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Une solution libérale à la pauvreté

lundi 7 avril 2008

Les socialistes et nationalistes accusent souvent les libéraux de négliger les questions sociales. La liberté individuelle ne ferait que détruire les liens sociaux et accroître la pauvreté. Mieux, les marchés libres seraient la cause de tous les problèmes actuels : " le marché c’est la loi du plus fort " nous sermonnent les collectivistes. Et bien entendu, ils ont trouvé LA solution : pour résoudre le problème de la pauvreté, il suffirait d’augmenter le rôle de l’Etat. Quelle originalité…

L’impasse de l’interventionnisme

Le libéralisme est souvent assimilé à une simple doctrine économique, qui ignorerait tout simplement le fait social. Au contraire, celui-ci ne l’ignore pas les questions sociales, mais les abordent différemment : le cœur de la pensée libérale est la coopération volontaire entre individus libres et responsables, plutôt que la coercition étatique.

Il est important de connaître les faits. La coercition étatique est à l’origine de bien des problèmes sociaux : les régimes autoritaires dans le Tiers-Monde en sont un malheureux exemple. Mais il en est d’autres, comme l’action souvent néfaste d’organismes gouvernementaux tels que le FMI ou la Banque Mondiale. Des économistes comme P. T. Bauer ont brillamment critiqué ces institutions, qui ne font que soutenir la mauvaise gestion, et permette aux gouvernements de poursuivre d’irresponsables politiques monétaires.

Le marché libre est un processus de découverte qui fonctionne aussi à l’avantage des plus démunis. C’est dans ce cadre qu’a été inventé le microcrédit, un nouveau moyen de soutenir le développement des régions pauvres.

Une invention capitaliste : la banque des pauvres

Le microcrédit consiste simplement en un prêt, à moyen terme, de petites sommes (de $30 à $200) à de potentiels entrepreneurs issus de milieux pauvres. Le plus célèbre organisme de microcrédit est la Grameen Bank, créée par l’économiste Mohammad Yunus au Bengladesh.

Les candidats à l’obtention d’un crédit ne peuvent en général accéder aux circuits bancaires classiques, car ils appartiennent souvent à l’économie informelle. Leurs droits de propriété sont rarement reconnus légalement (lire à ce sujet l’excellent Hernando de Soto), et n’ont donc pas d’actifs susceptibles de servir de nantissement ou de garantie. Ils n’ont souvent pas de revenus fixes, ne sont pas propriétaires de leur logement et n’ont aucun titre de propriété sur l’endroit où ils vivent.

Bien que le manque de crédit ne soit pas le seul frein au développement de micro-entreprises, il en est un élément essentiel : une étude dans 6 pays latino-américains réalisée en 1995 par l’agence financière suisse FUNDES note que le principal problème de 70% des petits entrepreneurs était l’absence d’accès au crédit.

Ces prêts ne se font pas sans intérêt : la Grameen Bank utilise un taux d’intérêt de 18%. Mohammad Yunus est persuadé que l’on peut dégager de solides profits en aidant les pauvres : "Les banques peuvent et devraient prêter aux déshérités de cette terre, non seulement par altruisme mais surtout par intérêt personnel. Traiter les pauvres comme des parias est immoral et indéfendable, mais aussi financièrement stupide"

Avantage aux individus responsables

Plus de 90 % des prêts de la Grameen Bank sont accordés aux femmes. Pourquoi donc ? D’une part, les femmes représentent 900 millions des 1,3 milliards de personnes dans l’extrême pauvreté. D’autre part les établissements financiers ont constaté que les femmes ont un comportement plus responsable en ce qui concerne les remboursements. Grâce au microcrédit, ces femmes peuvent éviter les taux exorbitants (parfois 20% par mois) pratiqués par d’autres prêteurs locaux. Elles utilisent le crédit pour élever des vaches ou pour acheter du matériel de production artisanale. Au fur et à mesure qu’elles vendent les produits élaborés, elles remboursent les prêts.

Et les résultats sont surprenants : plus de 95% des prêts sont remboursés. Selon des chiffres de 1998, la Grameen Bank aurait prêté quelques 2 milliards de dollars à 2,3 millions de personnes. On peut facilement comprendre pourquoi ce taux de remboursement est si élevé : le microcrédit représente pour eux la seule échappatoire à leur misère, ils mettent donc tous leurs efforts à son remboursement.

Cette efficacité est en partie due aux méthodes de la Grameen Bank, flexibles et bien adaptées aux conditions rurales : 5 ou 6 femmes provenant de familles différentes se réunissent pour obtenir le prêt. Si l’une d’entre elles a des problèmes pour rembourser son prêt, tout le groupe assume la responsabilité de trouver une solution.
Un succès du marché vite récupéré

L’idée du microcrédit a été appliquée partout dans le monde : non seulement en Asie, mais aussi en Amérique latine, en Afrique, et même dans les banlieues pauvres des pays industrialisés, comme à Chicago. Et bien sûr, cette idée a été récupérée par nombre de politiciens, à gauche comme à droite (les Clinton en sont par exemple de grands défenseurs).

Mohammad Yunus est très critique vis-à-vis du système actuel d’aide internationale : "Les pays riches utilisent leur budget d’aide internationale principalement pour employer leurs propres citoyens, et pour vendre leurs produits, la réduction de la pauvreté n’étant qu’un objectif secondaire… Les projets subventionnés créent des bureaucraties obèses, qui reviennent rapidement corrompues et inefficaces, entraînant de lourdes pertes… et les programmes d’aide internationale ne réussissent qu’à augmenter le poids et les dépenses du gouvernement, agissant ainsi contre les intérêts de l’économie de marché… l’aide internationale n’est qu’une sorte de charité pour les puissants, alors que les pauvres s’appauvrissent ".

Le principal danger qui menace le microcrédit est sa récupération par les gouvernements. Beaucoup de politiciens veulent subventionner les programmes de microcrédit pour maintenir artificiellement bas les taux d’intérêt. " Il y a encore des ONG qui font cadeau de l’argent quand elles offrent des crédits dont les intérêts sont subventionnés " affirme un responsable de CHISPA, un organisme de microcrédit en Amérique Latine. " Cela créée une distorsion sur le marché et ce n’est pas soutenable ". Friedrich Hayek n’aurait pas dit mieux.

Un moyen parmi d’autres

Il faut évidemment éviter de donner au microcrédit plus d’importance qu’il n’en mérite. Le microcrédit n’est qu’un moyen, parmi d’autres, de développer les régions pauvres.

Tout d’abord, il est essentiel de mettre en place un véritable Etat de Droit, où les droits de propriété sont légalement reconnus, pour permettre à l’économie informelle de s’insérer dans l’économie formelle. Cette condition est particulièrement absente en Amérique Latine.

D’autres types de services sont également importants pour le développement des micro-entreprises : une information claire sur les marchés, une information technologique, un accès aux équipements.

Et bien sûr, l’éducation et l’accès aux formations, le niveau des infrastructures comme les routes ou l’électricité jouent aussi un rôle primordial.

Néanmoins, le microcrédit offre un potentiel de développement considérable. Il change quelque peu notre vision du monde : les millions de gens pauvres ne sont plus un problème insoluble, mais une source de profit jusqu’alors non prise en compte.

Pour conclure, je voudrais citer Mohammad Yunus, qui dans sont livre " Banker for the poor ", écrit que ses collègues marxistes voient dans le microcrédit une "conspiration capitaliste" : " Ce que vous faites, lui dit un professeur communiste, c’est donner un peu d’opium au peuple… leur zèle révolutionnaire diminue… la Grameen Bank est donc l’ennemi de la révolution " . Précisément.


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