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Où est passée la réforme des retraites ?

vendredi 18 avril 2003

Il est vrai que les perspectives font froid dans le dos. En raison de l’allongement de l’espérance de vie et du vieillissement démographique, le compte global du système de retraites passera dans le rouge à partir de 2006 et plongera inexorablement pendant quarante ans. En l’absence de mesures de redressement, ce sont, chaque année, 2 points de notre richesse nationale qu’il faudra consacrer, à l’horizon de 2020 (et 4 points en 2040) au financement de nos retraites, autrement dit à l’entretien d’une population inactive toujours plus nombreuse. Or le rapport de l’ancien commissaire au Plan, Jean-Michel Charpin, comme celui, plus récent, du COR ne laissent aucune illusion : une amélioration de la situation économique et, en particulier, une forte baisse du chômage ne seraient pas suffisantes pour compenser les charges supplémentaires de retraite. Il faut d’autant moins y songer que l’hypothèse économique centrale retenue par le COR, non encore révisée par le gouvernement, celle d’un taux de chômage tombant à 4,5 % en 2010, semble aujourd’hui d’un optimisme qui confine à l’utopie. L’exigence de vérité voudrait que le plan de sauvegarde des retraites soit calibré à la réalité économique plutôt qu’à une économie virtuelle.

Telle n’est manifestement pas l’intention du gouvernement. Quoi qu’il en dise, celui-ci cherche plus à limiter qu’à amplifier la portée de la réforme des retraites. A peine plus d’un mois après que le Premier ministre a donné le coup d’envoi du processus d’élaboration, on commence à se faire une idée de ce qui ne figurera pas au menu, lorsque le projet sera présenté au Parlement en juin prochain. La semaine dernière, François Fillon, ministre des Affaires sociales et du Travail, a expliqué, comme si cela coulait de source, qu’il ne serait pas nécessaire, « dans les années qui viennent », d’allonger la durée de cotisation des salariés du privé. Le message est assez limpide : dans ce qu’elle comporte de plus symbolique, c’est-à-dire le rééquilibrage entre le temps de la vie au travail et le temps de la vie après le travail, la réforme Balladur de 1993 ne sera pas prolongée par la réforme Raffarin de 2003. In fine, ce sera bien à la majorité issue des urnes en 2007 qu’il reviendra de régler, de nouveau, la question du financement des pensions du privé. Et la grande affaire de ce gouvernement se confirme être l’avenir de la retraite des fonctionnaires en particulier plutôt que celui de la retraite des Français en général. Jean-Pierre Raffarin et François Fillon ont beau dire que leur objectif est de sauver le système par répartition, ils ne se sont dévoilés, jusqu’ici, que pour plaider en faveur de l’alignement obsessionnel du public sur le privé.

Que le gouvernement soit déterminé à imposer, à relativement brève échéance, quarante ans de cotisation aux fonctionnaires ne fait plus guère de doute. Qu’il soit disposé à aller au-delà, ou à modifier d’autres paramètres pourtant nécessaires au rééquilibrage financier, est nettement moins probable. L’intégration des primes des fonctionnaires dans le calcul de la retraite ? « La question est sur la table », se contente de répondre François Fillon. « Trop cher », décryptent les conseillers du gouvernement. La suppression de la référence aux seuls six derniers mois de traitement ? La mesure rendrait moins favorable le calcul des pensions. Mais, « à titre personnel », le ministre de la Fonction publique, Jean-Paul Delevoye, s’est déjà prononcé contre. La possibilité, pour tous les salariés ayant cotisé quarante ans, de partir à la retraite avant l’âge légal de soixante ans ? Il y a fort à parier que la proposition phare de la CFDT, soutenue du Parti communiste à l’UDF, sera sérieusement amoindrie. Son coût est exorbitant (13 milliards d’euros par an) et François Fillon a prévenu que toute concession dans cette direction devrait être compensée par des sacrifices ailleurs. Au moins faudrait-il, alors, reconnaître que l’esprit de « justice » censé guider la réforme ne joue que dans un sens, celui de l’économie.

Si les quarante ans de cotisation demeurent l’alpha et l’oméga du gouvernement, que restera-t-il de la réforme des retraites ? Une inquiétude intacte. Car l’effort à consentir est à la fois bien plus considérable et bien plus urgent. Les rapports successifs rédigés sur la question ont eu le mérite de donner la mesure des changements à mettre en oeuvre. Le COR estime ainsi que pour équilibrer financièrement le système en jouant sur la seule durée de cotisation, il faudrait l’allonger de six ans d’ici à 2020, puis de trois ans dans les vingt ans qui suivront. Lorsqu’on se souvient qu’il a fallu dix ans pour passer les salariés du privé de 37,5 ans à 40 ans, l’on mesure qu’on est encore loin du compte et qu’il n’y a guère de temps à perdre. Aussi, affirmer aujourd’hui qu’il n’est pas nécessaire « dans les années qui viennent » d’augmenter la durée de cotisation du privé revient à faire, implicitement, le choix de la hausse des prélèvements, qui est aussi le degré zéro de la réforme. La droite avait promis la réforme du siècle, il est à craindre qu’elle ne s’achemine vers la réformette de l’année.

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