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Libérons les universités

mardi 18 avril 2006

Ce sont ces classes moyennes dont on aime tant dresser l’éloge qui payent la note ou qui la payeront bientôt, que ce soit par la fiscalité ou suite à la privatisation de ces services. Les retraites complémentaires assurées par des organismes privés en Allemagne, le coût des soins médicaux partout à la hausse et des frais d’inscription faramineux dans les universités britanniques constituent des problèmes politiques brûlants. Et, jusqu’à présent, les mesures à court terme décidées par la plupart des gouvernements ne se sont guère révélées efficaces.
Pour l’université, il existe certes une alternative : il suffit de laisser l’enseignement supérieur se dégrader. C’est ce qui se passe en Europe depuis les années 1970. Des amphithéâtres surchargés, des bâtiments souvent vétustes et le manque de matériel ont conduit à un allongement de la durée des études, à une dévalorisation des diplômes et à une insatisfaction grandissante, tant de la part des étudiants que des professeurs. En Grande-Bretagne, où l’enseignement supérieur a résisté à la tourmente dans les années 1970 et 1980, on refusait à tour de bras les étudiants du continent qui tentaient d’échapper au déclin de l’université dans leur propre pays.

Mais aujourd’hui le désastre provoqué par l’insuffisance des moyens face à l’accroissement du nombre d’étudiants atteint aussi la Grande-Bretagne. Même le secrétaire d’Etat britannique à l’Enseignement reconnaît qu’il faudrait 18 milliards d’euros supplémentaires simplement pour revenir au ratio enseignants/étudiants et au niveau d’équipement et d’infrastructure d’il y a dix ans. En une décennie, la somme allouée à chaque étudiant a diminué de 40 %. Comment assurer le financement nécessaire ?

Il ne faut pas attendre grand-chose d’une augmentation de la fiscalité. Si certains croient encore que le contribuable est prêt à verser un sou de plus (ne serait-ce que 1 % d’augmentation) pour permettre à l’université de continuer à fonctionner, pratiquement tout le monde sait que c’est exclu, tant pour des raisons d’ordre économique que politique. Il faut donc trouver une autre solution, même si elle touche des électeurs dont les suffrages seront nécessaires aux gouvernements lors des prochaines échéances électorales.

On pourrait ne rien faire et attendre que les universités modèrent leurs ambitions. Dans une certaine mesure, c’est ce qui s’est passé en Europe. En Angleterre, c’est le contraire, le gouvernement veut que la moitié d’une classe d’âge intègre l’enseignement supérieur en 2010. Aussi absurde que cela soit, l’enseignement supérieur de masse va perdurer. C’est un problème qui ne se limite plus à une petite élite privilégiée, il touche tout le monde et mériterait de faire l’objet d’un large débat politique.

On peut aussi demander aux bénéficiaires de l’enseignement supérieur de payer le prix de leur formation. Cela pourrait se faire de différentes manières : une participation en fonction des moyens des parents, des prêts sous conditions préférentielles, une taxe prélevée sur les étudiants diplômés ou une combinaison de ces solutions avec un système de bourses généreux compensé par des droits d’inscription versés par les familles aisées.

Toutes ces mesures présentent des inconvénients. Elles supposent des transferts massifs de dépenses lors de leur introduction. Elles risquent de détourner de l’enseignement supérieur une partie de ceux qui mériteraient d’y accéder. Elles constitueraient un fardeau pour des secteurs de l’opinion publique particulièrement sensibles. Et elles ne seraient peut-être pas suffisantes pour éviter la banqueroute de l’enseignement supérieur.

Quelle serait l’alternative ? Les étudiants européens qui venaient faire leurs études en Grande-Bretagne lorgnent maintenant l’autre côté de l’Atlantique en même temps que leurs condisciples britanniques. Plus que jamais, le système américain est considéré comme la référence. Il semble allier mystérieusement l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur et l’excellence.

Le secret est pourtant facile à résoudre : il a pour nom la différenciation. Le système universitaire américain n’est pas à deux vitesses, avec une université pour les riches et une autre pour les pauvres ; il est au contraire extrêmement diversifié. C’est aussi vrai en ce qui concerne son financement. Il est assuré tant par la participation publique que privée qui interviennent l’une et l’autre de plusieurs manières différentes selon les institutions. Et beaucoup d’établissements supérieurs disposent de dotations destinées à compenser les inégalités sociales.

Constituer de telles dotations va prendre du temps en Europe et ailleurs. Mais le principe est sûrement le bon. Les universités doivent être libres, libres de sélectionner les étudiants comme elles l’entendent et libres de leur faire payer la somme voulue. Le rôle de l’Etat, ici comme ailleurs, doit se limiter à corriger les inégalités.

Aujourd’hui, ces idées peuvent sembler hérétiques, mais sans hérésie, point de réforme. Le problème de la génération à venir sera de réussir à combiner contribution publique et privée au fonctionnement de services qui ne peuvent plus être financés exclusivement par le contribuable et gérés de A à Z par la bureaucratie étatique.

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