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Seulement 96 milliards ! Youpi !

Un déficit rikiki !

vendredi 10 septembre 2010

Petite pépite de bonheur sucré, ce matin en découvrant les nouvelles du jour : youpi, le gouvernement pense ne déraper que de 96.000.000.000 d’euros dans le budget de l’année prochaine. 96 petits milliards de rien du tout de déficit pour 2011, franchement, c’est supayr, et en plus de ça, les dépenses courantes sur 2010 montrent qu’on a dérapé moins que prévu, et tellement moins que c’en est embarrassant, selon certains pignoufs de la presse.

En fait, tout se passe, maintenant, comme si les gens se réjouissaient que l’objectif de déficit (oui oui, vous avez bien lu, on parle d’objectif pour un déficit de près de 100 milliards) ne soit pas rempli.

C’est un tour de force, soit dit en passant : vu de la France d’en-bas ou même du milieu, tout se passe comme si, en réalité, le gouvernement faisait absolument tout ce qui lui est possible pour atteindre et dépasser avec panache cet objectif de déficit.

Cependant, on comprend le choix judicieux d’un objectif non nul : si l’objectif était fixé plutôt autour de – mettons – zéro milliard, chaque dérapage, même d’un seul euro, serait un dépassement infini de ce but. Alors qu’en visant large (mettons, 96 milliards), un déficit constaté de 105 milliards par exemple – soit 9 milliards de trop – n’est qu’un dérapage de 9% ! Et tout le monde sait que 9%, c’est pas grand chose.

Mieux : tout ratage de l’objectif par en-dessous, avec un petit 90 milliards par exemple, sera présenté comme une franche amélioration. Par la presse, par les analystes, par le gouvernement.

Bref : c’est le bonheur.

D’un côté, on peut alors annoncer, la mine grave et l’air décidé, que tous les efforts seront entrepris pour le déficit de l’année prochaine se situe autour de 96 milliards.

De l’autre, on peut aussi glisser, dans un sourire à la fois modeste et triomphant – c’est possible, mais il faut avoir fait du théâtre ou l’ENA pour bien maîtriser cette expression faciale – que la reprise se fait sentir et que les finances de l’état sont en bien meilleure forme que prévu (que c’en est même embarrassant, qu’on vous dit) : on ira même jusqu’à parler d’embellie, sur le mode « Dans ce match qualificatif, la France a salement perdu 7 à 1, mais on peut se réjouir : l’objectif de 0 but marqué a été rempli et même dépassé ! »

On sent qu’il y a eu de l’effort derrière ces chiffres. Vraiment. De la sueur, des tripes, du mollard.

Que depuis trois décennies, les gouvernements successifs (socialistes de droite honteux et socialistes de gauche assumés) n’aient pas été foutus d’approcher un exercice à l’équilibre ne défrise, semble-t-il, personne.

Que le projet, pardon, l’objectif de déficit de l’année prochaine se situe, pour la troisième année consécutive, dans le domaine des records nationaux toutes époques confondues, que tout ceci vienne s’ajouter à une dette déjà elle-même stratosphérique et jamais vue avant, tout ceci n’émeut ni les scribouillards qui relatent l’affaire, ni les « analystes » qui planchent sur le sujet, ni les politiciens qui, finalement, trouvent ça parfaitement normal.

Et quand des sondageurs de BVA, improvisés analystes, s’emparent de l’affaire, ça donne ceci en substance :

« L’annonce d’un surplus de recettes aiderait les opposants à la réforme des retraites et pourrait pousser le gouvernement à revoir ses ambitions à la baisse. Ce n’est pas le moment d’annoncer des ‘cagnottes‘, c’est certain. Une fois que la réforme des retraites sera passée, que le remaniement aura eu lieu, là ça tombera très bien.« 

En voilà un qui a bien tout compris. Imaginons la même chose en remplaçant les déficits et les dettes dont il est question par des chômeurs, puisqu’après tout, les déficits d’aujourd’hui sont les chômeurs de demain ; l’annonce devient alors qu’au lieu de deux millions de chômeurs en plus, il n’y en a qu’un million huit-cent mille et que cette bonne nouvelle sur le front de l’emploi devra être utilisée à bon escient, c’est-à-dire pas tout de suite mais après un petit changement des têtes de ministre, dont, soyons franc, tout le monde se tamponne.

Il y a des jours où l’objectif de déficit de baffes dans des gueules d’abrutis est malheureusement atteint.

Dans la citation ci-dessus, on pourra noter quelques mots croustillants :

- un surplus de recette quand on passe de 108 milliards de déficits à 93, j’avoue que c’était osé. Si encore, le mot recette, comptablement exact, est passable, le mot surplus, lui, choque carrément. Un surplus lorsqu’on nage en brasse coulée dans un déficit record, c’est du plus haut fantaisiste !
- ambitions : ça rejoint le mot objectif pour un déficit de 96 milliards. Avoir l’ambition de faire n’importe quoi, d’aligner un record de mauvaise gestion pour la troisième année consécutive, c’est remarquable. Ambitionner d’être toujours plus mauvais, est-ce une ambition ?
- cagnotte : ca y est, le mot est lâché. Il l’a été, cette année, par un pipeauteur de BVA. Une autre année, ce serait par un journaliste, une autre encore par un politicien. On est dans la même catégorie que le « surplus » et les précautions typographiques n’y changent rien : pour une partie croissante de la population, faire un tout petit peu moins mauvais que la catastrophe annoncée, c’est engranger un gain.
- quant à la réforme des retraites, dont on voit mal ce qu’elle vient faire ici puisque les caisses de l’état et les caisses sociales ne sont pas les mêmes, on pourrait disserter longtemps sur l’emploi hardi du mot « réforme » quand on voit que tous les pays européens ont depuis longtemps abandonné les chimères de la retraite à 62 ans, chimères auxquelles s’accroche encore une partie du pays, complètement déconnecté de la froide réalité mathématique.

Au passage, on se demande un peu comment vont procéder les fines lames du gouvernement pour gérer le reste de l’année 2010 (qui n’est pas finie, rappelons-le) et dans laquelle tout peut arriver, à commencer par un sérieux ralentissement de la croissance, ce qui ne laisse rien présager de bon pour les futurs surplus hu hu hu de recettes ah ah ah dans le buhuhudget hu hu

hio

ho

ho

ho excusez moi c’est nerveux. L’OCDE confirme en effet une nette décélération. Baroin va-t-il bouder ? Woerth aura-t-il encore son poste au moment où il faudra expliquer que les surplus sont en réalité des déficits plus importants que prévus ? La vente du godemiché en or de Liliane Bettencourt arrivera-t-elle à renflouer l’état français ?

Tout ceci, finalement, est à l’image de la France : on place des objectifs dans le mauvais, le nul ou le médiocre, qu’on est ensuite ravis de ne pas atteindre.

De la même façon que pour défendre des systèmes collectivistes en pleine décrépitude, on sort toujours les exemples des pays où c’est pire, et où se comparer avec plus mauvais que soi procure une satisfaction tout à fait artificielle et donne un goût de l’effort très modéré, on retrouve ici ce biais caractéristique de toute cette France qui glandouille, qui claque le pognon des autres, qui n’en a, en réalité, absolument rien à battre des impôts, taxes et prélèvements qu’elle inflige, maintenant ou plus tard, à tout le reste de la population : faire moins minable, moins grotesque, moins ridicule ou moins mal qu’avant, c’est digne de réjouissances.

En fait, The Economist, qui titrait sur le rétrécissement de Sarkozy, se trompe. Il revient simplement à la taille adaptée aux ambitions et aux objectifs de ce pays.

Rikikis.


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