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Le « retour » de Fidel Castro

mercredi 18 août 2010

La nouvelle du retour de Fidel Castro à la vie publique après quatre ans d’absence a éveillé des fantasmes et des inquiétudes, en particulier parce que sa réapparition inattendue survient juste au moment où l’on attend le plus désespérément les réformes de son frère Raoul, à qui il avait confié toutes ses fonctions depuis juillet 2006.

Le retour des célébrités a tendance à se répéter fréquemment, aussi bien dans la vie réelle que dans la fiction, qu’il s’agisse de Don Quichotte ou de Casanova, de King Kong, d’Elvis Presley ou de Juan Domingo Perón. Mais la désillusion de ceux qui constatent que toutes ces choses qui s’en vont, à l’instar des hirondelles de Becker, ne reviendront pas, ou du moins pas telles qu’on se les rappelait, est récurrente elle aussi. Fidel Castro n’a pas échappé à ce côté terne qu’ont les remakes, à cette dose de désespoir que l’on perçoit chez ceux qui insistent pour revenir.

Ce vieil homme balbutiant aux mains tremblantes n’a rien à voir avec le robuste militaire au profil grec qui, depuis une place où un million de voix reprenait en chœur son nom, proclamait des lois qui n’avaient été discutées avec personne, graciait, annonçait des exécutions ou prêchait le droit des révolutionnaires à faire la révolution. Il n’est que l’ombre de l’homme qui, durant des heures, occupait les plateaux de télévision et tenait en haleine tout un peuple de l’autre côté de l’écran.

Le grand improvisateur du passé se réunit aujourd’hui avec un auditoire de jeunes dans la petite salle d’un théâtre où il lit un résumé de ses dernières réflexions -déjà publiées dans la presse- et, au lieu d’instiller la peur qui faisait trembler les plus courageux, il provoque, dans le meilleur des cas, une tendre compassion. Une jeune journaliste lui pose une question complaisante et lui fait part en public de son désir : “Laissez-moi vous embrasser”. Qu’est devenu cet abîme qu’aucune audace n’osait franchir ?

Une preuve significative du fait que le retour de Fidel Castro devant les micros n’est pas bien vu est que même son propre frère n’a pas voulu se faire l’écho, dans son dernier discours devant le parlement, des sombres prédictions lancées par Fidel sur le caractère inévitable d’un prochain conflit militaire dont la scène peut être la Corée du Nord ou l’Iran et dont le dénouement fatal sera -selon ses présages- la conflagration nucléaire. De nombreux observateurs signalent le fait que le Leader Maximo daigne à peine regarder les innombrables problèmes de son pays, se limitant à voir la paille dans l’œil du voisin, que ce soient les problèmes climatiques de la planète, l’épuisement du capitalisme en tant que système ou les récentes prédictions de guerre. D’autres croient voir dans son apparente indifférence pour les événements cubains, des signes voilés de mécontentement. Si César n’applaudit pas, c’est que quelque chose va mal, même s’il ne censure pas. Il semble inconcevable qu’il ne soit pas au courant de l’appétit de changement qui dévore aujourd’hui la classe politique cubaine, et il serait trop naïf de croire qu’il leur donnerait son aval. Après tant d’années à l’affût de ses gestes de la main, de la manière dont il fronce les soucils ou du rictus de ses oreilles, les fidelologues pensent qu’il est maintenant imprévisible et craignent que le pire survienne s’il lui prenait l’envie de déblatérer contre les réformistes face aux caméras de télévision.

C’est peut-être pour cela que l’impatiente meute des nouveaux loups ne veut pas éveiller la colère du vieux commandant, proche de son 84ème anniversaire. Ceux qui, depuis les sphères du pouvoir, prétendent introduire des changements plus radicaux, attendent tapis sa rechute prochaine. Pendant ce temps, ceux qui se soucient sincèrement de la survivance du processus s’alarment face au danger que représente l’évident déclin du mythe qui a personnifié pendant cinquante ans la révolution cubaine. “Pourquoi ne reste-t-il pas tranquillement à la maison en nous laissant travailler ?”, pensent certains sans même oser le marmonner.

Nous avions commencé à penser à lui comme à un élément qui appartient au passé, ce qui était presque une manière noble de l’oublier ; de nombreuses personnes se préparaient à lui pardonner ses erreurs et ses échecs pour le placer sur quelque piédestal cendré de l’histoire du XXème siècle, où son portrait -effectué durant le dernier de ses meilleurs moments- apparaissait déjà au côté de ceux des illustres morts. Tout à coup, il est revenu exhiber impudiquement ses problèmes de santé et annoncer la fin du monde, comme s’il voulait nous convaincre que la vie après lui n’aura aucun sens.

Ces dernières semaines, celui que l’on a jadis appelé le Numéro Un, le Leader Maximo, le Cheval, ou simplement désigné par le simple pronom personnel Il, s’est présenté à nous dépouillé de feu son charisme époustouflant, pour nous confirmer que ce Fidel Castro, malgré sa réapparition aux informations, ne reviendra -heureusement- plus.


Voir en ligne : Le

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