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L’Etat providence... des malfaiteurs

vendredi 18 avril 2008

L’Etat est la dernière organisation à veiller scrupuleusement au respect du Droit. À cet égard, il est plus que paradoxal que la majorité des individus placent encore un signe d’égalité entre pouvoirs publics et sécurité. La puissance étatique — issue de la violence ! — serait le meilleur garant de la sécurité des individus, voilà une thèse qui, en dépit de sa singularité, continue de sembler évidente à beaucoup. Même un auteur se réclamant du libertarianisme (tendance minarchiste, il est vrai), Charles Murray, écrit le plus naturrellement du monde : " pour qu’une société libertarienne fonctionne, il est essentiel que les gens soient privés de l’usage de la force. " Un minarchiste commet donc la même erreur qu’un étatiste classique. Ajoutons que, à l’instar de ce qui se passe dans les États totalitaires, non seulement la propagande officielle laisse peu de place aux opinions dissidentes, mais elle tente même de réécrire le passé en laissant croire qu’en tout temps et en tout lieu, les hommes ont accepté d’être désarmés par les statocrates au nom de la paix et de la sécurité de tous.

Parmi ces poncifs, il faut citer l’erreur récurrente qui consiste à voir dans l’Ouest américain du XIXe siècle une époque de sauvagerie bestiale, provoquée par l’éloignement de l’autorité centrale, la propriété privée des armes à feu et la concurrence policière. Il y a quelque vingt-cinq ans, deux auteurs ont estimé judicieux de rappeler quelques vérités occultées par les historiens, sans oublier les scénaristes de cinéma . Dans cinq des villes " sauvages " les plus importantes, pour la période 1870-85, on dénombre à peine 45 morts violentes ! Ainsi, les habitants d’Abilene n’ont pas eu à déplorer un seul meurtre en 1869-70 ! L’explication est que personne n’avait ôté aux individus le droit de se protéger contre d’éventuels agresseurs. C’est autrement dissuasif que de planter un shérif derrière chaque bandit potentiel (par définition, difficilement identifiable). Des pionniers se sont de la sorte réunis en associations chargées de protéger leurs droits de propriété, en recourant à des arbitrages privés. Des malfrats célèbres ont ainsi pu être mis hors d’état de nuire grâce à la libre possession d’armes : Jesse James n’a pas été arrêté par les fédéraux, ni par des shérifs, mais par de simples citoyens défendant la banque qu’il était en train de dévaliser.

En voulant " civiliser " les cow-boys, par un désarmement obligatoire, les agents du gouvernement ont créé les conditions de la multiplication des bandes de truands. Car a-t-on jamais vu un criminel céder volontairement son outil de travail à un policier ? Seuls des gens intimidés par la loi agissent d’une telle façon ; pas les criminels. Autrement dit : quand les armes deviennent hors-la-loi, seuls les hors-la-loi sont armés. Ce qui ne signifie évidemment pas que ceux qui conservèrent clandestinement un fusil fussent tous des assassins, ou des individus animés d’intentions malhonnêtes et agressives. Parmi les récalcitrants, il y avait aussi des gens un peu plus courageux que les autres, et plus déterminés à se défendre contre des pillards. Ils ont cependant été considérés comme autant de criminels en puissance, sous le prétexte risible que celui qui cache certaines choses à l’autorité étatique ne peut le faire que pour des raisons inavouables. Et le pire est que la majorité des gens semble approuver ce type de réflexion primitive... quand elle concerne les autres, évidemment. À ce train-là, il n’est pas invraisemblable qu’un décret prohibe l’usage des rideaux et tentures. Au nom du sacro-saint souci-démocratique-de-la-transparence, les résidents seraient de la sorte, affirmeraient les statocrates, mieux protégés par les gardiens de la paix qui pourraient surveiller plus efficacement l’intérieur de leur domicile. Et aux récalcitrants, ils répondraient d’un ton excédé : " Il faut savoir ce que vous voulez ! Quand on veut une sécurité optimo-parétienne, chacun doit consentir à des sacrifices. Et puis, quoi ! C’est ça ou alors nos agents s’installent chez vous. " L’arrogance, l’aisance à énoncer des choix qui n’en sont pas à dessein de mettre l’opposant devant de présumées contradictions, tout cela fait partie de la panoplie de l’étatiste de base.

On voit ensuite dans quel état de chaos criminel sombrent les pays qui prohibent le droit de porter des armes. La violence y est pire que dans les régions plus libérales. On sait par ailleurs que là où la possession et le port d’armes sont permis sans trop de restrictions, les malandrins commettent encore des délits, certes, mais avec moins de violence. Du moins, contre les autochtones. Ce sont malheureusement les touristes provenant de pays où règne la prohibition qui deviennent leurs cibles privilégiées. Moralité : pour éviter des agressions violentes, les gouvernements démocratiques doivent autoriser leurs concitoyens à s’armer et déréglementer toute cette législation qui bénéficie aux vrais criminels. Inutile de dire qu’en Europe, autant prêcher dans le désert.

Des démagogues suffisants se servent des meurtres commis par des lycéens pour inciter à prohiber la vente et la détention des armes à feu (et accessoirement demander le rétablissement de la censure contre des groupes de rock). Mais ils ne précisent pas que beaucoup plus de crimes sont perpétrés avec d’autres moyens, insolites ou non. D’autre part, bien des massacres ont été évités parce que des civils " hors-la-loi " avaient conservé leur arme et s’en sont servi pour abattre ou intimider des tueurs. Faudra-t-il bientôt interdire le commerce d’ustensiles de cuisine, ou de bas de soie, ou de produits ménagers, simplement parce qu’ils peuvent servir d’armes criminelles ? Vu le nombre de viols commis dans les collèges des banlieues françaises, le législateur obligera-t-il les élèves masculins à subir une castration préventive pour éviter que ce délit ne se produise ? Avec ce genre de sophismes, on peut également soutenir que, étant donné le nombre élevé de suicides de policiers commis avec leur arme de service, il conviendrait de la leur confisquer pour éviter que de telles tragédies se produisent. Mais le risque est présent dans chaque acte que nous posons. Et pour revenir à la question de la prévention, un crime n’existe que lorsqu’il a été commis ou qu’il est en train de se produire, pas lorsqu’il est envisagé préventivement comme possibilité parmi mille autres par les cerveaux des experts subsidiés.

P. Lemieux l’a fait remarquer, le contrôle des armes individuelles est le premier pas vers leur interdiction, en sorte que le pouvoir — criminel légal — et les criminels illégaux pourront agresser les individus sans rien craindre d’eux . Aucun tyran n’a été, n’est et ne sera favorable à la libre propriété des armes, il craint trop une rébellion. Communistes, fascistes, nazis, baasistes, tous ont commencé par désarmer leurs compatriotes à dessein de les mater plus efficacement. C’est également l’œuvre des bien-pensants démocrates, si soucieux de l’avis de leurs concitoyens, mais qui traitent de facho ou de parano sécuritaire quiconque veut se défendre seul. Les Pères fondateurs seraient donc, pour nos élites archéo-européennes, les ancêtres idéologiques de Hitler... pourtant monopoleur armé typique ! Si la loi interdit à quelqu’un de défendre sa propre vie, si une prime d’impunité est donc délivrée au criminel, c’est bien la preuve de l’immoralité des hommes de l’État. Reconnaissons à ceux-ci une grande cohérence intellectuelle : ils ont compris mieux que certains libéraux qu’un individu à qui on a retiré le droit de se défendre contre des criminels est un esclave prêt à obéir aux ordres de la puissance tutélaire.

Pour se constituer et s’étendre, l’État s’est depuis toujours arrogé le droit de discriminer l’ami de l’ennemi. Ce n’est pas pour rien que Carl Schmitt a été le penseur occulte de la politique au XXe siècle, ère de l’État comme l’espérait Mussolini, fidèle à son idéologie socialiste. De même, ce n’est pas par hasard que Trotsky ait encore le vent en poupe dans les milieux médiatico-politiques, n’a-t-il pas rédigé un opuscule intitulé Leur Morale et la nôtre ? Il s’agit bien d’une théorisation des doubles critères caractéristiques de la puissance étatique. Les gouvernements interdisent le port d’armes et parfois jusqu’à leur possession, mais s’autorisent à acheter et vendre des mitraillettes, des bombes, des missiles, etc. Essentiellement des produits qui n’auraient pas connu autant de succès si les États n’existaient pas. Force est en effet de constater que nos gouvernants leur ont donné raison. Ainsi, retirer aux gens le droit de réagir aux agressions dont ils sont victimes, c’est légitimer par avance l’action des criminels. L’une des plus tragiques et terrifiantes réfutations du contrôle des armes a été apportée par les attentats du 11 septembre 2001. En effet, les pirates ont lâchement profité du désarmement des passagers respectueux des lois pour les conduire à la mort. Qu’auraient pu faire les islamistes porteurs de cutters si leurs victimes avaient eu des armes de poing à leur disposition ? Jouer profil bas. De même, les Juifs n’auraient pas été déportés et exterminés par millions si les démocraties françaises, belges, néerlandaises, scandinaves, n’avaient pas fermé le marché des armes. En débarquant chez nous, les nazis auraient trouvé face à eux des gens décidés à leur riposter et capables de sauver leur peau et celle de leurs proches.

Mais prenons des exemples moins dramatiques. Quand des habitants d’une commune périphérique à Bruxelles ont souhaité au début de l’année 2003 que des vigiles privés soient engagés pour assurer leur sécurité, le ministre de l’Intérieur leur a opposé un refus implacable, malgré l’inefficacité notoire des services publics judiciaires et policiers. Sauf lorsqu’il s’agit d’enquiquiner des gens paisibles parce qu’ils ont ceinturé un délinquant pris sur le fait, protégé par la Ligue des Droits du bandit, ou qu’ils ont commis un excès de vitesse alors qu’ils poursuivaient le truand qui les a brutalement délestés de leurs affaires. Quelle raison a invoquée l’excellence ? Tout bêtement, le monopole de la sécurité appartenant " en droit " à la puissance étatique.

Or ce que les étatistes entendent par loi n’est qu’un ersatz de l’idée de Droit, une banale tentative de justification du fait accompli... autoritairement. Car il s’agit de cautionner une habitude issue de l’usurpation étatique, qui, pour être ancestrale, n’en reste pas moins condamnable (comme toute imposture résultant de l’usage de la violence). Sans doute le dignitaire statocrate, comme ses semblables, préfère-t-il que ses sujets se fassent molester et détrousser en toute impunité. En d’autres termes, et comme je l’ai déjà relevé, le pacifisme officiel des cénacles européens dissimule un réel mépris pour la liberté individuelle. En ayant désarmé chacun par la force de lois arbitraires votées à la majorité, ils ont favorisé l’essor du crime, qui se moque par définition de toute règle morale et juridique. Alors, qui crée les conditions du chaos et de l’insécurité ? Les hommes de l’État.

Les libéraux conservateurs, qui n’imaginent pas d’autre solution que des interventions étatiques pour garantir la sécurité de leurs concitoyens, sont souvent raillés par la gauche, laquelle les traite de sécuritaires parce qu’ils n’ont d’autre proposition que l’augmentation des moyens affectés à la police en vue d’affermir l’autorité de l’État (en France, de la Rrrrépublique) — ce que la gauche ne se prive pas de faire non plus, vu qu’elle compte aussi des électeurs dans les corps armés officiels. Et comme tout ce que dit la gauche ne peut être que foutaises, les hommes de droite décident d’en prendre systématiquement le contre-pied : " Ahh, vous prétendez qu’il n’existe pas de problèmes d’insécurité... Hé bien, nous, nous affirmons que si. Et pour y remédier, rien de tel qu’une bonne police républicaine et de proximité-de-terrain. " Or, s’il est vrai — ainsi que le déplorent les représentants de la droite — que la délinquance ne fait que se développer, il est en revanche faux que cette question sera résolue en renforçant l’intervention étatique. De même qu’il est exact — comme le remarquent les politiciens et intellectuels de gauche — que la droite s’illusionne sur la solution à apporter, mais il est en même temps faux de déclarer que la violence urbaine est fictive. Droite et gauche rivalisent une fois de plus pour savoir qui des deux sera le plus étatiste. Non seulement il y a de plus en plus de policiers, non seulement de plus en plus de moyens leur sont alloués — de sorte que les exigences monopolistiques des syndicats de flics sont satisfaites —, mais la criminalité ne diminue pas. Pourquoi ? Parce que le monopole étatique crée un effet d’aubaine favorable aux délinquants (songeons aussi à la criminalisation du commerce de stupéfiants, issue de leur prohibition). Ceux-ci devraient exprimer une reconnaissance éternelle envers tous les ministres de l’Intérieur. La restriction du marché des armes au bénéfice des agents de l’État n’a jamais empêché les bandits de s’en procurer au marché noir. Que du contraire ! La plupart des honnêtes gens craignant d’enfreindre une loi, et surtout d’être perçus comme de dangereux truands, n’osent franchir ce pas. Par conséquent, seuls les criminels et les policiers sont armés. Et les victimes ont juste le droit de se taire, ou de s’excuser si elles se trouvent par malchance sur le chemin d’un malfrat. Deuxième raison : la distribution d’armes et d’emplois aux fonctionnaires de la sécurité s’opère en dehors du marché libre, donc en totale conformité avec l’économie administrée et planificatrice. Certains commissariats ont trop de personnel alors que d’autres n’en ont pas assez, déplore-t-on régulièrement. Encore une fois, l’arrogance avec laquelle les hommes de l’Etat prétendent régler des questions qui leurs sont étrangères contribue à instiller dans les esprits des sentiments d’envie. Sans libéralisation de l’offre et de la demande de sécurité, il est impossible de savoir qui a besoin de quoi. Par conséquent, la solution ne viendra pas d’initiatives bureaucratiques, telles que l’envoi de questionnaires aux agents de police (qui répondront conformément à l’idéologie de leur syndicat respectif).

Quand les libéraux régaliens prétextent de prétendues externalités causées par la libéralisation de la protection et de la justice, le libertarien peut leur démontrer tranquillement leur incohérence — et l’échec du monopole de la sécurité. Car, de deux choses l’une, ou bien le libéral est persuadé que le marché libre est plus juste que l’autoritarisme politique, et l’on ne voit pas pourquoi les services de sécurité y échapperaient ; soit il estime que le Pouvoir politique est parfois supérieur au Droit de la liberté et, en ce cas, il doit s’en expliquer. Pourquoi craindre des défaillances du marché en ce domaine ? Parce que les polices privées pourraient se retourner contre vous, arguent les libéraux conservateurs. Pourquoi, avec de tels raisonnements, ne pas nationaliser les pharmacies ? Qui sait, un apothicaire pourrait toujours vendre un produit nocif à votre santé, pour ensuite épouser votre veuve. Ou bien encore, pourquoi ne pas placer sous le contrôle de l’État les boulangeries ? Imaginez que le pâtissier emploie du ciment ou du plâtre au lieu de farine... Mais, à supposer que l’homme soit si peu digne de confiance, pourquoi un gouvernement mériterait-il plus de considération ? De plus, ne faut-il pas davantage craindre la pseudo-sécurité gracieusement offerte par l’État, par laquelle le juge et le policier peuvent se retourner contre vous sur la base de critères politiques (par exemple de lois idéologiques ou, plus généralement, contraires au Droit naturel) ? L’imposture étatique se révèle au grand jour quand, face à la répétition d’agressions dans certains quartiers exposés à la violence quotidienne, les édiles répètent, l’air pénétré : " il n’y a pas de solution miracle. " Donc les hommes de l’État, qui prétendent du matin au soir devoir s’occuper de tout, reconnaissent en définitive qu’ils sont incapables de résoudre les problèmes — dont ils sont souvent la cause. Eh bien, il est temps de les prendre au mot en reprenant notre liberté !

On l’a compris, l’alibi de l’Etat gardien de l’intégrité physique de ses citoyens ne peut être pris au sérieux. Ceux-ci sont considérés comme autant d’irresponsables et de dangers publics, dont cependant la contribution financière ne semble pas dégoûter les hommes de l’État si conciliants et désintéressés. À ce fat mépris pour l’autodétermination individuelle s’ajoute un organicisme réduisant les individus aux membres d’un corps-nation. De sorte que la défense de l’intégrité de celle-ci a pour corollaire que la survie du pouvoir étatique autorise le sacrifice de la partie pour le tout. Curieuse logique : quand il s’agit de se protéger individuellement, les sujets du Pouvoir, éternels mineurs politiques, ne peuvent pas porter d’armes, mais ils sont " cordialement invités " par la force à défendre arme au poing le pays, en fait l’appareil d’État, au risque de perdre leur propre vie. Par là, la mobilisation générale participe également de l’idée que nous ne pouvons reconnaître notre propre intérêt et que seul le gouvernement est habilité à décider ce qui relève de notre souveraineté personnelle ou non. Autrement dit, à nous la retirer dans la plupart des cas. Comme d’habitude, la morale étatique se résume en ces mots : " faites ce que je dis, pas ce que je fais. " Eux peuvent vendre et acheter des ADM, mais ils interdisent à leurs concitoyens de s’acheter un simple revolver. Notons que la capacité destructive des armes est d’autant plus importante quand ce sont des organisations étatiques qui les emploient. S’il n’y avait pas eu de puissance étatique, le monde n’aurait jamais connu les bombes nucléaires, à neutron et à hydrogène, non plus que les armes bactériologiques, etc. Toutes ces saletés ont été inventées à des fins militaires, pas dans le but d’être fournies sur un marché libre.

Accepter aujourd’hui la simple idée d’un mythique État arbitre et protecteur de la vie des individus, c’est confier au renard le soin de garder le poulailler.

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