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De l’austérité à la postérité

mardi 20 juillet 2010

Le G20 a été le symbole du débat Relance contre Austérité, et de sa non résolution. Une semaine plus tard, lors des Rencontres du cercle des économistes, le Ministre français de l’économie, Madame Lagarde, annonce la « ri-lance », un mélange de rigueur et de relance. Il est possible de faire coexister austérité et relance. Mais cela ne mènera à rien, si ce n’est prolonger un peu plus l’agonie d’un système, si le débat reste au niveau de la surface (du « paramétrique »), et non pas au niveau structurel.

La relance « par la dépense » a été testée, et elle n’a pas donné ce que ses partisans attendaient d’elle. Si relance signifie distribuer de l’argent pour doper la croissance, mais que cet argent a été pris à Paul pour le donner à Pierre… On sait alors au moins depuis l’économiste du 19ème siècle Frédéric Bastiat qu’il ne s’agit là que d’un transfert : la prime à la casse, et le boom temporaire de l’automobile, ont été payés par l’argent non consommé ailleurs. Ensuite, si relance signifie toujours plus d’endettement, on voit où elle nous a menés avec la crise européenne actuelle. Enfin, si elle signifie davantage d’inflation, on sait où elle devrait alors nous mener, l’expérience des années soixante-dix n’est pas si loin.

Reste l’austérité ? Mais si austérité signifie couper dans les dépenses essentielles de l’État en termes de maintien de l’ordre, de justice etc ? Il est évident qu’il y a ici un problème. D’autant qu’une administration qui dépense 55% des ressources nationales n’est déjà pas capable de faire régner l’état de droit nécessaire à toute activité économique. L’austérité ne doit pas être l’occasion de réduire encore ces services fondamentaux. Ensuite, si austérité signifie éponger les déficits par des hausses d’impôts ? On s’en défend à l’Élysée, mais Madame Bachelot a déjà trouvé un prétexte pour augmenter les taxes sur les cigarettes. Pour notre bien.

Austérité et relance peuvent effectivement aller de pair pour peu que l’on veuille bien sortir d’une logique paramétrique, une logique de grattage d’un côté et de replâtrage de l’autre. Ce ne sont pas quelques économies de bout de chandelle à droite ni quelques primes à la casse à gauche qui permettront de remettre durablement la France sur les rails. La crise de l’État est une opportunité pour la réforme authentique, pour un retour aux fondamentaux, pour remettre l’État au service de ses citoyens, et non pas de ses bureaucrates ; et de dégager ainsi la grande bouffée d’oxygène de « relance durable ». Il faut un changement de paradigme.

Les français ne sont pas dupes. A l’occasion des démissions de MM. Blanc et Joyandet, des sondages évoquent que les français considèrent nettement leurs dirigeants comme corrompus. Au vu des niveaux de dépenses faramineuses et des services rendus en contrepartie, il est évident que l’argent est mal géré. Mais ce n’est pas la facture trop élevée de bons cigares de quelque Secrétaire d’État qui explique cela.

C’est en réalité à tous les étages de décision, dans chaque bureau de l’administration qu’on trouve de tels gaspillages. Et pas qu’en termes de cigares ou de billets d’avion. Un livre d’une fonctionnaire (dont le pseudonyme est Zoé Shepard) a d’ailleurs jeté un pavé dans la mare « Absolument débordée : comment faire 35 heures … en un mois » (Albin Michel 2010). Et même là où l’on travaille, certaines dépenses (projets, embauches, départements administratifs, subventions, agences…) constituent des gaspillages : c’est à dire des lits d’hôpitaux, des salles de classe et des juges en moins. Il faut donc, comme le Canada l’a fait dans les années 90, que chaque haut responsable se penche sur les dépenses de son administration et rationalise.

Mais le gaspillage, c’est aussi parce qu’il y a trop d’étages. Le « mille-feuille administratif » doit impérativement également être rationalisé sur le champ. La crise des finances publiques est le signal qu’il y a trop d’intermédiaires, chacun prenant sa dîme au passage. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que la réforme passe mal dans l’administration : on assiste à une lutte des différentes bureaucraties pour conserver leur pouvoir. Personne n’entend lâcher son fromage, chacun invoque sa mission indispensable pour le bien commun.

Le système de financement de l’administration française explique très bien cet état de fait. Il ne repose pas sur l’autonomie, la responsabilité et le fait de rendre des comptes mais au contraire sur la dépendance à d’autres administrations, l’opacité, les financements croisés : tout ce qui permet de dégager les responsables publics de leur… responsabilité, tout ce qui permet de ne pas pouvoir les évaluer, tout ce qui permet de ne pas avoir une gestion claire des dépenses.

En bref : tout ce qui empêche le peuple de les contrôler et la démocratie de prévaloir. La solution est en partie là : le retour au contrôle démocratique de la dépense. Cela passe par une remise à plat de la décentralisation dans l’autonomie et la responsabilité, la réduction des échelons administratifs, la publication et la diffusion régulières – de manière lisible - des décisions de dépenses des différents niveaux, la rationalisation des dépenses selon une gestion en « bon père de famille ».

C’est à cette condition qu’austérité et relance iront de pair : quand effectivement les français récupéreront l’argent qui est actuellement gaspillé, quand leur administration travaillera pour eux avant de travailler pour elle-même, quand l’argent sera dépensé pour des choses qui en valent la peine. La relance par une remise en ordre budgétaire et un retour de la démocratie constitue la seule planche de salut de nombreux pays. Le « réalignement » avec la réalité sera sans nul doute douloureux dans le court terme, mais il doit être facilité par une souplesse du marché du travail.

L’histoire nous a montré que de telles réformes structurelles sont possibles. Il suffit d’un minimum de volonté politique et d’explications. Alors enfin nous passerons d’une politique de l’austérité à une réforme pour la postérité.


Voir en ligne : De l’aust


Article repris depuis Unmondelibre.org, avec l’aimable autorisation d’Emmanuel Martin. Image reprise d’Eclairages

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