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Halte au harcèlement fiscal

Quel sort pour les professions libérales ?

mardi 14 janvier 2003

La pétition de principes énoncée par Jacques Chirac lors de ses vœux devant les partenaires sociaux fait pâle figure devant le plan de relance annoncé en ce début d’année par la Maison Blanche. En effet, quand le président français promet timidement le maintien du « cap fiscal » (c’est-à-dire, selon certaines déclarations, une baisse consternante du taux de l’impôt sur le revenu d’environ 1% en 2003 !), son homologue américain engage un plan autrement plus spectaculaire de baisse d’impôts aux Etats-Unis.

La position du président français est surprenante car nombreux sont ceux qui, depuis longtemps, ont démontré l’urgence et l’efficacité assurée d’une baisse radicale des impôts. Les études dans ce sens sont légion et il n’est même plus besoin de démontrer combien l’économie française y gagnerait ni, surtout, combien chaque français – et non simplement les plus riches – y trouverait son compte. Ce sujet est, pourtant, toujours interdit de séjour à l’Elysée. Notre président semble, en effet, atteint d’une maladie incurable qui freine toute initiative audacieuse en matière fiscale : le souci de préserver son image sociale. Cette coquetterie de communiquant coûte malheureusement très cher aux contribuables français et à l’économie toute entière.

Si la baisse massive et rapide de l’impôt sur le revenu est un sujet tabou, la tyrannie fiscale qui frappe les professions libérales l’est plus encore. Personne n’ose aujourd’hui s’élever contre le traitement insupportable qui est réservé à ces professions. On assiste pourtant à un racket de haut vol qui est organisé par l’Etat au détriment des médecins, des avocats, des pharmaciens, des notaires, des experts-comptables et, entre autres encore, des architectes.

Dans l’imagerie populaire, ces personnes sont « riches ». De même que l’on imagine le patron fumer son cigare, le médecin passerait son temps au golf, l’avocat vivrait dans un 400 m2 au cœur de Paris et le pharmacien, ce « colleur d’étiquettes », serait plein aux as. Comble de l’insupportable : ils vivraient du malheur des gens ! La réalité est toute autre. Ces professions, autrefois respectées, ont été choisies par des personnes qui travaillent dur, aussi bien au cours de leurs longues études que tout au long de leur carrière. Leur quotidien n’est pas de tout repos et les 35 heures sont, pour eux, le plus souvent atteintes dès la moitié de la semaine. Les avantages que peuvent connaître la plupart des salariés leur sont totalement inconnus : pas de « RTT », pas de 13e mois, pas de stock-options, pas de comité d’entreprise… Au surplus, leur responsabilité ne fait que croître dans un monde juridique où l’impératif d’indemnisation dudit « faible » a pris le pas sur la recherche de la faute du professionnel. Il n’est qu’à écouter les doléances légitimes des médecins obstétriciens ou des experts-comptables pour comprendre le malaise de toutes ces professions.

Si, parfois, les rémunérations de ces personnes font jaser, c’est parce que les railleurs ne retiennent que les revenus bruts et ignorent le sort réservé aux fruits d’un travail complexe, risqué et lourd de responsabilité. Il existe, en effet, toute une machinerie étatique qui, avec un appétit féroce voilé de « justice sociale », se nourrit allègrement du produit de leurs efforts. La ventilation des prélèvements obligatoire témoigne du sort qui leur est réservé. Leur revenu est, ainsi, frappé non seulement par l’impôt sur le revenu (rapidement élevé, en raison de la progressivité de cet impôt) mais aussi par des cotisations sociales plus que massives (jusqu’à 30% du revenu net imposable), par la taxe professionnelle (qui sera, certes, légèrement baissée en 2005 mais qui demeure, contrairement aux entreprises, toujours injustement calculée en proportion du chiffre d’affaires), par les frais et charges de personnel et de cabinet (en perpétuelle augmentation) et enfin, pour certains, par la TVA. C’est ainsi que, depuis des années, l’Etat rogne sans scrupule entre 50 et 70 % de leurs revenus bruts ! Leur situation est donc loin d’être enviable au regard des salariés, particulièrement protégés et largement moins imposés.

On peut, dès lors, constater que ces professions dites indépendantes travaillent beaucoup plus de la moitié de leur temps au service de l’Etat ! L’Etat a, ainsi, réussi à « nationaliser » une large partie du travail privé d’un grand nombre d’hommes et de femmes. L’exemple des médecins de ville est, à ce titre, d’autant plus désespérant que, outre les prélèvements fiscaux, ces derniers ne peuvent même pas fixer eux-mêmes leurs tarifs et se doivent d’obéir aux injonctions de plus en plus sévères d’un monopole public. Et dire que dans l’épithète « libérale » se cache le mot « libre »…

L’injustice fiscale qui frappe les professions libérales est donc criante. Elle tue l’espoir de jeunes qui pensaient, grâce à leur travail, pouvoir se constituer un patrimoine. Mais, dans ce pays, il est mal vu de souhaiter préserver les fruits de son labeur ! L’effort n’a pas à être récompensé car cela gênerait ceux qui n’en font pas. Ne nous leurrons malheureusement pas : les vieux démons collectivistes gardent toujours la maison France et entretiennent avec autant de succès le nivellement par le bas et le vol par le haut.

Avec un tel acharnement fiscal, comment donc ne pas comprendre, qu’après l’effort quotidien, il devient insupportable au médecin ou au notaire d’imaginer qu’une large part des sommes durement gagnées contribueront à la rémunération de fonctionnaires qui, après avoir travaillé au maximum 35 heures par semaine, toucheront, au bout de 37 ans et demi, une retraite largement financée, là encore, par les cotisations des professions libérales ? Il est tout aussi odieux de penser que ces professions financent, avec leurs cotisations sociales, l’assurance-chômage, les congés payés ou les congés maternité des salariés alors qu’eux mêmes ne pourront jamais profiter de toutes ces protections avantageuses ! Au nom de quel grand principe l’Etat peut-il ainsi prendre aux uns pour donner aux autres (sans oublier, d’ailleurs, de se servir au passage) ? Quel grand mensonge a-t-il bien pu inventer pour mettre sur pied un système aussi injuste ?

Il serait de bon ton, aujourd’hui, que les hommes politiques cessent d’invoquer, avec autant d’arrogance, « la fraternité » ou « l’égalité sociale » pour justifier de telles pratiques. Ce ne sont, le plus souvent, que des arguments impudiques destinés à masquer leur acharnement contre des personnes courageuses qui sont, physiquement et moralement, atteintes par l’inégalité inacceptable de leur traitement fiscal.

Mais les professions libérales sont des cibles faciles. C’est vrai qu’elles ont, au regard de leur quantité de travail et de leur indépendance congénitale, une faible capacité de mobilisation. En se saisissant ainsi, en toute impunité, d’une grande partie de leurs biens, l’Etat ne prend pas trop de risque politique. Il ne prend cependant pas conscience qu’il assassine des vocations et qu’il fait fuir de trop nombreux talents.

Sur ces questions, le gouvernement de M. Raffarin pratique un immobilisme coupable. Pire, les professionnels libéraux ont même été purement et simplement oubliés dans le projet de loi « Agir pour l’initiative économique » préparé par M. Dutreil ! Il est pourtant plus qu’urgent de redonner aux professions libérales un peu de leur liberté perdue.

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