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Intermittents tan-tan ! Subvention contre subversion

vendredi 18 juillet 2003

Evidemment, tout cela est affaire de culture. Les fonctionnaires manifestent pour le service public, José Bové pour la bonne bouffe et les intermittents pour la culture. Evidemment. Pas question d’intérêt corporatiste. On leur concède : il est de bonne guerre de monter en généralité son discours pour mieux le faire passer. Au jeu de la manipulation des symboles, il ne seront pas les premiers à tenter leur chance. Tant qu’on gagne, on rejoue.

« Halte au génocide ! ». Les slogans des manifestants à Avignon sont bien tout en finesse et en mesure dans les propos. Les spectacles qui tentent de se tenir sont obstrués, les artistes hués. Du jamais vu. Jamais une entreprise aussi systématique de sabotage de la culture dans les dernières décennies. Et c’est bien les travailleurs de la culture qui apparaissent derrière toutes ces opérations, preuve de la rapidité avec laquelle peut s’évanouir toute la révérence qu’ils ont pour l’objet culturel. Quel qu’en soit le motif, il est curieux de les voir envoyer le message qu’il peut être légitime d’empêcher un artiste qui en a la possibilité de s’exprimer et parfois nécessaire de saccager des représentations. Si le message est reçu, d’autres, bien plus dangereux, pourront le réutiliser à point nommé.

L’objet de toute cette agitation est bien connu. Le Medef veut réformer un statut source d’abus et, de surcroît, déficitaire. Car ce régime de l’UNEDIC se trouve bel et bien déficitaire. Un récent tract d’Attac explique qu’il n’en est rien et que la caisse en question est commune aux intermittents et aux résidents du spectacles (par exemple, les animateurs télé) et qu’elle apparaîtrait, en fait, bénéficiaire d’environ 5 milliards d’euros. Si j’agrège les revenus de Bill Gates aux miens, je suis très riche. Quand on a dit cela on a rien dit. Attac raisonne comme la bonne vieille administration soviétique avec des catégories générales, des visions du monde qui masquent la vérité bien plus qu’elles ne la dévoilent. Un bon gestionnaire (car lorsqu’il est question de déficit et de bénéfice il faut savoir être un temps gestionnaire), isole et compare. La catégorie spectacle est vide. En revanche, appréhender les régime d’intermittents comme un centre de coût et de profit semble, dans les faits, l’approche la plus pertinente : indemnisation chômage qui lui est propre, nature des revenus spécifique, profils identiques des bénéficiaires. Au final, le déficit du régime d’intermittents représente vraisemblablement un quart du déficit de l’UNEDIC.

A l’origine de la volonté de réforme, également, le constat que le nombre d’intermittents a doublé en dix ans et approche aujourd’hui les 100 000 personnes. Avons-nous l’impression qu’en dix ans la qualité de la production culturelle française ait doublé en qualité dans les dix dernières années ? Négatif, mon colonel (en imaginant un colonel féru de spectacles de rue). C’est bien que, malgré les tentatives appuyées des manifestants pour nous faire croire le contraire, il nous faut dissocier intermittence et culture. Comme si la culture en France était inexistante avant l’apparition du régime, comme si elle n’était pas florissante dans les pays où ce type de régime n’existe pas, c’est-à-dire tous les autres. Il paraît pour le moins surprenant de voir ceux-là même qui devraient mordre la main de l’Etat en rechercher par tous les moyens la caresse.

La croissance du nombre des intermittents, affirmons-le, a été provoqué par ce statut favorable (je travail 10 jours, je suis payé 30). Origine plus profonde, le jacklangisme, foirefouille culturelle ou tout est à 10 francs, qui empêche de trancher entre un dessin d’un enfant de quatre ans et une œuvre de Bacon ou Bosch. Quand l’émerveillement de la monitrice de maternelle approche le sublime. Valorisation à l’excès du culturel qui le dévalorise à la fin mais qui a eu probablement pour effet d’inciter ceux qui ne l’étaient pas plus que cela à se sentir « avant tout artistes ». Le dispositif de sélection des motivations et des vocations a sûrement été ainsi affaibli voire neutralisé. Nous y voilà.

Notre position n’est pas de défendre le Medef, qui par le biais de la réforme veut également s’attaquer à ce qu’il imagine être un bastion gauchisant d’assistés, mais bien de soutenir, ponctuellement, cette réforme, par ailleurs approuvée par la CFDT. Nous pensons que durcir l‘accès au régime réaffirme l’idée que travailler dans la culture est un vrai choix, risqué souvent, parfois payant, mais qui doit être assumé comme tel. Aucune faiblesse dans les subventions empêche la véritable œuvre de sourdre. La culture avant tout, ce mot d’ordre aujourd’hui malmené, nous le faisons notre.

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