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Ni droite, ni gauche !

vendredi 18 avril 2008

Pourrait-il d’ailleurs en être autrement dans le monde politique que nous connaissons ? L’objectif plus ou moins explicite des hommes de l’Etat est de réglementer la société pour lui faire atteindre, sinon approcher, le stade de « paradis terrestre », au moins de viser à son amélioration (toute la question reste de savoir laquelle...). Comment attendre de ceux qui agissent au nom d’un intérêt général flou, par définition, la promotion d’une valeur éloignée de leurs ambitions partiellement avouées, pire, une valeur totalement inconciliable avec ces ambitions ?

D’aucuns considèrent que la liberté est la valeur suprême qui doit primer sur toute autre. Pour le malheurs de tous, les hommes politiques, les hommes de l’Etat en général, ne sont pas de ceux-là. Il est pour eux des choses plus nobles que la liberté d’un vulgaire citoyen-électeur. Plus grave encore est la tendance visible et inquiétante qui éloigne inexorablement la liberté individuelle du bouquet pourtant très fourni d’objectifs politiques de nos dirigeants. Dans cette dangereuse descente aux enfers au cours de laquelle droite et gauche, dans une harmonie parfaite, laissent la liberté derrière elles pour se rapprocher d’autres valeurs plus « modernes », plus « correctes » (comme la solidarité, la justice sociale, le respect de l’environnement ou la sacro-sainte égalité), les hommes politiques sont cornaqués par des groupes de pression revendicatifs qui craignent la perte de leur pouvoir d’influence au profit d’une plus grande liberté individuelle. Si la liberté profite à tous, son absence profite à certains... prêts à tout pour freiner son avènement. Agences de l’Etat, communautés politisées, entreprises subventionnées...

Les hommes politiques l’ont compris : mener une politique au service de la liberté, « libérale » au sens large du terme, signerait pour eux la fin d’une immense partie de leur présente activité. C’est parce qu’ils réalisent parfaitement les enjeux et les conséquences de la liberté qu’ils la craignent. Promouvoir une société libre reviendrait à scier la branche sur laquelle eux et l’administration qu’ils dirigent (ou plutôt qui les dirige) sont confortablement assis et d’où ils régentent un monde qu’ils regardent de haut. A droite comme à gauche, en France, la culture idéologique dominante, unique même, tient en un mot : constructivisme. Pourquoi un homme politique est-il à la place qu’il occupe, élu de surcroît, si ce n’est pour construire, pour ériger une société parfaite, sinon pour en corriger toutes les imperfections ? Réglementations, planification ne sont l’apanage d’aucun clan politique ; l’étatisme, quoique la plupart s’en défende est le virus le plus répandu chez nos élites politico-administratives et il ignore superbement les frontières politiques classiques. Microbe éminemment résistant...

Il n’y a, c’est certain, aucune place pour l’orpheline liberté dans un tel programme. On ne peut, à l’évidence, avoir un quelconque dessein pour la société que l’on dirige et une vue arrêtée du monde que l’on veut faire émerger tout en laissant les individus qui le composent libres d’entreprendre. L’homme de l’Etat goûte peu ce qu’il ne contrôle pas. Il aime, par nature, planifier l’avenir. Les gouvernés, dans une telle partie, ne sont même plus des pions à déplacer habilement, ils sont des obstacles à neutraliser, à entraver pour les empêcher de contrarier les aspirations, le grandiose scénario, de gouvernants tout-puissants. En l’occurrence, cette funeste opération d’annihilation de la société civile a pris la forme d’un assistanat généralisé, d’un Etat-providence intégral. Que l’Etat aide les plus faibles, c’est un bien, qu’il dresse l’ensemble de la population à ne plus savoir se passer de lui, c’est une oppression. Un enfant est toujours plus sage et plus obéissant quand on lui offre une sucette ou qu’on lui allume la télévision...

« Il y a trop de grands hommes » écrivait ironiquement Frédéric Bastiat. Le moindre élu local, le plus bas des haut-fonctionnaires voit orgueilleusement dans la minuscule parcelle qu’il administre un jouet qu’il peut à sa guise -ou presque- façonner pour lui donner la forme voulue. Mythe prométhéen, changer le monde pour soi-même, par goût d’y voir sa volonté imprimée : il mène à de funestes errements.

L’aversion pour la liberté est inhérente à la fonction politique telle que la conçoivent aujourd’hui ceux qui la remplissent en France. A gauche comme à droite.

Qu’il est agréable de se bercer d’optimisme en pensant que cette situation désespérante n’est pas désespérée. Il est temps qu’une nouvelle génération politique moderne, profondément réformatrice et courageuse, émerge. Une nouvelle génération qui ait pour paradoxale ambition de laisser vivre la société civile sans intervenir au-delà du strict nécessaire. A l’extrême et pour caricaturer, une génération politique sans projet, sans programme autre que celui de rendre aux individus leur liberté confisquée par des générations d’hommes de l’Etat dont l’emprise sur ceux qui n’aspiraient qu’à vivre libres n’a cessé de croître.

Est-il incivique ou inconscient de rêver d’élections où il serait loisible de voter pour des candidats qui ne promettraient nulle mesure nouvelle en faveur de quiconque, nulle protection bienveillante (si ce n’est la légitime sécurité), nulle loi innovante régulant un peu plus le marché, nulle intervention du gouvernement dans la bonne marche de la société, toutes sortes d’agissements qui ne sont, sous couvert de bonnes intentions que beaucoup tiennent pour nobles, qu’atteintes caractérisées à la liberté ?

Droite et gauche voient dans l’action politique la voie royale pour faire progresser l’humanité et la conduire vers le bonheur promis (par qui, lequel ?). Cette action politique étant, par tradition, par souci électoraliste ou par orgueil de nature interventionniste. Quelle alternative ?

La future génération politique, si elle veut ne pas réitérer les terribles erreurs de ses prédécesseurs, si elle veut louvoyer entre les écueils sur lesquels ces derniers ont fait échouer les peuples qu’ils prétendaient guider, devra comprendre que la liberté est le terreau fertile sur lequel poussent progrès, paix, croissance et bonheur (individuel celui-là). Cela demande sans nul doute une certaine humilité, la conviction qu’une assemblée élue, qu’un gouvernement, aussi « éclairés » fussent-ils, ne peuvent, pas plus qu’une société d’individus libres et responsables, créer un monde meilleur.
Des décisions politiques, qu’elles soient franches et autoritaires ou sournoises et indolores, lois, décrets, arrêtés et autres réglementations innombrables ont mises à mal la liberté individuelle. Seuls des actes politiques significatifs peuvent la restaurer, faute de quoi cela serait prendre le risque que, tôt ou tard, une révolution ne s’en charge. L’enjeu politique, urgent, est donc double : faire triompher la liberté et éviter que ce triomphe ne soit trop violent en anticipant un réveil brutal mais légitime d’hommes et de femmes excédés par les chaînes dont ont les accable toujours un peu plus.

C’est dans cette direction et dans cette direction seulement que l’action politique est aussi nécessaire que légitime.

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