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Une guerre juste

vendredi 18 avril 2003

Or, des doutes même, malgré les foules de Paris et d’Alger, je n’en ai pas. Pas plus que n’en avaient ceux qui surent dire "non" avec de Gaulle aux forces brunes, puis au communisme lors de l’affaire de Berlin ou de Cuba, ou avec François Mitterrand lors de l’affaire des euromissiles. La guerre est juste. Juste et nécessaire. Parce que la morale, le droit et la raison politique l’exigent.

L’exigence morale suffirait seule à clore le débat. Qu’il ait ou n’ait pas des armes chimiques et bactériologiques, le régime de Saddam Hussein, qui considère l’humanité comme un moyen et non comme une fin, est immoral. Immoral et criminel.

Ce n’est pas seulement une dictature, mais un totalitarisme. Qui ne connaît le Centre de détention de Bagdad et ses sous-sols où l’on torture et fusille ? La terreur sur la population, la répression sanguinaire des opposants, qui, eux, n’ont pas la liberté de manifester ? La militarisation de la population ? Ses crimes contre l’Iran ou les Kurdes ? Sa volonté de déstabiliser ses voisins, de détruire Israël ? Son soutien aux terroristes ?

"La chasse aux tyrans est déclarée ouverte" : le mot d’ordre me convient mieux que ces défilés de pacifistes qui, hier, applaudissaient les accords de Munich, dénonçaient "Ridgway la peste", saluaient Fidel Castro ou la mise en place de SS 20 soviétiques et qui prétendent aujourd’hui sauver la mise de l’un des tyrans les plus sanguinaires du globe sous prétexte que tout vaut mieux que la guerre.

Liberté et dignité ne vaudraient pas la guerre ?
Elles n’exigeraient pas que nous libérions un peuple dans les fers ?

Quand les pacifistes rétorquent qu’il existe d’autres régimes honnis et voient dans ce choix irakien la preuve de la duplicité américaine, j’ai presque envie de sourire. Sous prétexte que plusieurs assassins courent les rues, il ne faudrait pas exiger que soit mis hors d’état de nuire celui dont la police peut se saisir ? On devrait lui proposer doctement de continuer à terroriser les siens à l’unique condition qu’il ne menace plus les habitants hors de ses terres ?

Il est vrai que nos donneurs de leçons ne sont guère gênés de voir la quasi-totalité des régimes dictatoriaux (à part ceux corsetés par les Etats-Unis) avancer masqués derrière eux, de cette Chine qui écrase le Tibet jusqu’à Oussama Ben Laden qui exporte sa haine, de cette Russie qui bombarde en Tchétchénie la population civile jusqu’au Soudan qui inflige aux femmes les plus effrayantes lois en passant par ces dictatures africaines francophones fâcheusement oubliées.

Le droit dont ils se parent n’est pas plus favorable aux pacifistes. Les Etats-Unis ont pour eux une résolution de l’ONU (1441), votée par tous, France y compris, qui les autorise à agir si Saddam Hussein n’apporte pas la preuve de la destruction et de la prohibition des armes chimiques et bactériologiques. Les Tartuffe feignent de croire que c’est aux inspecteurs à prouver que de telles armes n’existent plus. Se développe ainsi, par ce détournement rhétorique de la charge de la preuve, le jeu du chat et de la souris dénoncé par Mohamed ElBaradei et Hans Blix.

Quand les Etats-Unis proposent une ultime motion à l’ONU, faudrait-il, en cas d’opposition, qu’ils laissent violer les décisions précédentes ? Que vaudrait un droit qui varierait, telle Pénélope, défaisant la nuit ce qu’il a fait le jour ? Ou le droit est le droit, et il doit être respecté, ou l’ONU n’est que la couverture mitée de l’immoralité et du désordre international, et on doit passer outre.

C’est bien parce qu’ils le savent que nos "demi-habiles" (Pascal) se retranchent derrière la raison politique. Les Etats-Unis agiraient "par intérêt", "pour le pétrole", disent-ils. Que l’intérêt puisse être le mobile de l’intervention ne suffit pas à la condamner. Il n’est pas nécessaire, comme le faisait remarquer Kant, qu’une conduite soit faite selon la morale pour être juste, il suffit qu’elle s’y conforme.

D’autre part, assurer ses conditions de survie, tout Etat le doit. Or, le pétrole est une matière première stratégique, à partir de laquelle un chantage peut être fait aux républiques, chantage déjà subi, que Saddam Hussein relance en menaçant de brûler 1 500 puits de pétrole. Il pourrait donc légitimer une guerre.

La France passe à côté de son intérêt bien compris. En ne participant pas à la coalition, le marché irakien nous échappe. Et il reste à prouver que les autres gouvernements de la région, qui, à l’inverse de leurs populations, détestent Saddam Hussein et se félicitent d’en être bientôt débarrassés, nous soient reconnaissants de notre pusillanimité.

Ce n’est pas en vérité la raison, mais la passion, qui guide nos pacifistes.
Et l’odieux, qui fait s’acoquiner extrême droite, extrême gauche et forces nationalistes archaïques, le dispute à l’absurde.

Imaginons, un instant, l’échec des Etats-Unis. Des rives yéménites à certains de nos quartiers difficiles, chacun y verrait une preuve de faiblesse qui déstabiliserait les mouvements et gouvernements musulmans modérés. S’il n’y a plus de gendarme international, les espoirs des plus "fous" sont permis.

A l’inverse, si la guerre est juste par sa fin politique et humanitaire, elle l’est aussi par ses moyens. Du sang, dites-vous ? Nul n’a demandé aux pacifistes de "mourir pour l’Irak". Il ne s’agit pas d’envoyer des hommes du contingent, mais des professionnels. Et tout sera tenté pour que les pertes en vies humaines soient les plus faibles possible.

Envers la population irakienne, les moyens utilisés seront conformes à ce principe. Des morts ? Certes, il y en aura. Parce que Saddam Hussein prend sa population en otage pour ne pas céder devant la morale et le droit.

Quant aux dommages collatéraux de cette guerre, ils ne seront jamais pires que les crimes, certains et illimités cette fois, que le régime irakien perpétuerait demain en cas de non-intervention.

Vis-à-vis du reste du monde, la guerre apparaîtra vite comme une décision sage. N’en déplaise aux apocalyptiques, il n’y aura pas de "résistance" d’une population qui attend l’élimination du tyran. Et il suffira de quelques caméras pour retourner une opinion internationale aujourd’hui bernée.

Pourra ainsi être réorganisée cette poudrière régionale, confortée la sécurité en Arabie saoudite et dans les Emirats, assurée l’existence d’Israël et démocratisée l’autorité palestinienne. Tandis que la guerre commencée contre les Etats voyous en Afghanistan, poursuivie en Irak, continuera afin d’imposer sur le globe ce traité de paix perpétuelle qu’exige la conscience universelle.

Le droit sans l’épée n’est qu’un mot et la morale sans volonté un songe creux.

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