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La France plus trotskiste que libérale

Présidentielles 2002 : les vrais débats sont occultés

LAGUILLER, Besancenot, Gluckstein et Cie

jeudi 15 novembre 2007

BEAU FANTASME

Qui a lu, vraiment, les propositions d’Arlette Laguiller ? Elle veut "rendre publiques" les comptabilités des grandes entreprises. Que la candidate de LO haïsse la Bourse est certain, mais comme ex-salariée du Crédit lyonnais elle devrait en connaître la loi première : les comptes des entreprises cotées (les grandes, celles que vise Mme Laguiller) sont publiés tous les trimestres, en grand détail, à destination des actionnaires. La revendication alimente sûrement le beau fantasme de patrons qui, en secret, exploitent les travailleurs. Ils les exploitent, sans doute, mais dans la lumière, en tout cas, des charges et des bénéfices. Passons donc sur le vide de sens de cette proposition numéro un et sur le secret, lui bien gardé, des comptes de Lutte ouvrière. Plus sérieux, Mme Laguiller veut interdire les licenciements. Si les entreprises licencient pourtant, elle propose de les "réquisitionner". Elles seront ensuite gérées pour le "bien commun". Qui le définira ? LO, sans doute, qui est bien plus légitime que le marché pour dire de produire telle voiture ou telle autre, de cultiver tel champ, etc.

20 MILLIONS DE CHÔMEURS

Trêve de plaisanterie : le programme d’Arlette Laguiller mettrait, à coup sûr, 20 millions de travailleurs et de travailleuses au chômage en moins de six mois. Mais cela ne décourage pas ses électeurs, ils veulent "pro-tes-ter". Contre quoi ? Les injustices, les inégalités, le chômage, contre lesquels Lionel Jospin n’a pas fait assez. Voilà qui, précisément, devrait se discuter dans le détail. Le bilan social du premier ministre n’est pas mince. Mais, en renvoyant à l’impossible "interdiction des licenciements"et à la nationalisation générale de l’économie, le débat réel devient interdit et s’envole illico dans le néant du virtuel. Nous voilà dans une économie qui serait encore dominée par la lutte des classes : tout ce qu’on prend au patron va aux travailleurs. Hélas, la planète a beaucoup changé et, depuis belle lurette, tout ce qu’on prend au patron ne va pas aux salariés mais, plus directement, au concurrent.

S’imaginer dans un monde bien simple est intellectuellement confortable et électoralement payant. Mais il n’empêche qu’il s’agit de romantisme. L’antinomie capital-travail, hier locale, s’est reportée au niveau mondial depuis quinze ans. Le régime d’hyperconcurrence qui en découle remet en cause tous les équilibres sociaux précédents, bâtis sur le socle national. Face à cette mondialisation, personne aujourd’hui n’a trouvé le schéma idéal qui assure l’emploi et le bien-être des travailleurs nationaux. On peut se saouler d’utopies mortes, réaction bien française donc. On peut plutôt tâtonner humblement autour de questions concrètes aux réponses incertaines. Comment assurer une nécessaire flexibilité du marché du travail, licencier donc, mais sans installer la précarité ? Comment attirer les capitaux - certainement pas en les punissant, comme le pense encore la moitié de la gauche - mais sans déclencher un dumping fiscal et social ? Comment réformer l’Etat-providence construit après-guerre ? Comment combler les nouvelles inégalités issues du nouveau régime de croissance ?

PAR LA BANDE

La campagne aurait pu être l’occasion d’en débattre, de cerner les faiblesses du pays et d’y trouver des débuts de réponse. Mais il n’en est rien. L’utopie s’allie aux corporatismes pour l’interdire. Parler des licenciements ? Electoralement dangereux. De la compétitivité des entreprises ? Patronal. Des retraites ? C’est vouloir faire la fortune des assureurs privés. Veut-on évoquer la faible création d’entreprises ou la fiscalité qui pousse les élites footballistiques, financières ou scientifiques à partir à Londres ou Palo Alto. C’est se déclarer "ultralibéral". Quant à s’avancer sur le sujet de l’Etat, de son poids et de son organisation, qui date du taylorisme et qui pénalise son efficacité, LO plus FO sont là et SUD veille : pas touche.

La pusillanimité des deux candidats principaux finit de cadenasser les débats. Conséquence : on apprend par la bande, c’est-à-dire lors de réunions du Conseil européen comme celui de Barcelone, que la France s’est engagée à propos des retraites à reculer de cinq ans l’âge de cessation effective d’activité. Et sans que le débat ait été le moins du monde engagé ici et sans que personne ne dise rien. Le vote virtuel fait rêver ? Il laisse surtout les autres pays européens nous dicter la loi.

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