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La guerre est toujours un échec. Il faut qu’elle le soit pour celui qui la provoque, Saddam Hussein

vendredi 18 avril 2003

J’ignore comment la presse française a rapporté mes diverses déclarations concernant la politique actuelle des Etats-Unis à l’égard de l’Irak. Elle est impopulaire en Europe surtout, mais aussi ailleurs, j’en suis conscient. Cà et là, l’attitude envers l’Amérique me paraît exagérée et franchement hostile : je la déplore. Mais je l’attribue à l’incompréhension plutôt qu’à l’ingratitude. Tous ces jeunes qui, à Paris comme à San Francisco, manifestent contre la guerre en Irak se rendent-ils compte que, sans le vouloir ou en espérant venir en aide à la population irakienne, ils aident le dictateur sanguinaire qu’est Saddam Hussein à s’obstiner dans son refus de désarmer ? N’obéissent-ils pas à une animosité idéologique, si courante dans certains milieux politiques, à l’égard de l’unique superpuissance qu’est l’Amérique ? Je préfère leur attribuer des mobiles plus élevés : ils voient sans doute en toute guerre, et sûrement quand elle est livrée contre un pays plus faible et plus pauvre, une injustice à dénoncer. Mais alors, pourquoi aurais-je décidé de ne pas rejoindre leurs rangs ?

Serais-je donc pour la guerre, ou plus précisément pour cette guerre ?

Je l’ai dis plus haut : je ne me vois pas bien célébrant, ni même approuvant la guerre. La guerre, pour moi, c’est toujours une catastrophe, un blasphème à l’échelle de l’humanité. Tout vaut mieux que ça. Tout ? Même la soumission, la honte, l’humiliation ? Allons plus loin : tout vaudrait mieux que la guerre, même si elle n’est qu’une intervention destinée à en éviter une plus meurtrière ? Nous voilà plongés dans l’actualité.

Le problème n’est pas vraiment l’Irak, mais Saddam Hussein. Son passé est connu, il est lourd d’horreurs. En fait, c’est depuis longtemps qu’il aurait dû être appréhendé et inculpé pour crimes contre l’humanité : Slobodan Milosevic le fut pour beaucoup moins.

Consultons son dossier, voulez-vous. Le massacre par le gaz des Kurdes, des dizaines de milliers de jeunes tombés à la guerre contre l’Iran, l’invasion du Koweït et ses puits de pétrole incendiés (provoquant ainsi le pire des désastres écologiques de l’Histoire), les Scuds envoyés sur Israël alors que cet Etat n’avait joué aucun rôle dans la guerre du Golfe, la production d’armes de destruction massive depuis : comment être sûr qu’il n’en fera pas usage ? Qu’il faille le désarmer, cela est évident. Mais par quels moyens ?

Le Président Bush se croit investi d’une mission historique, sinon sacrée : combattre le terrorisme partout où il se trouve. Là il a mon soutien. Et celui du monde civilisé. Nulle société ne peut ni ne doit abdiquer devant la terreur. Ce serait non seulement dangereux, car le terrorisme ne s’arrête pas à mi-chemin, mais aussi indigne, car la capitulation est déshonorante. Or nul n’en doute, Saddam Hussein est un chef terroriste.

Est-ce vrai ? Les avis sont partagés. En Amérique, les sondages favorisent la Maison Blanche. Pas en Europe. En France, par exemple, on met en doute l’existence des "preuves" annoncées par le Secrétaire d’Etat Colin Powell qui affirme pouvoir prouver que l’Irak : 1. Possède des armes prohibées. 2. Qu’il est lié à l’organisation terroriste d’Al-Qaïda. Moi, je tends à lui faire confiance. Ce grand général, je crois bien le connaître. Ce n’est pas un homme de guerre. Je peux en témoigner : pendant le drame des Balkans, il n’était pas enthousiaste à la perspective d’envoyer des soldats américains en Bosnie. Puis, c’est lui qui a influencé le Président Bush père pour qu’il n’envahisse pas Bagdad. De même qu’il a convaincu le Président Bush fils de ne pas contourner le système des Nations Unies. Il ferait tout, il pense avoir tout fait, pour éviter le conflit armé. S’il dit posséder des preuves, c’est qu’il les a : il démissionnerait plutôt que de mentir à la nation et au monde. Ce qui est en jeu pour lui, c’est son prestige, son avenir, son passé et son honneur.

En vérité, nul ne veut la guerre ici, de même que, en France, nul ne souhaite l’abdication devant le despote irakien. Aujourd’hui encore, il n’est pas trop tard. Que l’Europe consente à exercer sur Bagdad la même pression qu’elle exerce sur Washington et Londres, Saddam Hussein, acculé au mur, résisterait avec moins d’obstination aux résolutions de la communauté internationale.

Cela dit, pour l’homme et l’écrivain juif mais d’expression française que je suis, la tension et l’adversité dans les rapports entre les deux grands alliés que sont l’Amérique et la France ne peuvent que nous chagriner. Dans les deux pays, certains éditoriaux vont jusqu’à prendre à l’égard de l’autre un ton insultant, comme si les deux peuples n’allaient plus jamais œuvrer ensemble pour le bien de l’humanité. Ce qui serait une tragédie pour l’un comme pour l’autre.

Si je suis maintenant pour l’intervention, même armée, et plutôt dans le cadre d’une grande alliance, c’est parce que Dominique de Villepin a raison : la guerre est toujours un échec. Mais il faut qu’elle le soit pour celui qui la provoque, en l’occurence Saddam Hussein au passé monstrueux.

A l’inquiétude que ce personnage m’inspire depuis longtemps vient s’ajouter sa conversation avec le journaliste Dan Rather de la chaîne de télévision CBS. Interrogé sur la guerre du Golfe, il lui a déclaré, tout simplement, explications abracadabrantes à l’appui, que l’Irak ne l’a pas du tout perdue... Autrement dit : Saddam Hussein, ayant perdu le sens de la réalité, vit à présent dans son monde à lui, un monde fait de fantasmes et d’hallucinations.

Ne croyez-vous pas que lui permettre de garder ses armes de destruction massive serait le comble de l’absurde et de l’irresponsabilité ?

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