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Why I am Not a Neoconservative

vendredi 18 avril 2008

Cependant, je proclame ouvertement mon opinion dans les affaires de politique extérieure américaine, ou britannique. Je me réjouis publiquement de la suspension de l’état de droit en Irak, du non-respect des conventions internationales ou encore de la mise sous tutelle du commerce extérieur irakien. Je suis favorable au devoir d’ingérence des nations alliées dans les affaires intérieures irakiennes et je suis en outre convaincu que cette intervention armée rétablira l’équilibre géostratégique mondial. Je me rallie sous la bannière des néo-conservateurs anglo-saxons ou des militants pro-sionistes et désigne sans hésitation les intégristes musulmans ou les militants du parti Baas comme « l’axe du mal » à éliminer.

Ne suis-je pas en train de m’égarer ?

« Le commerce guérit des préjugés destructeurs : et c’est presque une règle générale que, partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce ; et que, partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces. »

« L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. »

Montesquieu

Le Baron de Montesquieu invoquait volontiers les Muses en tête de ses considérations politiques. J’en appelle plus modestement à l’ironie pour exprimer la simple opinion d’un apolitique. Avouerais-je à mon appui que l’apologie systématique du meurtre – la guerre est souvent individuellement meurtrière même si l’homicide reste collectif, et des bienfaits de l’intervention alliée en Irak me lassent à force de moralisation outrancière et d’ensommeillement dogmatique ? J’admets naturellement que l’on puisse défendre des opinions en la matière, qu’elles soient bellicistes ou pacifistes. Toutefois, le soutien à l’interventionnisme américain en Irak et la promotion des idées libérales me semblent entretenir des liens pour le moins fort ténus ou involontairement contradictoires : la guerre ne peut être un instrument au service du libéralisme, en revanche, elle se révèle nécessairement liberticide.

De surcroît, le libéralisme ne peut pas appuyer un quelconque objectif moral (« croisade » etc.), il se limite à la définition d’une éthique strictement individuelle. Sinon, je crains que l’on ne se méprenne dangereusement à son endroit et que l’on entende par libéralisme des thèses ou des principes traditionalistes et conservateurs, voire plus précisément « néo-conservateurs » par référence à la doctrine de l’administration Bush en politique extérieure. Examiner les décisions économiques ou politiques du gouvernement américain d’un point de vue libéral est une chose, s’en faire le porte-parole (vraisemblablement sans aucun droit de cité) précisément au nom de la défense du libéralisme en est une autre.

Par exemple, en quoi les récentes mesures anti-terroristes de l’administration américaine (fichage des individus, juridictions d’exception, extradition de prisonniers de guerre vers des pays tiers pour les y interroger etc.) protègent-elles les libertés civiles devant la puissance publique ? Comment des violations du droit international peuvent-elles affermir le « Rule of Law » d’une manière ou d’une autre ? Comment une tutelle extérieure sur les réserves de pétrole d’un pays tiers peut-elle libéraliser le commerce sur ce marché ? Plus globalement, le creusement de la dette publique fédérale pour financer de nouveaux programmes militaires constitue-t-il un bon exemple de politique libérale ?

L’agit-prop néo-conservatrice paraît séduisante aux libéraux : Bush ne se réclame-t-il pas le dernier rempart de la liberté et de la démocratie outragée ? Néanmoins, se fonder sur de fausses preuves pour organiser l’invasion et l’occupation militaire d’un pays, se croire investi d’une mission moralisatrice contre le fanatisme en des termes absolus rien moins que fanatiques, et enfin invoquer la nécessité du rétablissement du droit et de la démocratie en violant impunément les conventions et les traités internationaux, tout cela est inacceptable en raison, en morale ou en droit d’un strict point de vue libéral. La Société Ouverte n’est pas gouvernée par des arguments d’autorité, elle n’est pas non plus je ne sais quelle superpuissance justiciable d’aucun droit, et encore moins une théocratie impérialiste, ou alors doit-on remplacer Montesquieu par Clausewitz, Benjamin Constant par Louis de Bonald ou Karl Popper par Friedrich Hegel pour s’affirmer libéral dans un tel contexte ?

La France est illibérale, soutient non sans raison Pierre Rosanvallon. Croit-on qu’elle sera gagnée aux principes du libéralisme en politisant un débat d’opinion générale à la manière – tout aussi modérée – des antilibéraux d’ATTAC ou du Monde Diplomatique ? N’est-ce pas prostituer une cause apolitique à des thèses idéologiques que d’en user à des fins de propagande ? N’est-ce pas adultérer le principe même du libéralisme en soutenant collectivement la prétention à la toute-puissance d’un Etat, par surcroît étranger au nôtre ? Je crois que le Libéral est un individualiste modéré, plus sceptique que partisan et qu’en conséquence cela ne lui confère aucun droit à imposer des jugements de valeur d’ordre éthique, esthétique, politique à d’autres. Le libéralisme n’est pas un militantisme d’opinion politique, c’est tout au plus une philosophie individuelle comme le stoïcisme. A ce titre, ses jugements moraux ou politiques doivent être d’autant plus exemplaires que leur auteur en assume la pleine et entière responsabilité corrélative à l’exercice de sa liberté individuelle.

En un mot, si la guerre vous plaît, vous êtes libres de vous engager sur le terrain aux côtés des belligérants mais n’attendez pas du libéralisme qu’il en enrôle d’autres à votre suite.

RM

Références citées dans le texte (par ordre d’apparition) :

F. A. Hayek ,The Constitution of Liberty, “Why I am Not a Conservative”, http://www.geocities.com/ecocorner/intelarea/fah1.html ou http://240plan.ovh.net/~catallax/sections.php?op=viewarticle&artid=16 (traduction)

Daniel Mc Carthy, “Are You a Neocon ?” http://www.lewrockwell.com/dmccarthy/dmccarthy14.html

Montesquieu, Esprit des Lois, Quatrième partie, Livre XX (Ch. 1 et 2), >

Pierre Rosanvallon, Fondements et problèmes de « l’illibéralisme » français, http://www.asmp.fr/sommair5/comm2001/rosanvallon.html

Autres textes :

Daniel Mc Carthy, “The Individualist in War Time” http://www.lewrockwell.com/dmccarthy/dmccarthy45.html

Henri Lepage, Guerre de l’Irak : Esquisse d’une réponse (Extrait de correspondance particulière), http://membres.lycos.fr/mgrunert/lepage.htm

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