Contrepoints

Accueil > Argumentaires > Édito > Entretien avec Copeau

Entretien avec Copeau

Un entretien exclusif (!) avec Copeau, le webmaster du site www.catallaxia.org

vendredi 18 avril 2008

Copeau, peux-tu en quelques mots te présenter ?

J’ai peu de choses à dire sur ma personne, qui est sans intérêt pour l’objet qui nous occupe. Je dirai simplement que j’ai 29 ans, que j’ai fait des études de sciences politiques, et que j’ai très tôt trouvé la foi libérale. La lecture de La Présomption fatale, de Hayek, la lecture aussi Du pouvoir de Bertrand de Jouvenel, ainsi que la lecture assidue de la revue Commentaire, fondée jadis par Raymond Aron, ont été les trois clefs de mes « premiers émois libéraux », selon la formule que j’ai lue récemment sur le forum de liberaux.org. Je me suis en revanche toujours tenu assez éloigné du militantisme politique pur et dur, celui des partis.

Quelle est ta profession ?

Désireux de conserver une partie du voile qui me drappe, une partie du mystère aussi, consubstantiel au site Catallaxia, j’élude fermement cette question. Disons que, sans être immédiatement proche de la sphère politique, ma profession n’en est pas pour autant très éloignée.

Que signifie le terme Catallaxia ? Pourquoi l’avoir choisi pour ton site ?

Comme je l’explique dans la présentation globale du site, Catallaxia n’est que l’adaptation « marketing » de la notion hayékienne de catallaxie, qui est plus que le capitalisme. La catallaxie, c’est l’échange sous toutes ses formes, l’échange producteur de richesse, l’échange producteur de paix et de prospérité, l’échange permettant la communication entre les peuples, l’échange qui permet l’enrichissement mutuel, bref celui qui offre la chance de faire d’un ennemi potentiel, virtuel, un ami. Bien sûr qu’il y a l’accumulation du capital, celle qui fait que la progression des facteurs de production n’est pas linéaire, qui fait que, pour reprendre la formulation de Malthus, le travail évolue de façon algébrique là où le capital évolue de façon géométrique, en se démultipliant. Mais il y a plus que l’accumulation du capital, et donc plus que le capitalisme, derrière le substrat sous-jacent toute vie sociale. Il y a la dimension humaine de l’accumulation de richesse, toutes les externalités positives issues du capitalisme. Hayek les résume sous le terme générique de catallaxie. Il cite Montesquieu, pour qui, partout où il y a du commerce, il y a des moeurs et des hommes libres. Nul autre titre n’aurait mieux convenu à la page personnelle que je souhaitais créer, à l’aube du printemps enneigé de 1997.

Par ailleurs, son côté quelque peu mystérieux pour qui n’a pas lu Hayek, en fait une quasi private joke qui n’est pas pour me déplaire. C’est le premier jalon de l’ambiance un peu opaque qui a toujours gravité autour de Catallaxia.

Qui a conçu le site Catallaxia ?

La conception c’est deux choses : l’idée, et la réalisation de cette idée. L’idée nous l’avons eu à trois. Il y avait Manu, l’un de mes camarades de Sciences-Po, et il y avait également Anne-Claire, qui pour des raisons qui n’ont qu’un lointain rapport avec le libéralisme, m’avait fortement motivé pour travailler à ses côtés. Très près, voire encore plus près d’elle. Enfin, bref ! Là n’est plus le sujet.

Quant à la réalisation, je l’ai portée entièrement et uniquement seul. Et croyez-moi, c’est un lourd fardeau. Pour une personne seule derrière son écran d’ordinateur, ce site représente un nombre non négligeable d’heures passées à lire, pianoter, de manière presque pathologique, son clavier. À tenter aussi de trouver des textes tout à la fois pédagogiques et incontournables. À tenter enfin décrire des articles de fond en ayant toujours en tête l’idée de faire une oeuvre d’abord et avant tout didactique, susceptible d’être utilisé par tout un chacun, libéral ou non, étudiants, retraités, adversaires politiques ou plus généralement toute personne intéressée par le libéralisme, sa philosophie, son histoire, ses tenants et aboutissants.

Pourquoi avoir créé une oeuvre aussi solitaire ? Serais-tu individualiste, voire misanthrope ?

Pas du tout. D’ailleurs le libéral distingue très clairement l’individualisme, qui est une posture personnelle positive, de l’égoïsme, qui est moralement condamnable. Le fait de travailler en commun, de coopérer, est l’essence même du libéralisme : c’est l’accord réciproque des volontés qui permet d’atteindre un but collectif. Il suffit de relire les pages que consacre Tocqueville à la promotion du phénomène associatif, dans l’Ancien régime et la Révolution, pour s’en convaincre.

Non, si j’ai été seul, c’est uniquement parce que, et les bénévoles de toutes les associations le savent bien, il est toujours beaucoup plus facile de trouver des beaux parleurs proposant de grandes idées que les chevilles ouvrières qui permettront de les réaliser. Or, si la tâche est ingrate, elle n’en est pas moins indispensable, et même plus importante que tout le reste. Si Napoléon gagnait tant de bataille, c’était bien sûr parce que c’était un immense stratège, mais c’était aussi parce que, derrière, son intendance était parfaite, plus rapide, plus efficace, que celle de ses adversaires. Alors il fallait bien que quelqu’un s’y colle, et ce quelqu’un ce fût moi.

J’ajoute que, puisqu’il n’est pas trop tard pour faire amende honorable, j’accepte avec joie toute bonne volonté éventuelle ! La gestion tant de ma carrière professionnelle, que des sites Catallaxia et liberaux.org, m’occupe beaucoup trop de temps. Je suis désireux de pouvoir quelque peu me décharger.

Penses-tu que ton site pourra disparaître ?

Non, dans l’immédiat je tiens la barre et j’ai encore quelques flèches affutées dans mon carcois.

Revenons au site. J’ai ouï dire que certains le trouvaient un peu « bizarre », non pas tant dans le fond, au niveau des sujets traités, mais concernant sa forme, avec notamment un code visuel très particulier. Qu’as-tu à dire pour ta défense ?

Plusieurs choses M. le juge. D’abord, le fait d’avoir un code visuel comme tu dis, très particulier, permet d’être reconnaissable au premier coup d’oeil ou presque. Ce qui est un immense avantage en terme de notoriété. (Même s’il va de soi que je n’ignore pas que ma notoriété est quasi nulle). D’autre part, je ne sais pas ce que mes détracteurs entendent par « bizarre ». Je dirai seulement que cette iconographie me correspond. J’aime les photos sombres, le noir et blanc, les images un peu insolite et aussi le fétichisme. Ce qui donne au site à côté un peu sulfureux, en totale dysharmonie avec le texte, qui n’est pas pour me déplaire. J’aurai deux anecdotes à ce propos. La première, c’est un prof québécois, qui me reprochait de ne pouvoir utiliser les textes de Catallaxia en classe, les trouvant assez peu BCBG. Ce à quoi je lui ai répondu que, dès lors qu’ils étaient diffusés sur le net, je considérais que mes textes étaient libres de droit. Qu’il pouvait par conséquent les reprendre, et faire disparaître tout ce qui pourrait le gêner, sans la moindre difficulté.

La deuxième anecdote, moins drôle, provient du site Net-2-One. Celui-ci permet à tout webmaster de coller sur son site des liens d’actualité, classés par thème. Le président de ce site m’a contacté et m’a proposé d’intégrer sa base de données. J’ai accepté. L’audience de Catallaxia pouvait du même coup considérablement décoller, et durablement. Il est finalement revenu sur sa décision, au motif que mon site comporterait, je cite, « des images pornographiques ». Je mets au défi quiconque d’en trouver sur mon site. Quoi qu’il en soit, et même si cette expérience est malheureuse, il est hors de question que je modifie quoi que ce soit de la présentation visuelle de Catallaxia. J’en fais une affaire personnelle !

Quel est le public visé par ton site ?

Excellente question ! J’ai toujours considéré qu’il était inutile de convaincre des convaincus ; qu’il était par conséquent sans grand intérêt de s’adresser à un public de chefs d’entreprise, de cadres dynamiques, plus généralement de personnes directement baignées dans la grande piscine de la concurrence internationale. Qu’il était en revanche bien plus fructueux, mais aussi bien plus périlleux, de s’adresser à un public a priori réticent : c’est d’abord à l’enseignante fonctionnaire, au syndicalisme (sic), à l’étudiant, bref, sans sombrer dans les clichés, à tout ce public qui ne nous est pas semble-t-il très favorable, que je m’adresse.

De manière homologique, le site accorde plus d’importance à la culture, à l’histoire, à la philosophie, qu’à l’économie. Car s’il est bien un domaine dans lequel les libéraux sont assez bien représentés, c’est celui de l’économie. Du coup, il ne sert à pas grand-chose de vouloir rajouter une couche supplémentaire à ce qui existe déjà. Je préfère renvoyer les lecteurs intéressés au site de l’Euro 92, ou de l’éconoclaste.

Pourquoi ne te montres-tu jamais ?

Comment ça ?

Pourquoi n’apparaît as-tu pas en photo sur ton site, et surtout pourquoi, sur les forums de discussion et singulièrement celui de liberaux.org, te caches-tu derrière un masque de métal ?

C’est parce que j’ai toujours été un grand fan des sentaï, et notamment d’X-Or. Voilà tout.

Plus sérieusement, je ne vois pas en quoi ma trombine pourrait apporter en quoi que ce soit une valeur ajoutée aux articles publiés. Alors si c’est pour faire preuve de mégalomanie, très peu pour moi. Mais si tu insistes, je veux bien pour une fois, et compte tenu du caractère un peu exceptionnel de cette interview, déroger à la règle.

Peux-tu nous parler de ton autre site, liberaux.org ?

Il est très différent de Catallaxia. Non pas dans la forme, car il est basé lui aussi sur une architecture NPDS, et j’en profite au passage pour saluer mon ami Développeur, mais sur le fond. Liberaux.org ne se veut rien d’autre qu’un portail, ouvert à tous les libéraux quels qu’ils soient, du plus aronien jusqu’au plus anarcho-capitaliste, du plus droitier jusqu’au plus libertarien. Chacun peut y participer, en me faisant parvenir des articles que, presque toujours, je publie. D’autre part, je reprends des articles publiés dans d’autre site, Liberté Chérie, la Page libérale, Libres, ou encore dans les blogs d’actualité que tiennent mes amis Melodius, Zek, Constantin, LeP, Sylvain, etc. La liste est tout sauf exhaustive.

Par ailleurs, le portail comprend en son sein un forum, qui connaît un certain succès. Il a permis à de nombreux libéraux de se rencontrer, de faire connaissance, et pas seulement par Internet, de manière numérique, mais aussi en chair et en os. J’ai d’ailleurs pu récemment, à Lyon, faire la connaissance par ce biais de LeP et de Julien, ainsi que de Claude Lamirand, responsable du site action-liberale.org. Une communauté est en train de naître, nous n’en sommes que les maillons, et pas les plus importants. Tout au plus sommes-nous des entremetteurs, ce qui n’est pas négligeable malgré tout. J’admire bien plus l’action que mène Sabine, à la tête de Liberté j’écris ton nom, qui a eu le culot d’apparaître dans à peu près tous les journaux nationaux de la presse écrite, et même sur les journaux télévisés, et non les moindres. Je soutiens d’ailleurs son action tant et si bien que je suis en train de monter un comité local de cette association. Je ne méconnais pas cependant le travail que mène Edouard (Fillias, Ndi) au sein de cette association, mais tout porte à penser que nous avons trouvé en Sabine notre nouvelle égérie.

Un mot de politique. Que penses-tu des actuelles grèves ?

Elles prendront fin prochainement. Le mouvement, à mon sens, s’essoufflera à l’approche des effluves capiteuses de l’été, pour sans doute mieux repartir ensuite. Il est en effet de tradition, dans l’Education nationale, de passer son mois de septembre à faire grève. Je ne vois pas vraiment pourquoi il en serait autrement cette année. Bien au contraire.

Sur le fond, il est bien clair qu’il est permis de s’interroger sur un certain nombre de points, parmi lesquels :

- est-il démocratiquement acceptable qu’un pays soit bloqué par la rue ?

- est-il démocratiquement acceptable de laisser cette paralysie s’installer au profit de personnes même pas concernées par la réforme ; plus généralement, le droit de grève s’applique-t-il pour les individus qui n’ont aucun « intérêt à agir », selon la formulation juridique consacrée ? Il me semble que l’on sort en l’espèce du droit de grève, inséré dans le bloc de constitutionnalité du Conseil constitutionnel, et qui ne peut être mis en œuvre que relativement aux personnels concernés, pour mettre à défaut un autre principe à valeur constitutionnelle, celui de la liberté du commerce et de l’industrie. En effet, l’action des syndicats fascistes s’apparente me semble-t-il à un délit d’entrave. Lequel relève des chambres correctionnelles.

Quant à la réforme des retraites en tant que telle, je la trouve sans conteste justifiée. L’espérance de vie s’accroissant d’un trimestre tous les trois ans, donc d’un an tous les douze ans, je doute qu’il soit possible de sortir de l’alternative hausse des cotisations / hausse de la durée des cotisations, tant il est peu vraisemblable qu’on diminue la valeur des pensions, compte tenu de la faiblesse du minimum vieillesse et de la part relative sans cesse grandissante des retraités dans la population électorale française.

La hausse des cotisations s’apparentera à une quasi confiscation, il est donc incontournable de travailler en direction de l’accroissement de la durée des cotisations, pour la mettre un peu mieux en adéquation avec l’évolution de l’espérance de vie. L’idéal étant de pratiquer une neutralité actuarielle, maintenant un rapport constant entre vie active et retraite, afin d’ajuster la durée de cotisation de manière sans cesse mouvante.

Bien sûr, il faudrait substituer au calcul par annuités un calcul par points, à l’instar des régimes complémentaires AGIRC et ARRCO, pour permettre des rachats éventuels, basés sur le volontariat, de points pour celles et ceux qui souhaiteraient partir en retraite plus tôt, mais à taux plein. Ce système permettrait aussi de tenir compte de la pénibilité des tâches, en attribuant une valeur de points majorée pour celle-ci.

Mais il faudrait aller plus loin, en adaptant la logique de la Prefon des fonctionnaires : passer le régime général (devenu unifié) en un système à points, et changer la retraite complémentaire actuelle en une retraite complémentaire obligatoire par capitalisation, avec entrée des fonds déductible de l’impôt sur le revenu et sortie en rente (ou en capital, si l’assuré le demande). Ceci pour conjuguer les avantages – réciproques et même inverses – de la répartition et de la capitalisation.

Quel est l’avenir de Catallaxia et de liberaux.org ?

Catallaxia ne changera pas d’optique, ne cherchant pas outre mesure à coller à l’actualité, et redressant la barre de toute la partie « didactique » un peu mise entre parenthèses depuis quelques temps. J’espère donc avoir un peu plus de temps à consacrer à ce projet.

Concernant liberaux, j’aimerais l’axer plus encore sur le portail collaboratif qu’il cherche à être ; en permettant à tout webmaster liberal d’y intégrer des informations sur les mises à jour de son site ; en refondant la présentation des thèmes, et en n’intégrant aucun article exclusif, hormis ceux que des lecteurs assidus auront bien voulu me communiquer.

Je n’envisage pas, in fine, de modifier de manière substantielle le forum commun de ces deux sites. J’aimerais juste qu’un graphiste de génie – et là je fais un appel du pied au Dissident Frogman par exemple – veuille bien améliorer la présentation visuelle de ce site. Je le contacterai sans doute prochainement, en faisant appel à sa bonne volonté, même de manière très ponctuelle. Je serai ravi qu’il accepte.


Propos recueillis par Mustapha Belhocine. Entretien r

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)