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HADOPI : le tigre de papier

lundi 6 septembre 2010

Encore un rebondissement dans l’épais dossier HADOPI ! A mesure que s’approche la date fatidique de l’envoi des premiers courriers de la Haute Autorité Destinée à Observer les Petits Internautes, les embûches s’accumulent sur le parcours déjà fort rigolo de l’équipe qui la dirige… Aujourd’hui, patatras, une société se fait fort d’aider l’internaute à remettre les injonctions de l’Autorité à la place qu’elles n’auraient jamais dû quitter : la poubelle. Panique à bord.

L’avantage, avec les gouvernements socialistes, fussent-ils de droite comme de gauche, c’est que leur interventionnisme compulsif dans les affaires courantes provoquent systématiquement de gros remous et des effets de bords sévères qui viennent généralement mettre un bazar considérable dans l’actualité.

C’est évidemment vrai de sujets déjà fort polémiques comme les retraites ou la sécurité, mais même sur un sujet relativement technique comme la propriété intellectuelle et sa coexistence avec les nouveaux médias et internet en particulier, on retrouve cette explosion de n’importe quoi coloré qui s’étend dans tous les journaux, techniques ou non.

L’erreur, dit-on, est humaine, mais pour une vrai catastrophe, il faut l’intervention de l’état. Avec la HADOPI, la catastrophe est donc gigantesque, s’aggrave de jour en jour, et, pire que tout, semble parfaitement assumée par le gouvernement et les clowns à roulettes qui le composent dans cette désinvolture caractéristique des cons qui n’y comprennent rien.

Je parle ici du gouvernement, parce qu’en réalité, cette Haute Autorité n’est rien de plus que l’émanation du caprice des majors de la musique, cristallisé dans une institution aussi artificielle qu’inutile. J’en veux pour preuve qu’il est difficile, pour un citoyen lambda, de se rappeler du nom des dirigeants de cette boutique obscure : qui connaît Eric Walter ? Non, ce n’est pas l’avant-centre du FC Rezé. Et qui a déjà entendu parler de Marie-Françoise Marais ? Eh non, ce n’est pas l’auteur à succès de poèmes sur la cuisine méridionale… Le premier est le secrétaire général du bazar, la seconde sa présidente.

Oui, vous avez bien lu : la Haute Autorité Machin Bidule dispose d’un secrétaire général (pour 180.000 euros par an) ET d’une présidente (pour 115.000). Le tout est rattaché, en parfaite logique, au Ministère de la Culture. On peut donc parier sur une chaîne de compétence et d’abnégation à la tâche à la hauteur de ces salaires tout à fait justifiés pour débusquer, poursuivre et empaler en place publique l’internaute lambda qui pirate le dernier tube de Christophe Maé (et c’est bien fait : écouter de telles choses devrait en effet être purement et simplement puni de mort).

Mais si la délation rapporte bien à ceux qui l’exploitent, elle génère aussi un marché parallèle : celui des gens prêts à aider ceux qui se retrouvent pris dans le filet gluant de l’institution bidon. Car, et c’est là tout le comique de l’affaire, l’ensemble des bases légales sur lesquelles est assise la HADOPI est plutôt sujet à caution, pour le dire avec tact. Ainsi, on se souvient que l’association FDN a ouvert une procédure pour faire annuler les deux décrets permettant à la HADOPI d’agir. A ce jour, l’affaire suit son cours juridique, mais il serait assez piquant qu’on aboutisse à une annulation des décrets visés, provoquant la paralysie totale de l’institution.

Or, sans même attendre le résultat du jugement, une société, sos-hadopi.fr, sera donc lancée le 15 septembre prochain pour aider les internautes à comprendre quelque chose tant du côté de ce que recommande l’institution que du côté des démarches à effectuer pour s’en trouver protégé. Et là, tout de suite, on comprend que la haute autorité se soit sentie obligée de descendre de son gros fauteuil mou pour expliquer que tout ceci était très vilain, et plein de mauvais ragots.

Du côté de SOS-Hadopi.fr, on explique que l’internaute a besoin de cette aide pour prouver son innocence, notamment s’il n’a pas installé le magnifique logiciel (toujours pas disponible actuellement) pour « sécuriser » sa connexion. L’utilisation des guillemets est ici obligatoire tant cette sécurisation s’apparente fortement à du pipeau de grand chemin camouflé dans l’installation d’un aimable spyware destiné à remonter les informations de connexion et de contenu aux autorités compétentes… L’utilisation directe des webcams, reluquant l’internaute dans ses turpitudes internetesques, a probablement été écartée pour le moment, jugée sans doute trop invasive.

Cette intrusion et ce principe de culpabilité par défaut est, bien logiquement, nié par nos deux fifres gouvernementaux : la loi, disent-ils en substance, n’entraîne aucune obligation d’installation par les internautes d’un logiciel particulier et puis ce sont rien que des mensongeries de fausses affirmations répandues par un supposé service de recours qui fait rien qu’à nous embêter, d’abord.

Cependant, que SOS-hadopi.fr ait raison ou non, force est de constater que la HADOPI se place elle-même sous de bien piteux auspices : rien n’indique pour le moment qu’ils seront même capable de fournir un logiciel en bonne et due forme, sans que celui-ci ne fasse lui-même l’objet de moult décompilations, hacking et reverse-engineering le rendant proprement incapable de fournir un renseignement solide. Tout montre aussi que le calendrier initial d’entrée en force de la loi ne pourra être tenu : empêtrés dans les mises sous pli, une procédure juridique complexe et fouillie, on sent que les menaces proférées par la Haute Autorité risquent bel et bien de faire beaucoup plus rire que réfléchir l’internaute qui les recevra.

Eh oui : tout comme la DADVSI et les autres pénibilités législatives mises en place par les différents gouvernements depuis 10 ans pour brosser les lobbys culturels dans le sens du poil, les lois HADOPI vont, très rapidement, se vider de leur substance. L’institution, rapidement reléguée au rang de curiosité malsaine, ne fera peur qu’aux internautes les plus fragiles, et l’accumulation de cas foireux en justice qui ne manquera pas d’arriver achèvera de la ridiculiser tant aux yeux des internautes qu’aux yeux mêmes des politiques et des acteurs du monde culturel qui sentent bien que ce combat est déjà totalement ringardisé.

De ce tigre de papier qui montrera ses petits crocs limés dans les prochains jours, ne restera finalement … que des factures (et quelles factures ! Mazette, les salaires sont copieux !) et des kilomètres de papier couverts de petits alinéas de lois incompréhensibles et déjà oubliées.

Finalement, HADOPI, c’est l’histoire vivante d’un merdage magnifique et flamboyant, l’illustration parfaite que l’interventionnisme étatique au service d’un lobbyisme débridé n’aboutit qu’à produire des hectolitres de néant gras et coûteux.


Sur le web : HADOPI, le tigre de papier

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