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L’observatoire du Made In Fraônce

mercredi 1er septembre 2010

Une technique très simple pour occuper le terrain quand on ne comprend rien à rien, dans tout domaine, est de produire une masse impressionnante de papier, de déclarations et d’agitation médiatique. Le domaine de la gouvernance d’état est évidemment propice à ce genre de méthodes, comme l’actualité nous permet de le voir une fois encore avec une de ces magnifiques créations de l’improbable, ajout spontané aux brouettes de Commissions Théodule déjà créées par les commis de l’État : un Observatoire du Made In France.

Placé au ministère de l’Industrie probablement parce qu’il passait dans le couloir au moment des nominations, Christian Estrosi a donc choisi cette voie pentue du frétillement inutile pour montrer qu’il continue d’exister au-delà de son soutien indéfectibles aux pitreries pathétiques de son confrère Brice en matière de sécurité.

Ici, il ne s’agit pas de constater – chose facile par ailleurs – que notre homme s’agite en pure perte, mais bien de noter que cette nouvelle création d’un observatoire sans réel intérêt masque difficilement une totale incompétence dans le domaine de l’industrie.

Pour l’avoir déjà écrit dans ces colonnes jadis, je le redis et maintiens : la carrière politique ne suppose en effet aucune espèce de compétence, si ce n’est celle de plaire aux prochains bien placés, être agréable aux bonnes personnes et suffisamment malin pour écraser les bons arpions sans se faire marcher sur les siens.

Par exemple, s’il avait été nécessaire, en lieu et place de la brillante création de cet observatoire, de déclarer doctement qu’il faut bidibuller les pétoncules, on peut être certain qu’Estrosi aurait doctement déclaré qu’il faut, effectivement, bidibuller les pétoncules, avec force et détermination, et que nous devons d’ailleurs bidibuller tous ensemble, aussi longtemps qu’il faudra, avec toute l’énergie qu’il faudra, pour paraphraser un autre spécialiste du bidibullage.

Ainsi comprend-on mieux l’intérêt pour le ministre de créer cet observatoire : on parle de lui, il montre faire des choses dans un domaine vaguement connexe avec son maroquin, tout est donc pour le mieux. Dans le cas qui nous occupe, on va utiliser trois indicateurs pour calculer le pourcentage de biens produits en France. Le but est de découvrir que – ô stupeur – les produits consommés en France sont de moins en moins fabriqués dans le pays. Tourneboulant, en vérité.

Mieux, on va découvrir aussi que non seulement nous nous faisons damer sauvagement le pion (avec un p, pas un f, s’il vous plaît) par les fiers Teutons, mais nous en prenons aussi pour notre grade avec les Italiens. Salauds d’Italiens qui font rien qu’à exporter chez nous. C’est un scandale.

Comme nous le remémore le passionnant article du Figaro (linké ci-dessus), Nicolas Sarkozy s’était engagé en mars dernier à augmenter l’activité industrielle de la France de 25%. Pourquoi 25% et pourquoi pas 150% ? Pourquoi l’activité industrielle et pas celle, beaucoup plus atteignable pour lui, des traiteurs/restauration/petits fours ? Mystère et boule de gomme. Toujours est-il que cet observatoire va permettre, le temps que durera son financement, d’étudier l’impact des poussées d’eczéma du gouvernement sur l’industrie.

Évidemment, une fois qu’il aura été constaté que cet impact est ridicule ou négatif (les deux sont cumulables), on oubliera bien vite l’observatoire, ses indicateurs, le label « Marque France » et la communication pétillante qui ont accompagné leur création – sans pour autant aboutir à la dissolution du concombre cosmique : ce n’est pas parce que ça ne sert à rien qu’il ne faut pas continuer à le payer, hein.

Et pourquoi cet impact sera-t-il ridicule ou négatif ? Parce qu’encore une fois, le gouvernement, trépignant sans réfléchir, a choisi d’intervenir massivement pour distordre encore un peu plus le marché de l’industriel en France : désignant un but arbitraire et parfaitement inatteignable, le voilà, trottant dans la steppe aride des idées préconçues, criant « Chargez ! » et pensant in peto « L’intendance suivra ».

Alors qu’ici, l’intendance fait tout et sans elle, le petit baudet gouvernemental chargera seul, se retrouvant rapidement au milieu de nulle part, à tailler l’air de son épée en carton.

En effet, les causes du problème de la désertification industrielle française sont connues depuis longtemps, et seuls les aveugles permanents de l’État ont encore besoin d’un observatoire pour y voir clair : il est de moins en moins rentable de faire faire sur le sol national ce que n’importe qui ou à peu près peut faire ailleurs pour deux ou trois fois moins cher.

Le problème n’est même pas une question purement financière : de plus en plus, les législations et autres règlements, tâtilonneries stupides d’une administration galopante et chronophage, suffisent à décourager n’importe quel industriel qui veut se lancer dans une aventure quelconque.

Autrement dit, même lorsque l’argent est disponible et qu’existe la volonté de payer les charges indécentes pour salarier des gens en France, l’administration et tout ce qu’elle compte de zélés thuriféraires du paradigme marxiste s’emploieront à saboter méticuleusement les efforts entrepris : le patron est, par essence, mauvais et cupide, et toute nouvelle installation industrielle est, a priori, une nouvelle source pour lui d’oppression sur ses employés. Le Zola qui sommeille dans chaque décideur local élu se réveille rapidement pour bien vite aider l’entrepreneur dans une démarche citoyenne de redistribution équitable et festive des bénéfices pas encore engrangés de son opération industrielle.

Ensuite, l’entrepreneur peut choisir la corruption, la collusion, la fuite ou le dépôt de bilan, ce qui explique 100% des cas observés dans le pays.

Bref : pas besoin d’un observatoire pour aboutir à cette conclusion.

Mais malgré tout, un observatoire de plus est né. Cela aurait pu être un concours de coloriage, un roman-photo ou une partie de gobage de Flanbys républicains, mais non, ce sera un observatoire.

Il fallait bien ça pour propulser la France jusqu’en 2012 !


Sur le web : l’Observatoire du Made In Fraônce.

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