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Le modèle fédéral européen

dimanche 18 avril 2004

Du Traité de Rome à lActe unique, la construction européenne a apporté à notre pays la dynamique des libertés économiques et de la concurrence qui a fait reculer le dirigisme en France.

Le traité de Maastricht, pour lequel nous avons fait campagne, et nous avons eu raison, a limité les gouvernements dans leur pouvoir d’user des facilités de l’inflation et de la planche à billet, d’endetter les générations futures, en instituant une banque centrale européenne indépendante qui dans quelques semaines va nous permettre de réaliser l’Euro.

Mais aujourd’hui, confusément, l’opinion ressent bien que le modèle des pères fondateurs, issu de la réconciliation franco-allemande d’après-guerre, arrive en fin de course.L’Europe est à la recherche dun second souffle. Elle a besoin qu’on lui redonne un sens.Ce nouveau souffle est possible. A condition de penser l’Europe autrement.

L’Europe du 21ème siècle ne ressemblera en rien à la communauté européenne construite sur les ruines de la 2ème guerre mondiale.Aujourd’hui, deux générations se croisent en Europe, celle de l’après guerre et celle de l’après mur de Berlin -celle des pères fondateurs de l’Europe à qui l’on doit l’Europe de la paix bâtie sur la réconciliation franco allemande, et celle qui aura à construire la grande Europe réconciliée avec elle-même.

Aujourdhui, l’Europe hésite entre plusieurs conceptions et plusieurs entreprises. Un espace commun de libertés économiques, l’organisation d’actions communes dans des domaines où les intérêts nationaux convergent, le transfert de régulation nationale à un super Etat européen, les traits institutionnels de l’Europe restent imprécis et les compétences incertaines.

Aujourd’hui, l’union européenne hésite entre les interventions d’un Etat supranational intégrateur des intérêts publics et uniformisateur des règles et la coopération entre des intérêts d’Etats souverains et responsables.

Saurons-nous dessiner la nouvelle Europe du nouveau siècle ?

Dans le flou qui entoure encore les contours de la future Europe, prisonnier de nos vieilles habitudes de pensée, celle qui nous pousse à imaginer l’Europe de demain en projetant le modèle de nos Etats-nation d’hier, nous voyons encore trop souvent aujourd’hui ressurgir le vieux débat qui oppose ceux qui n’imaginent l’Europe que comme un cartel d’Etats-nation souverains, et ceux qui la rêvent comme un futur Etat-nation agrandi, avec son gouvernement, son parlement, son administration, ses lois, ses règlements, ses impôts. Tout le monde sent bien aujourd’hui la nécessité de dépasser ces vieux clivages pour imaginer l’Europe autrement.

Nous entendons dépasser les vieux clivages.

Sur la question européenne aussi, il y a les anciens et les modernes.Mais il ne suffit pas dêtre pour l’Europe. Encore faut-il dire clairement quelle est l’Europe que l’on veut.

Nous avons fait, nous, le choix d’une Europe fédérale.

Au choix libéral qui est le nôtre pour la société française, nous ajoutons le choix fédéral européen, au sens que nous avons donné à ce mot et que je préciserai encore dans quelques instants. Et je voudrais montrer comment ces deux choix s’appuient, se répondent et se complètent.

A la dimension économique du projet européen, alors que nous avons pour l’essentiel assuré les fondations matérielles de l’Europe, nous voulons ajouter aujourd’hui une dimension philosophique, morale, culturelle et politique.

Mais avant de détailler ces choix, il nous faut dire clairement ce que nous ne voulons pas.

Nous ne voulons pas d’un super-Etat européen.

Ce serait rendre un mauvais service à l’Europe que de lui donner des institutions qui, par dérives successives, aboutiraient à faire de l’Europe un super-Etat unitaire et centralisateur.

Notre vieux continent est un ensemble hétérogène qu’on ne peut comparer à l’Allemagne ou aux Etats-Unis. Ne pas tenir compte des langues, du fait national, des traditions régionales, de la diversité des structures familiales, conduirait à créer des tendances centrifuges destructrices.L’Europe doit senrichir de ses diversités, les respecter et les protéger. Elle doit chercher, non pas à harmoniser ses différences, c’est-à-dire les raboter, mais à les mettre en harmonie, à en tirer le meilleur parti dans une société de liberté et déchanges.

Certes, aujourd’hui, ils ne sont plus guère nombreux ceux qui prônent ouvertement la création dun super-Etat européen. Mais le risque existe. Il est double.

1. Le risque dune dérive institutionnelle

C’est la tentation de tout pouvoir que détendre son pouvoir. C’est la tentation de toute administration que détendre son empire. Et puisque le budget de l’union européenne, c’est-à-dire son pouvoir de dépenser, reste limité, la tentation est grande détendre sans frein le pouvoir de nommer, de normer, de légiférer ; au risque denserrer la vie quotidienne des Européens dans un corset de règlements et de normes dont on mesure souvent l’absurdité. Souvenez-vous de Jacques Delors qui pronostiquait il n’y a pas si longtemps que bientôt 80 % des lois applicables aux Européens, se décideraient à Bruxelles.

Cette Europe là nous n’en voulons pas.

Mais le risque existe toujours de voir les institutions européennes, et tout particulièrement la commission européenne et son euro-technocratie rogner, grignoter, au-delà du nécessaire les pouvoirs des Etats.D’ailleurs, le traité dAmsterdam, en conférant au Parlement un pouvoir d"approbation" de la désignation du Président de la Commission européenne, et en conférant à ce dernier un certain nombre de pouvoirs nouveaux sur la composition et le fonctionnement de la commission renforce l’autorité politique du Président de la Commission.Or on sait quun tel renforcement, qui s’accompagne pas dans le traité dAmsterdam d’un renforcement parallèle du Conseil, sinscrit pour certains dans la perspective de voir la Commission devenir un jour le super- gouvernement de l’Europe.

2. Le risque d’une dérive sociale-démocrate

La donne politique a changé en Europe. Voici les sociaux démocrates au pouvoir dans 13 pays sur 15. Or, on sait la tentation dirigiste qui, même si elle s’est atténuée, existe toujours chez les sociaux démocrates, et le risque donc de voir les institutions européennes mises au service de nouvelles politiques dirigistes. L’axe franco-allemand Jospin-Schroeder n’est pas le même que celui de Kohl-Chirac, même s’il semble compensé ces temps-ci par laxe libéral anglo-espagnol Blair-Aznar. Et cette utilisation politique des institutions doit nous inciter à la prudence. Il ne s’agit pas de construire les institutions européennes en fonction de ce que l’on dit vouloir en faire mais de les prévoir en fonction de ce quelles donnent le pouvoir de faire.

Je voudrais illustrer ce risque au travers d’une proposition de Jacques Delors - encore lui - qui, accompagné de 22 personnalités européennes a proposé récemment que les courants politiques en lice lors des prochaines élections européennes fassent campagne non seulement sur leur programme mais aussi pour un candidat à la présidence de la Commission. "On se trouverait alors -dit-il- dans une situation proche de celle des Etats Unis, où les citoyens de chaque Etat désignent de grands électeurs qui élisent ensuite le Président". Proposer cela, c’est proposer une conception qui revient à faire de la France en quelque sorte la Louisiane de futurs Etats Unis dEurope.

A cela s’ajoute lintention des socialistes français de faire campagne en commun avec lensemble des partis socialistes européens. J’avoue être inquiet de voir cette coalition de partis s’affirmer au-dessus ou en tout cas à côté de l’union des pays européens. Est-ce à dire quun jour les intérêts des pays seront arbitrés au sein des instances des partis ?

D’ailleurs je ne crois guère à la capacité des socialistes, en tout cas des socialistes français, de dessiner le nouveau visage de la nouvelle Europe. Ils se sont toujours trompés.

Dans les années 70, le modèle de société que proposaient les socialistes sinscrivait à contre-courant de la construction européenne. LEurope du marché commun était, alors, présenté comme un obstacle à la réalisation du socialisme. Cétait lépoque où Michel Rocard cosignait un livre au titre évocateur : "Le marché commun contre lEurope", où lon apprenait que le Traité de Rome était une arme de division, un subterfuge habile qui permet de dévoyer les luttes". Cétait le bon temps du programme commun, du retour en force de lidéologie marxiste, de laffichage dune volonté de rupture avec léconomie de marché. Avec le recul, on mesure combien ces propositions dalors étaient en décalage par rapport à lEurope.

Dans les années 80, le modèle de société que proposaient les socialistes sinscrivait toujours à contre-courant de la construction européenne : nationalisation, réduction de la durée du travail, afin - croyait-on naïvement- de réduire le chômage, politique de déficit budgétaire pour relancer léconomie. Autant de recettes pour léchec, autant de recettes en contradiction avec lEurope. Cest dailleurs lEurope qui servit de garde fou aux socialismes et qui a forcé - maintien du franc dans le système monétaire oblige- le gouvernement, en 1983, à changer le cap de sa politique économique et sociale.

Au début des années 90, les socialistes sont encore en retard dune Europe, avec comme modèle la société "déconomie mixte", quils aimeraient exporter au-delà de nos frontières, concept à géométrie variable dont le caractère particulièrement flou permet de justifier, en toute circonstance, lintervention de lEtat. Fumeux modèle, furieusement franco-socialiste dont personne ne voulait en Europe.

Et aujourdhui encore nous les voyons prolonger, accommoder les restes de nos vieux systèmes étatistes et dirigistes, incapables de faire face aux réformes quil nous faudrait entreprendre pour entrer pleinement dans le nouveau monde, la nouvelle Europe qui se dessine.

Je voudrais dire maintenant ce que nous voulons :

Nous voulons deux choses, lune et lautre dailleurs allant parfaitement ensemble : la réunification de lEurope, lEurope de tous les européens, lapprofondissement fédéral de la construction européenne, et je mexpliquerai sur ce terme.

I.Nous voulons l’Europe de tous les européens

Nous avons applaudi à l’effondrement du mur de Berlin en 1989. Il ne sagit pas de le reconstruire.Si lunion européenne peut apporter beaucoup aux jeunes démocraties de lEst, les pays dEurope de lEst peuvent aussi apporter beaucoup à lEurope.Dans leffondrement du communisme, lEurope de lEst est devenue la conscience morale de lEurope. On y a retrouvé, dans la tragédie de ce voyage au bout de la nuit du totalitarisme communiste, ce quest le vrai, le mensonge, le bien et le mal.

Cest ce que Soljenitsyne nous a dit dans son discours de Harvard en 1978 : "En trois décennies les peuples de lEurope de lEst sont passés par une école spirituelle qui laisse loin derrière elle lexpérience de lOccident ".

Or, aujourdhui, les pays dEurope de lEst redoutent à juste titre un ralentissement du processus délargissement de lunion européenne. Cest le cas par exemple de nos amis polonais ou hongrois qui affirment pouvoir remplir toutes les conditions de leur admission dans lunion européenne en 2002 et voient avec crainte lidée de repousser lélargissement à 2006 cest-à-dire pour la prochaine loi de programmation budgétaire 2007-2013.

Sil est certain que lélargissement de lEurope aux pays candidats de lEurope de lEst ne peut se faire sans modification de nos institutions, il est tout aussi certain que les pays candidats à lélargissement nont pas à faire les frais de notre impuissance à engager les révisions nécessaires à Amsterdam.

Certes, il est déjà difficile de faire vivre un conseil à 15 et ce sera encore plus difficile avec un Conseil à 27.

- Il nous faudra sans doute savoir gouverner moins.

- Il nous faudra aussi organiser la prise de décision au sein de lexécutif européen : unanimité, majorité simple, majorité qualifiée, et même majorité super qualifiée ; il nous faudra mieux délimiter les compétences et différencier les possibilités de coopération.

Mais ces nouvelles institutions, nous navons pas à les imaginer seuls pour mettre le moment venu, les nouveaux pays candidats au pieds du mur - « à prendre ou à laisser »

- il nous faut associer dès maintenant les pays de lEurope de lEst à la redéfinition des modes de fonctionnement des institutions européennes.

Vouloir approfondir, préalablement à tout élargissement, la construction européenne selon un processus centralisateur et uniformateur (ce qui, traduit en langage bruxellois, se dit harmonisateur) aboutirait à élever un nouveau mur entre les deux Europe.Seul un approfondissement fédéral de nos institutions permettra de construire lEurope de tous les Européens.

2.Nous voulons l’approfondissement fédéral de la construction européenne

LEurope nest pas une simple zone de libre-échange. LEurope nest pas une addition dEtats, 6, 10, 12, 15, 20, 25. réunis dans une seule logique de puissance. LEurope cest une idée, un point de vue sur lhumanité et le monde.

Pour donner du sens à la construction européenne il ne faut pas seulement élargir notre base géographique mais approfondir les fondations, revenir aux sources, dépasser le caractère trop étroitement économique et technocratique qui prévaut si souvent dans le discours européen, pour revenir aux fondements philosophiques et culturels de lEurope, affirmer un projet moral et politique.

Laissez-moi citer Vaclav Havel :« Lune des grandes traditions européenne que lEurope semblait oublier de plus en plus profondément pendant la première moitié du 20ème siècle met en avant le citoyen libre, source de tout pouvoir. " Et même si dans ces débuts lintégration européenne était avant tout une intégration économique, son point de départ ainsi que ses objectifs étaient clairs. Il sagissait dune grande renaissance du citoyen.

Cela ne signifie rien dautres que ceci : la liberté et la responsabilité ne sont que les deux faces dune même médaille et dautre part la liberté nest concevable que si elle repose sur la responsabilité devant une autorité placée au-dessus de nous. Lidée de lancrage métaphysique de la responsabilité forme un des axes du système des valeurs dans la tradition européenne. ».

La réunification de lEurope, ce nest pas seulement la réunification dun espace géographique, cest aussi le retour aux fondements mêmes de lEurope.La marque du génie européen, cest la proclamation que lhomme a en tant que tel des droits fondamentaux supérieurs à tout pouvoir, que ce soit celui dun tyran, dun roi, ou même dune assemblée parlementaire. Lautorité publique ne fait pas le droit, elle est soumise au droit.Le génie européen, cest davoir fait de ces valeurs, issues de lhumanisme libéral - la souveraineté de la personne et la supériorité du Droit - des valeurs universelles, que notre siècle a eu trop tendance à oublier et qui reviennent en force aujourdhui.

Linscription du principe de « subsidiarité » dans le traité de Maastricht et linscription du principe de « lEtat de Droit » dans le traité dAmsterdam constituent une rupture avec notre héritage jacobin, un retour aux sources de la civilisation européenne.

Ces deux piliers de la construction européenne de demain sont en fait les deux piliers de lidée fédérale. Mais attention, non pas au sens du fédéralisme centralisateur daujourdhui mais au sens que lui donnaient les pères fondateurs de lidée fédérale, au sens de Madison lorsquil fondait les Etats-Unis dAmérique, au sens de Victor Hugo lorsquil parlait des Etats-Unis dEurope, et non à limage des Etats-Unis daujourdhui qui ne constituent au bout du compte quun très grand Etat-nation fortement décentralisé.

Cest pourquoi je comprends les craintes qui souvent entourent ce mot. Derrière se profile le risque de ce super Etat, dont jai dit et je répète que nous ne voulons pas.

Notre fédéralisme, le fédéralisme des libéraux, ne doit pas faire peur, il doit rassembler.

Ce que nous proposons, cest un fédéralisme d’Etats, de pays et de peuples, et non la construction dun Etat fédéral.

Nous savons parfaitement, lhistoire la montré, que le fédéralisme conduit souvent au centralisme lorsquil nexiste pas de solides garde fous institutionnels et constitutionnels.

Notre fédéralisme, cest celui que décrivait le philosophe Denis de Rougemont, qui est sans doute celui qui a donné la meilleure approche de lidée fédérale européenne, celui qui « na pas pour but deffacer les diversités, et de fondre toutes les nations en une même entité, mais au contraire de sauvegarder leurs qualités propres. Les diversités doivent être jalousement défendues et maintenues. Il ne sagit pas dobtenir une sorte de nation européenne où Latins et Germains, Slaves et Anglo-saxons, Scandinaves et Grecs se verraient soumis aux mêmes lois et coutumes, qui ne pourraient satisfaire aucun de ces groupes et qui les brimeraient tous ».

La construction européenne porte ainsi en germe le dépassement de notre conception traditionnelle de la souveraineté liée à la fois à un Etat-nation-territoire, et à lidentification de la volonté souveraine de la nation avec la volonté toute puissante du peuple exprimée démocratiquement selon la règle de la majorité.

A mon sens, un tel dépassement ne constitue pas un risque mais une chance. LEurope bouscule notre conception de la démocratie jacobine pour nous aider à retrouver la démocratie libérale.

A strictement parler, la démocratie, cest-à-dire le principe majoritaire, nest en elle-même quune procédure de détermination des décisions politiques. Elle permet la désignation et le changement pacifique de ceux qui détiennent le pouvoir.

Le principe majoritaire peut cependant conduire à loppression des minorités par la majorité.Voilà pourquoi à lidéal du contrôle démocratique, il faut nécessairement ajouter lidéal de la diffusion et de la limitation du pouvoir.

Il existe donc deux approches de la démocratie :

- La démocratie qui sidentifie à la loi de la majorité,
- La démocratie libérale qui sidentifie au droit de la minorité, à commencer par la plus petite de celle-ci, la personne humaine.

La démocratie libérale assure la diffusion et léquilibre du pouvoir et met des limites constitutionnelles au pouvoir du législateur et du gouvernement.

Je voudrais maintenant, à partir de ces quelques idées, et en synthèse de notre journée, tenter de tracer les grands traits de ce que pourrait être le modèle fédéral européen, autour de quatre exigences.

LE MODELE FEDERAL EUROPEEN

Il nous faut donner enfin à l’Europe une vraie politique étrangère et de sécurité commune

LEurope nexiste pas quand on voit limpuissance européenne à empêcher quà deux heures de Paris des Européens tuent dautres européens et versent le sang européen sur le sol européen. Nous avons vécu cette impuissance comme une honte.

Cest pourquoi le moment est enfin venu de donner à lEurope une politique étrangère et de sécurité commune.

A la fois pour défendre le sol européen, mais aussi pour participer, dans le cadre du droit international, aux opérations du maintien de la paix hors des frontières de lEurope.

Nous avons examiné les différentes voies que pourrait prendre cette politique de sécurité commune.

- Le statut, les marges de manouvre et les possibilités matérielles du pilier européen de lAlliance afin que lunion européenne, après concertation avec les Etats-Unis puisse mener seule une action pour prévenir la guerre ou rétablir la paix.

- La perspective de fusion de lUEO dans lUnion européenne, comme lont proposée la France et lAllemagne.

- La suppression de lUEO et la création comme le propose Londres dun quatrième pilier qui sajouterait à la politique extérieure du deuxième pilier.

Sans vouloir ou pouvoir trancher entre toutes les options possibles, nous affirmons notre regret que le traité dAmsterdam ait été si frileux sur ce point et notre volonté daller plus vite et plus loin.

Il nous faut assurer le bon fonctionnement du marché unique et tirer toutes les conséquences de la mise en place lEuro.

Nous avons voulu lEuro et lunion monétaire européenne. LEuro peut être un formidable atout pour la prospérité et pour lemploi, à condition toutefois de transformer lessai de la monnaie unique. La réussite de lEuro implique que les Etats membres mettent en ouvre des réformes visant à assainir leurs finances publiques à opérer les réformes structurelles et économiques indispensables, à réduire globalement le poids de la fiscalité, à limiter la bureaucratie, et à simplifier les contraintes administratives. A améliorer le rapport coût-efficacité des services publics et à introduire plus de flexibilité, notamment sur les marchés du travail.

Mais nous savons aussi que lEuro peut aussi se traduire par davantage de chômage si lon maintient ou aggrave nos rigidités économiques et sociales.

Ecoutons Karl Otto Pöhl (La Tribune, 30 avril 1998, ex Président de la Bundesbank) : "Il ne faut pas sous-estimer les risques et prendre garde que lunion monétaire européenne ne se traduise par plus de chômage. Les pays de lEuro doivent opter pour une stratégie de croissance. Une stratégie faite de déréglementation, de privatisation, de bas taux dintérêts, et dallègements fiscaux".Si lon supprime lajustement par les taux de changes, et si lon veut éviter que le chômage devienne la seule variable dajustement, il faut permettre le cas échéant lajustement des différences de productivité, de durée du travail ou de démographie, par des différences de coût, de charges et dimpôts.

Cest dire que toutes les politiques qui se proposent, au nom de lharmonisation fiscale ou sociale, de gommer les différences nécessaires en Europe, doivent être regardées avec beaucoup de prudence et beaucoup de méfiance.

Cest pourquoi nous avons refusé lidée dun super gouvernement économique européen.

En effet, lidée court de dresser face à cette banque centrale un gouvernement économique européen, avec sans doute pour les uns la nostalgie dun pouvoir politique perdu sur la monnaie, et pour dautres lambition de créer le super-Etat européen dont ils rêvent.

Sil sagit de coordonner les politiques des différents pays en les comparant pour savoir quelle est la meilleure politique de lemploi, quelle est la politique fiscale la plus efficace, je ny vois pas dobstacle. Mais le risque existe de voir un tel gouvernement économique constituer non pas un contre-pouvoir face à la banque centrale, mais bien un super pouvoir au-dessus des gouvernements nationaux.

Cela nous nen voulons pas.

La construction européenne ne conduit pas seulement à une concurrence accrue des produits et des services, elle introduit la concurrence des Etats, de leurs systèmes juridiques, sociaux, éducatifs, fiscaux, administratifs.Cette concurrence est positive. Les citoyens, les consommateurs, les entrepreneurs, les épargnants peuvent dans une certaine mesure se faire leur Etat à la carte : placer leur épargne là où la fiscalité est la moins pénalisante ; produire là où lentreprise est la plus libre ; chercher là où les cerveaux sont les mieux formés. Lavantage va à celui qui crée lenvironnement le plus favorable à linitiative et à la prospérité.

Dans la concurrence européenne, les Etats sont comme les entreprises : ils ne peuvent être à labri des règles de la compétitivité. Ils sont obligés de décentraliser leur gestion, de se recentrer sur leur vrai métier, le métier de lEtat. Cette recherche defficacité impose douvrir de nouveaux secteurs à la concurrence soit par la privatisation soit la dérégulation.

Ce nest plus changer la vie ou la société, cest changer lEtat.

Mais la tentation est grande de refuser cette concurrence des Etats.« Il faut égaliser les conditions de concurrence, harmoniser la fiscalité », entend-on dire. Cela sonne bien, mais cest le propre du marché et du libre-échange que de réaliser la complémentarité des activités humaines à partir de conditions de concurrence différentes.

La concurrence nimplique pas, bien au contraire, que tous les producteurs se trouvent dans les mêmes conditions de concurrence.

La concurrence est à base de différences. Elle a justement pour effet de partir des écarts de prix, de charges et dimpôts pour aligner peu à peu tous les concurrents sur la position la plus avantageuse pour le consommateur.Cest la concurrence qui met en évidence les distorsions fiscales, elle sen nourrit avant de les réduire.

On constate aujourdhui lefficacité dune économie mondialisée dans le cadre de règles de libre-échange. Or, une telle économie mondiale fonctionne sans quil y ait, bien sûr, harmonisation des conditions de concurrence.

Ce qui importe, ce nest pas dharmoniser les conditions de concurrence, mais de supprimer les distorsions de concurrence, déliminer les causes de gêne mutuelle, de libérer au maximum les forces productives de leurs entraves.

De même , si le mot " harmonisation " sonne bien et incline à la sympathie, il a un synonyme : uniformisation, beaucoup moins sympathique.

Ce quil faut rechercher, cest lEurope de lharmonie, cest-à-dire celle de la complémentarité des différences et non celle de luniformisation.Ce serait se tromper de chemin que de rechercher légalisation bureaucratique des conditions de concurrence.

Cela ne signifie pas bien sûr que des dispositions communes - notamment dans le domaine des normes - ne sont pas nécessaires. Elles sont au contraire indispensables pour favoriser le libre-échange des produits et des services européens. Mais, en ce sens, lharmonisation doit se mettre au service de la concurrence. Les normes communes doivent autant que possible se découvrir par le libre fonctionnement du marché et être le moins possible imposées par un pouvoir central.

La moyenne de mauvaises fiscalités ne donne pas une bonne fiscalité.

Il nous faut réformer les institutions européennes dans un sens fédéral

Nous avons beaucoup parlé de la réforme des institutions. Au-delà des idées générales de réformes que nous avons esquissées, je voudrais insister maintenant sur la révolution juridique que représente la construction européenne.

La construction européenne ne change pas seulement la dimension du droit ; elle en change la nature.

La Cour du Luxembourg limite labsolutisme du souverain législateur national. De même, les institutions européennes limitent le pouvoir des gouvernements et des législateurs à prendre certaines décisions et en particulier à conférer des privilèges indus au bénéfice de groupes particuliers et à utiliser sans frein les facilités de linflation et du déficit budgétaire.

LEurope remet en cause le monopole du droit de lEtat-nation.

La caractéristique essentielle de lEtat-nation tient en lidée dun peuple souverain qui au travers dinstitutions démocratiques et de la règle de la majorité détient le monopole du droit. Dans cette conception issue de la Révolution de 1789, le droit est seulement ce quun législateur souverain, unique et absolu a voulu. Il existe une volonté politique centrale à qui il revient de faire les lois au nom du peuple.

A contrario, le droit européen nest pas la création dune volonté souveraine, ni le produit dune majorité parlementaire. Cest le résultat complexe dinteractions multiples faisant intervenir des coutumes, des contrats, des jurisprudences en provenance de Cours de Justice différentes et laissant jouer la concurrence entre de multiples sources de Droit (juge, Etat, instance arbitrale, ou juridiction transnationale..).

A la place de la magnifique construction pyramidale et hiérarchique des catégories traditionnelles de la science politique, apparaît un édifice inédit.

Ne cédons pas à la tentation de projeter sur les institutions européennes la version agrandie de nos institutions nationales, et qui aboutirait à installer au cour de lEurope un Parlement -dit de Strasbourg- siégeant en fait à Bruxelles, représentant un soi-disant peuple souverain européen et prétendant imposer de super-lois au-dessus de nos parlements nationaux.

Cest pourquoi, pour nous, corriger ce quon appelle le « déficit démocratique » ce nest pas instituer un super pouvoir législatif européen, mais cest mieux délimiter les compétences confiées à lEurope et les contrepoids institutionnels destinés à prévenir tout débordement.

Tel est dailleurs lobjet du principe de subsidiarité introduit à linitiative de Valéry Giscard dEstaing dans le traité de Maastricht mais qui na pas encore reçu les garanties nécessaires que lon pouvait espérer dans le Traité dAmsterdam. Je dirais même au contraire.

Car si dans le nouveau protocole sur la subsidiarité annexé au traité dAmsterdam, si le principe de subsidiarité fait lobjet dune affirmation solennelle, son application est, dans les faits, laissée à la discrétion de ceux-là même dont il est censé encadrer le pouvoir. L"acquis communautaire" se voit consolidé. Autrement dit "tout ce qui est à la commission est à la commission et tout ce qui est aux Etats, ça se discute".

De cette interprétation extensive de la subsidiarité, nous ne voulons pas .

Cest pourquoi nous avons proposé quune nouvelle procédure à partir des parlements nationaux, et peut-être des Cours constitutionnelles, puisse garantir le respect du principe de subsidiarité.

C’est pourquoi aussi nous pensons que le moment est venu de refondre l’ensemble des Traités formant la base de la construction européernne dans la rédaction d’un document présentant de manière claire et concise les principes constitutionnels de l’Union européenne.


Discours d’Alain Madelin, Convention lib

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