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Quelques vérités sur l’immigration

vendredi 18 avril 2008

« Nous devons écarter ce sujet sensible des campagnes électorales » aurait été le leitmotiv général, comme si les périodes de prise de conscience politique que représentent les campagnes électorales ne devaient jamais être utilisées pour débattre des controverses sérieuses. De ce fait, les partis marginaux ont occupé la place avec des slogans évoquant le raz-de-marée des immigrants dans leur pays et la nécessité de préserver la « pureté » des nations. Peut-on reprocher aux électeurs de se montrer soupçonneux envers le silence de la majorité politique ou même de se laisser séduire par les fanfaronnades de la marge ?

Il est grand temps, plus que temps même, pour ceux qui ont foi en une politique libérale et éclairée de défendre leur cause. Nos quatre vérités sur la migration des populations doivent nous être rappelées pour que nous en tirions les conclusions nécessaires. En voici cinq, ou du moins, cinq questions ouvrant le débat.

Tout d’abord, l’immigration, ce n’est pas drôle ! Généralement, personne ne quitte son pays sur un coup de tête ou pour partir en quête d’aventures. D’habitude, les migrants cherchent à échapper à leurs conditions de vie désespérantes, comme le firent de nombreux Européens abandonnant leur foyer au XIXe et au XXe siècle, s’embarquant pour l’Amérique. Que les migrants agissent sous le coup d’une oppression politique ou d’une indigence économique, il est essentiel de comprendre que le prix qu’ils sont prêts à payer est aussi élevé que leur motivation pour partir.

Ensuite, l’immigration est un grand compliment fait aux pays d’accueil que ces migrants choisissent pour destination finale. Quand on se demande « où pourrions-nous aller si nous partions ? », on ne pense jamais à la Chine ou à un pays africain, pas plus qu’à l’Amérique latine de nos jours. Les pays attrayants pour les migrants ont tendance à bénéficier d’un niveau de vie et de liberté élevé. Le Canada est devenu un pays de rêve pour beaucoup, de même que certains pays d’Europe. Ils devraient être fiers, tout en conservant une certaine humilité, de leur pouvoir d’attraction, tout comme le furent les États-Unis pendant bien longtemps.

Puis, il est trompeur de soutenir qu’une certaine immigration soit nécessaire pour répondre aux besoins des professions high-tech ou autres. S’arroger quelques spécialistes informatiques indiens n’est pas une bonne raison pour distribuer quelques permis de travail, puisque de tels migrants ne représenteront jamais qu’une infime minorité des nouveaux arrivants. Les pays riches ont aujourd’hui besoin d’immigrés pour occuper les postes qu’Adair Turner qualifie de « manutentionnaires » dans son ouvrage « Just Capital ». Les citoyens des pays riches ne veulent plus se salir les mains : depuis les cuisines des restaurants jusqu’aux soins donnés aux personnes âgées, en passant par la récolte du coton ou les travaux physiques des chantiers de construction, les citoyens des pays riches veulent consommer des services qu’ils ne sont plus prêts à fournir eux-mêmes. Il est peut-être indigne d’attendre de ces travailleurs immigrés qu’ils prennent en chargent ces travaux « salissants », mais pour ces travailleurs, de tels emplois offrent la possibilité de grimper le premier échelon de l’échelle de l’espoir tout en permettant aux économies et aux sociétés avancées de fonctionner.

De plus, personne n’a encore bien réfléchi aux implications profondes de la démographie actuelle et des changements sociaux y afférant, mais le fait est que sans les travailleurs immigrés, les prestations sociales des pays avancés deviendraient vite inabordables. Ce n’est pas une chose plaisante à dire : utiliser les immigrés pour subvenir aux besoins des populations locales, mais sans les laisser profiter des bénéfices, est moralement répugnant. Il doit exister des moyens d’atténuer ces effets, mais sans l’immigration, les prestations sociales devront être réduites massivement pour la génération à venir, à travers toute l’Europe.

Finalement, l’immigration peut être traitée comme un progrès vers l’intégration complète des immigrés ou comme une phase de transition dans leurs vies. Les deux possibilités doivent rester accessibles, mais il reste encore bien des choses à débattre quant à la deuxième. Les Italiens (puis les Turcs par la suite) qui travaillèrent en Europe du Nord avant de rentrer dans leur pays avec suffisamment de biens pour monter leur propre affaire ont doublement contribué : ils aidèrent leur pays d’accueil puis leur pays d’origine.

Le fait que les pays puissent se redresser est une bonne raison de garder espoir. Le Portugal et surtout l’Irlande en sont de parfaits exemples. Pendant plus d’un siècle, l’Irlande fut terre d’émigration par excellence. Aujourd’hui l’Irlande est si prospère qu’elle attire des immigrés, même britanniques. Ce n’est pas la seule façon de progresser. L’intégration des immigrés est aussi une autre possibilité : mais il reste nécessaire d’aider à la création de conditions durables dans les pays en difficulté, à l’aide d’une génération de migrants qui transfèrent leurs ressources avant de rentrer eux-mêmes.

Vu les perspectives nouvelles que ces vérités nous font découvrir, l’élargissement à l’est de l’Union européenne, par exemple, est fortement souhaitable, non pas en dépit de l’immigration, mais bien grâce à la migration probable des populations des nouveaux États membres vers les plus anciens. De ce fait, nous pourrons créer plus de Portugal et plus d’Irlande alors que la richesse des régions connaissant déjà la prospérité pourra perdurer.

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