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L’après - 11 septembre 2001

L’économie de liberté face aux conséquences du terrorisme

jeudi 15 novembre 2001

Cette précision
théorique n’est pas une redondance pédante. Quand Fidel Castro instaura sa
dictature à Cuba en 1959, l’une de ses premières réformes démagogiques a
consisté à rendre les Cubains " propriétaires de leur logement ". Mais
depuis 42 ans, ces " propriétaires " ne peuvent ni vendre ni louer. Plus
subtilement, toutes les taxes sur les transactions, et notamment les droits
de mutation, mais aussi les impôts de bourse, etc. ont pour effet de les
freiner. C’est le but technique préconisé par l’économiste Tobin en 1972 et
ce serait le résultat premier de l’application de son idée de taxe
pénalisant la propriété et la liberté.
En frappant de manière spectaculaire et criminelle les deux tours du World
Trade Center à New York, les terroristes n’ont pas seulement tué des
milliers d’innocents, ils ont secondairement engendré des conséquences
économiques.
Secondairement, cela veut dire qu’aucun économiste n’aurait le droit de
considérer l’aspect moral du problème comme accessoire. Il est fondamental,
crucial, insupportable. Cela n’interdit pas, cependant, de réfléchir aussi
aux conséquences pratiques d’un événement aussi exceptionnel.
Première conséquence : elle frappe l’économie de l’assurance. On a avancé
dès le début un chiffre de 10 à 15 milliards de dommages " environ ".
Financièrement, quoique très lourd, ce chiffre est supportable par
l’économie de la réassurance qui a supporté des cyclones épouvantables, ou
en France la tempête de 1999. Reste que l’on entre dans une sphère un peu
différente. Il faudrait indemniser non seulement les personnes, les
bâtiments, les installations du World Trade Center, mais même le terrain,
car sa valeur est probablement réduite à zéro : il semble bien difficile d’y
construire à nouveau quoique ce soit d’autre qu’un mausolée.
Dès l’examen de cette question, le plus libéral des économistes devra donc
convenir que l’on est bel et bien dans le cas, exceptionnel, de
l’intervention nécessaire du gouvernement. C’est bien là que l’État est
attendu. Faisons une petite révérence à l’utopie libertarienne si
sympathique : tant qu’il existera des " méchants ", il faudra bien une force
contraignante pour protéger les bons. Après, on verra.
Il semble bien que l’État américain aille dans cette direction. Et il le
fait d’ailleurs non pas " malgré le programme de décrue fiscale " de George
W. Bush, mais au contraire grâce à la pression antifiscale des majorités
républicaines conquises à partir des élections intermédiaires de novembre
1994. C’est parce que d’année en année, les républicains ont imposé, y
compris sous Clinton, d’importantes réductions de dépenses que l’Amérique
dispose d’excédents financiers et pourra supporter la charge exceptionnelle
de la guerre, — car c’est une guerre —, et une partie de l’indemnisation des
victimes.

Dans Les Échos, M. Denis Kessler répondait avec son intelligence coutumière
" Notre métier est d’assurer et non d’exclure ". Et cependant, le
représentant qu’il est de la Fédération des Assurances posait la question,
destructrice subtilement, de sa première affirmation : " Les assurés
accepteront-ils ? ". On pourrait retourner le problème : les actuaires et
les assureurs sauront-ils calculer et facturer le risque ?
Deuxième sorte de conséquence : faut-il croire à une récession aggravée par
le conflit ? Le précédent de la guerre du Golfe de 1990-1991 n’est pas un
bon exemple. Tout d’abord, on doit se souvenir que les facteurs de la crise
étaient antérieurs à l’invasion de l’émirat du Koweït par l’Irak. La crise
était notamment engendrée par l’énorme bulle immobilière. Aujourd’hui si les
économies occidentales patinent depuis quelque 12 mois, c’est
essentiellement parce que l’on y a surestimé l’effet " nouvelle économie "
et les gains de productivité, pourtant bien réels des nouvelles
technologies. Le commerce électronique ne donne pas encore les résultats
rêvés et anticipés par les marchés financiers, mais de colossaux progrès
sont en vue. La tension internationale n’y changera rien sauf à doper les
progrès technologiques comme toutes les guerres du passé l’ont fait.
Les pertes boursières du 11 septembre auront été spectaculaires, certes.
Mais 6 ou 7 %, dans un contexte de repli global des marchés financiers
revenus aux cours de 1998, c’est une " chute " moins terrible que celle des
malheureux que l’on a pu voir " chutant " eux aussi du haut des tours
jumelles du World Trade Center. L’économie est la chose de l’homme.
Le terrorisme n’atteindra l’économie que s’il frappe la vraie ressource du
monde industriel : le travail humain, accumulé sous diverses formes, depuis
des siècles, par les peuples civilisés. Il n’y parviendra pas.

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