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La méthode néo-libérale

lundi 14 avril 2008

1. L’individualisme méthodologique

Selon Mises, c’est le fait que "toutes les actions peuvent être rapportées aux individus et qu’aucune méthode scientifique ne peut réussir à déterminer comment des événements externes définis, susceptibles d’une description par les méthodes des sciences de la nature, produisent au sein de l’esprit humain des idées, des jugements de valeur et des volitions définies. Dans ce sens, l’individu qui ne peut pas être dissous en composants est à la fois le point de départ et la donnée ultime de toute tentative de traiter l’action humaine." (1962, 1978)

Par conséquent, toute action humaine doit être comprise, en dernier ressort, comme le résultat d’actions individuelles. Toutes les actions collectives doivent donc être expliquées à partir de leurs composants individuels. On ne saurait donc parler de "l’action de l’Etat, d’un pays ou d’une entreprise, d’un syndicat" : ce sont toujours des individus qui agissent.

Pour que cet individu puisse être le point de départ du raisonnement, il faut donc que son comportement ne puisse pas être expliqué par des phénomènes qui de dépasseraient et le détermineraient.Lesquels phénomènes pourraît être soit naturels (physiques, physiologiques) soit sociaux.
Rien ne peut être conclu (en termes scientifiques) au sujet des phénomènes naturels
Quant à l’environnement social, même s’il serait stupide de nier son influence sur le comportement individuel, on ne peut nier qu’il ne reste que composé d’individus : c’est ainsi qu’il est social.

Alors la méthode d’analyse doit se décliner en deux temps : en premier lieu la praxéologie, qui est une théorie générale de l’agir humain ; laquelle permettra de développer dans un second temps une théorie sociale, la théorie de l’échange ou catallactique.

2. Le subjectivisme

La plupart des objets de l’action humaine ou sociale ne sont pas des "faits objectifs" ; ils ne peuvent en aucune manière se définir en termes physiques. Pour ce qui est de l’action humaine, les choses sont ce que les gens qui agissent pensent qu’elles sont. Ainsi un marteau ou un baromètre ne sont pas des outils du fait de leurs caractéristiques physiques ou matérielles. Ils ne le sont que parce que les individus ont des opinions ou des croyances sur les effets bénéfiques de leurs usages. En d’autres termes, les individus pensent que ces outils leur permettent d’atteindre leurs objectifs. En conséquence, comme le souligne Hayek, "ce sont les conceptions individuelles, les opinions que les gens se sont formées d’eux-mêmes et des choses qui constituent les vrais éléments de la structure sociale". (1)

Mais ne risque-t-on pas de la sorte de déboucher sur un scepticisme à l’égard de toute connaissance possible ?

Non, dans la mesure où deux observations permettent de dépasser ce risque, en expliquant les résultats de l’action humaine qui ne sont ni voulus ni préparés.

D’une part, il existe une structure commune entre les esprits des individus. Ils peuvent avoir des croyances et des opinions différentes, mais la logique de classement des phénomènes extérieurs par les individus reste du même type : c’est ce qui permet la communication.

D’autre part, la connaissance pourra progresser grâce à un développement en deux moments : théorique d’abord, empirique ensuite. On reconnaît ici le dyptique praxéologie/catallactique de Mises.

Mais cette méthode reste marquée du sceau du subjectivisme : l’interprétation tirée par le chercheur sera nécessairement liée à la "compréhension" au sens wébérien, c’est-à-dire la capacité d’identifier les intentions subjectives dans les actions individuelles. ("Faute de pouvoir comprendre ce que les gens qui agissent veulent dire par leurs actions, tout essai de les expliquer, c’est-à-dire de les rattacher à des règles qui relient des situations semblables à des actions semblables, est voué à l’échec" (2).

D’autre part, l’insistance sur les opinions et sur les croyances conduit à s’interroger sur les connaissances concrètes qui guident les individus. Puisque les connaissances concrètes et leurs interprétations diffèrent entre les individus, il faudrait rassembler et traiter une quantité démeusurée d’informations pour expliquer totalement un phénomène donné. La limitation même de mon esprit m’empêche d’opérer un tel travail.

3. L’individualisme subjectiviste

C’est une attaque frontale de l’historicisme : l’individualisme subjectiviste dénonce une méthode qui fonde la connaissance économique sur l’observation des faits et la collecte des données empiriques. A l’inverse, l’individualisme subjectiviste réaffirme la nécessité d’une théorie économique abstraite, seule capable de mettre au jour les relations entre les éléments qui composent une économie.
L’école historique dispose d’une méthode qui ne lui permet, dans le meilleur des cas, que de tirer des enseignements du passé.

D’autre part, l’individualisme subjectiviste s’oppose au scientisme. L’application des méthodes des sciences exactes aux sciences sociales en fait des disciplines "objectivistes", qui ne prennent pas en compte la diversité des interprétations individuelles et la subjectivité des faits sociaux. De même, la macroéconomie, en ce qu’elle analyse les phénomènes comme des relations entre agrégats, utilise une démarche erronée : ni les agrégats, ni les moyennes n’interagissent ; ce sont les décisions individuelles qu’il faut mettre en relation. Mises souligne que le niveau d’agrégation qu’emploie souvent la macroéconomie est le niveau national. Mais n’est-ce pas arbitraire ? Ou plus exactement, n’est-ce pas la preuve de l’aspect profondément politique de cette démarche, dans la mesure où seul un critère politique peut expliquer le choix du niveau national plutôt que celui de la ville, de la région, du monde ?

Notes

1 : Scientisme et sciences sociales, p. 46.
2 : op. cit., p. 41.


Illustration sous licence Creative Commons : INDIVIDUALISM

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