume-Uni, entre autres, ont actuellement des déficits publics supérieurs à 10% du PIB. Le déficit moyen pour tous les pays de l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) est de 8,2% du PIB. C’est bien sûr la réponse « keynésienne » classique à un ralentissement économique : lorsque la demande du secteur privé faiblit, l’État doit combler le vide pour éviter l’effondrement de l’économie.

Historiquement, l’idée selon laquelle des déficits énormes, tels que ceux que nous avons constatés au cours des deux dernières années, pourraient contribuer à un retour de l’économie au plein emploi, s’inspire des expériences de la Grande Dépression et de la Seconde Guerre mondiale. Les économies seraient revenues au plein emploi seulement après que le déploiement massif des déficits de temps de guerre. Pour illustrer cela, il est rappelé qu’aux États-Unis les déficits se situaient entre 21% et 27% du PIB entre 1943 et 1945 (doublement du ratio déficit/PIB connu aujourd’hui) et que le chômage avait diminué, passant de 14% en 1939 à environ 2% en temps de guerre.

Mais l’expérience économique de la Seconde Guerre mondiale permet-elle vraiment de fournir des preuves en faveur de la politique budgétaire keynésienne ? Dans un article publié de juin 2010 du Cato Policy Report, Richard Vedder de l’Ohio University et moi-même soutenons que la vraie leçon économique de l’époque réside dans l’expérience de 1946, année durant laquelle la « relance » économique de la période de guerre fût considérablement ralentie.

Les économistes keynésiens d’alors faisaient valoir que si l’État réduisait la taille de l’armée et cessait de produire des armements, le chômage augmenterait à nouveau à des niveaux de la Grande Dépression. Malgré ces protestations, l’État renvoyât la plupart des soldats chez eux, annula des contrats de guerre et supprima les contrôles économiques de la période de guerre. S’ensuivirent des prévisions d’apocalypse économique. En Septembre 1945 les prévisionnistes annonçaient que le taux de chômage des États-Unis remonterait à un niveau important entre 12% et … 35%.

Malgré ces mises en garde, la dépense publique passa de 84 milliards de dollars en 1945 à moins de $ 30 milliards en 1946, et à partir de 1947 les États-Unis connaissaient un excédent budgétaire de près de 6% du PIB pour rembourser la dette qu’ils avaient accumulée au cours de la guerre. Cela a été la « Grande dé-relance » : le redressement le plus rapide et le plus important de l’histoire d’un déficit à un excédent. Et voici le meilleur : en dépit de prédictions contraires, le chômage est resté en dessous de 4,5% entre 1945 et 1948.

Comment est-ce arrivé ? Les marchés du travail se sont ajustés rapidement et efficacement une fois qu’ils ont été finalement libérés. La plupart des économistes reconnaissent aujourd’hui que l’intervention publique constante pendant les années 1930, notamment sur les salaires, a prolongé la durée et creusé l’ampleur de la Grande Dépression. Certes, la situation de l’emploi après-guerre a été facilitée quand des travailleurs, actifs en temps de guerre, se sont retirés volontairement du marché du travail et retournés à l’école ou à leur rôle de femmes au foyer d’avant-guerre. Mais les données montrent que, malgré la disparition de cette relance énorme de l’État dans l’économie, l’emploi civil a augmenté de plus de 4 millions entre 1945 et 1947, à une époque où les modèles keynésiens prévoyaient qu’il s’effondrerait.

L’ironie est qu’il y a seulement trois petites années, la politique budgétaire keynésienne était considérée comme une impasse intellectuelle. L’histoire (via un ensemble considérable de recherches empiriques) a montré que les relances budgétaires sont un cocktail largement inefficace pour une économie en difficulté. Si la leçon n’avait pas été complètement comprise au début des années 1990, l’expérience du Japon au cours de sa « décennie perdue », où des déficits importants et une intervention publique massive ont mené à la stagnation, semblait clouer le cercueil du keynésianisme. Sa pierre tombale a même été gravée par le secrétaire du Trésor de Bill Clinton, Robert Rubin, qui affirmait que ce sont les excédents budgétaires, et non pas les déficits, qui relancent l’économie en maintenant des taux d’intérêt bas.

Les économistes ont longtemps affirmé que la politique budgétaire keynésienne est inefficace pour la création d’emplois ou pour dynamiser le PIB, car les dépenses publiques financées par déficit budgétaire ont un « effet d’éviction » sur les dépenses du secteur privé, en absorbant des ressources qui auraient autrement été disponibles. Comme disent les anglo-saxons, il n’y a tout simplement pas de « repas gratuit ». Bien sûr l’idée est aussi que l’évanouissement de l’ombre budgétaire de l’État ne signifie pas nécessairement des pertes d’emplois ou une baisse du PIB.

A l’heure des mesures d’austérité de réduction du déficit mises en œuvre à travers l’Europe - et au moins en discussion aux États-Unis - les leçons de 1946 fournissent un certain degré d’optimisme.


Voir en ligne : Les le


Image : Harry Truman, pr

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