Contrepoints

Accueil > Économie > Économie générale > Le pouvoir rédempteur de la déflation

Le pouvoir rédempteur de la déflation

jeudi 5 août 2010

A la télévision comme dans les journaux, une chose fait toujours l’unanimité chez les économistes ; leur condamnation sans appel de la déflation.

On peut débattre et avoir des avis divergents sur des questions économiques comme la dette, les déficits, le taux d’imposition, la flexibilité du travail et le niveau optimal d’inflation, mais sur le point de la déflation l’unanimité fait loi. Cette chose innommable est à leurs yeux le diable incarné, la représentation absolue du mal.

A entendre ces économistes il faudrait l’ajouter à la longue liste des plaies d’Égypte et, en maître Yoda de série, ils la décrivent comme le côté obscur de toutes politiques économique. Ainsi ils exhortent l’entière Nation sous la férule de l’État à se lancer dans une croisade contre elle. Aucun doute ; on a compris, c’est clair et sans ambiguïté ; la déflation c’est mal. Oser en débattre c’est péché.

Pourquoi cette haine farouche de la déflation ?

Cette déflation qu’ils décrient tant est celle qui suit un processus d’inflation. C’est-à-dire un processus volontaire d’expansion monétaire (on a augmenté la quantité de monnaies). Ici je ne ferais que tracer les grandes lignes des cycles de croissances et de récessions que les économistes de l’école autrichienne ont théorisés il y a de nombreuses années.

Les banques centrales ont crée un surplus d’argent imaginaire, principalement par une profusion de crédits, qui ne reflètent en rien la richesse réelle (il n’y a pas plus de voitures, de routes, de laits, de maisons et d’ingénieurs qu’avant).

Alors soudainement, et à tort, on s’est cru plus riche, toute une série d’investissements ont démarré (création de nombreuses entreprises), la consommation s’est accrue (le taux d’endettement a grimpé), la bourse s’emballe, l’État a enflé de façon exponentielle et au final les prix ont augmenté. C’est une période d’euphorie, on appelle ça un boom économique.

Mais comme tout cela n’est fondé que sur de l’argent imaginaire, et donc sur de la richesse tout autant imaginaire ; alors à un moment donné, la réalité doit reprendre le dessus. On se rend compte comme le personnage de Louis de Funés dans la Zizanie que les chèques étaient en bois, et qu’une partie ce qui a été entrepris ne pourra jamais aboutir : tout doit être liquidé en catastrophe. Et comme les prix ont augmenté, ils doivent en conséquence chuter, les salaires aussi (qui ne sont qu’un prix), pour revenir à leurs niveaux dit réels : tout l’argent imaginaire en excès s’est logiquement évaporé, c’est la fameuse période tant honnie de déflation : la crise.

Pour les économistes de l’école autrichienne, la crise, et la déflation qui va avec, est la période de liquidation des mauvais investissements, en bref de tout ce qui n’aura pas du exister ; beaucoup d’entreprises font ainsi faillites. Les conséquences sociales peuvent être très douloureuses, mais c’est nécessaire pour restaurer l’économie sur des bases réelles.

Que font nos États pour solutionner ce problème : ils injectent plus de crédits par leurs fameux plans de relance. Ils essayent de maintenir coûte que coûte la structure vacillante de l’économie pour au final ne faire qu’aggraver le problème. On maintient l’illusion par une massive perfusion du poison qui a provoqué le mal.

Mais pourquoi une telle obstination ? Pourquoi ne pas laisser l’économie retourner à son niveau réel ? Le Président américain Harding a adopté cette politique en 1920 et les États-Unis s’en sont très bien portés.

En fait l’étendue des conséquences de la déflation va bien au delà d’une simple restructuration de l’appareil économique. Et c’est ce que Jörg Guido Hülsmann nous explique dans son brillant essai, Déflation and Liberty : la déflation entraîne un bouleversement social du pays concerné qui touche de plein fouet ses élites.

La déflation est redoutable pour ceux qui sont endettés. Alors que l’inflation est appelée l’euthanasie des rentiers (c’est une forme de vol au fond), la déflation pourrait être qualifiée de fléau des endettés.
Et qui dans nos sociétés ont des niveaux d’endettements astronomiquement élevés ?

La réponse est simple : les banques et les Etats. Les banques en Europe ont des ratios d’endettements apocalyptiques et il est inutile de préciser le niveau actuel des dettes et des déficits des États qui composent l’Union ; ça fait presque tous les jours la une des journaux.

Pour eux la déflation est synonyme de mort. Leurs dettes deviendraient impossibles à rembourser ; ces institutions en faillite seraient balayées. Et tous ceux qui profitent de leur largesses seraient emportés dans leur sillage:les institutions paraétatiques (comme la sécurité sociale), les entreprises subventionnées, le service public, les syndicats, certaines élites intellectuelles (sociologues, journalistes, faiseurs d’opinions) etc...La liste peut être sans fin. Et ça fait un paquet de monde à la tête de ces institutions qui seraient éjectés. On comprend un peu mieux leur crainte de la déflation. Ce serait une révolution sociétale, on assisterait à un changement de paradigme.

C’est pourquoi ces élites, qui s’accrochent au pouvoir, apprécient l’inflation. Celle-ci facilite l’endettement et permet de les maintenir au pouvoir. Mais attention ! Pas trop d’inflation, sinon les conséquences sociales sont aussi effrayantes, trouver le niveau idéal pour rester au pouvoir sans trop endommager l’appareil économique est leur Graal, c’est ce fameux niveau optimal d’inflation (on entend souvent ; " un peu d’inflation ça fait pas de mal").

Remarquez d’ailleurs que selon les pays ce niveau optimal est différent ; il n’est pas le même chez les allemands que chez les français ; je vous laisse deviner chez qui il est le plus élevé.

Le fait que la déflation élimine ces institutions fautives relève autant de la question économique que morale : en fait les deux sont indissociables. Elles ne se sont pas adaptées aux conditions de la réalité. Elles ont consommé plus de ressources qu’elles en ont produits. Elles sont donc en faillite. Elles ne subsistent artificiellement que par l’impôt et l’inflation, et cette dernière arme n’est rien d’autre qu’une forme de vol dont les victimes et les coupables sont presque invisibles:cette violence indirecte est en complète contradiction avec les préceptes libéraux. Les tyrans se maintiennent toujours au pouvoir par la force.

Dans une société de marché libre, un tel comportement, immoral et qui mène à l’appauvrissement général, est rapidement sanctionné. Ces élites, toujours dans le cadre d’une société de marché libre, sont remplacées, comme l’explique Jörg Guido Hülsmann, par une nouvelle élite, qui elle est vertueuse.

Par élite dans une société de marché libre je ne fais pas référence à une caste qui par la violence soumet d’autres individus, je parle de ceux qui par leur qualité, et leurs vertus rendent services aux plus grands nombres dans ce vaste processus de libre échange.

Elles gagneront ainsi, sans violence, le haut du pavé....jusqu’au jour où le marché pourra les sanctionner de nouveau (alors peut être que elles aussi, dans cette situation précise, elles useront aussi de l’inflation pour ne pas être déclassées).

Attention ! Par marché je ne me réfère pas à une entité magique tel un dieu olympien qui organiserait le monde, mais d’une société de libre échange avec propriété privée des moyens de production où le vol et la force (en dehors des cas de légitime défense) sont en conséquence proscrits.

Alors ces économistes, pourquoi craignent-ils tant la déflation ? Certains pourraient dire que beaucoup d’entre eux sont payés par ces institutions ? Ils seraient entraînés dans leur chute en cas de déflation.
Je ne crois pas trop à la théorie du complot, je pense qu’aujourd’hui, en reprenant Noam Chomsky (qui dans son gauchisme a des soubresauts de clairvoyance) que cette haine de la déflation est immanente au système.

L’inflation (maîtrisée) est l’arme des dirigeants pour se maintenir au pouvoir, la déflation est leur fléau.

Par cette rotation pacifique des élites dans la société de marché on réalise que la crise n’apporte pas un renouveau économique mais aussi un renouveau moral qui assure le progrès intellectuel, artistique, et social ; c’est une des définitions de la rédemption. C’est ce que la déflation peut réaliser.

Messages

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)