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Les trucages budgétaires de Fabius

dimanche 4 février 2001

Mais les remises en cause les plus
significatives viendront sans doute des forces d’appoint sans lesquelles le
parti socialiste n’a pas de majorité. Comme ces forces sont plus
démagogiques encore que le gouvernement, il n’y a guère à craindre, au
départ, que les trucages de M. Fabius soient finalement remis en cause. Le
Budget 2002 devrait alors être adopté, en dépit de tares évidentes.
Car la première tare résulte d’une logique, initialement estimable et
compréhensible, des traités de Maastricht et d’Amsterdam. On doit se
souvenir en effet que l’union monétaire a été conçue entre 1991 et 1997 pour
ne pas trop contrarier la survivance des souverainetés nationales. Telle
était la conception que M. Delors se faisait (faussement) de la
subsidiarité. On concède ainsi aux États-Membres le choix de leur niveau
global de prélèvements obligatoires, mais au nom de l’Union monétaire ils ne
doivent pas dépasser un certain déficit des administrations publiques. Cette
vision totalement économétrique et technocratique de la " convergence
monétaire " crée un des obstacles qui plomberont le plus l’Euro : car tout
le système se fonde sur des statistiques et des données comptables d’État.
Or, les États truquent les données comptables, budgétaires et statistiques…
Mais jusqu’ici le trucage pouvait paraître acceptable puisqu’il n’avait
guère de conséquences sur l’ensemble de l’Europe. Le trucage des États était
jusqu’ici essentiellement destiné aux opinions publiques, lesquelles se
fichent pas mal de l’économie et vaguement aux marchés financiers qui, en
général, ne sont pas dupes longtemps. Avec l’Euro tout change puisque les
États membres qui truquent leurs comptes en arrivent à créer un dommage
monétaire à leurs partenaires…

Voici donc que la France ne parvient pas à réduire son déficit apparent.
Pour demeurer dans les critères de Maastricht la France ne devrait pas
dépasser en 2002 un déficit de 2 % de son produit intérieur brut. Ce PIB
était en 2000 de 1 405 milliards d’euros (= 9 215 milliards de francs). On
estime donc que le déficit de 2002 ne devrait pas excéder, compte tenu de la
croissance et d’une augmentation des prix de 1,3 % par an en moyenne depuis
1998 d’environ 30 milliards d’euros que les parlementaires français vont
comptabiliser cet automne pour la dernière fois en francs français à hauteur
du chiffre fatidique et symbolique de 200 milliards. Retenons ce chiffre et,
dans la suite de cet article, nous appellerons "milliards" le milliard de
francs français…

Pour faire semblant de parvenir à 200 milliards de déficit, chiffre déjà
bien excessif pour l’avenir, le Budget Fabius commet un premier trucage : il
table sur une croissance de l’économie française de 2,5 % en 2002. Tout est
possible bien sûr… Mais comment concilier cette prévision avec l’annonce
médiatique quotidienne d’une crise aux États-Unis ? Portant sur un Budget de
1 730 milliards (soit 263 milliards d’euros) en 2001, cette seule
incertitude porte sur un montant de l’ordre de 40 milliards, auxquels il
faut ajouter 50 autres milliards pour la Loi de financement de la sécurité
sociale 2002 que Mme Guigou ose annoncer en équilibre.
Mais à ces 40 et 50 milliards d’impasse, le Budget Fabius ajoute une autre
novation inquiétante. Il va prélever arbitrairement toutes sortes de
nouvelles recettes dites non fiscales, en augmentation de 41 milliards : 5,5
milliards seront prélevés sur la trésorerie de la Caisse de garantie du 1 %
logement, 9 milliards sur le fond de garantie du Livret A, 0,6 milliards sur
les réserves de l’ORGANIC, 1 milliards sur le Fisac (les commerçants sont à
l’honneur), 6 milliards sur EDF, 2 milliards sur Gaz de France, 5,5
milliards supplémentaires sur le trop perçu du CRDS (fin août à La Rochelle
M. Fabius avait annoncé que ce " tout petit impôt " universel de 0,5 %
pourrait être prorogé au-delà de 2014), 8 milliards sur les caisses de
l’UNEDIC censées indemniser le chômage et aider l’emploi, etc.
Au total, on découvre que, sans trucages, le déficit français demeure
beaucoup plus proche de 300 milliards de francs (3,3 % du PIB) que de 200.
Depuis 1993, la France est le seul pays d’Europe à ne pas parvenir à se
rapprocher vraiment des critères de convergence monétaire.
Heureusement, exprimé en euros ce déficit semblera plus petit. Il sera
divisé tout d’un coup par 6,55957. N’est-ce pas, d’avance, un fabuleux
progrès ?

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