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Les défis d’un classique vote protestataire

dimanche 18 avril 2004

Comment expliquer l’imprévue violence de cette protestation électorale dont la gauche a été la grande bénéficiaire ? Deux thèses contradictoires, mais finalement assez jumelles, ont pu être avancées. L’une est celle du conservatisme foncier des Français qui rendrait le pays décidément irréformable. L’ancien ministre de l’Economie, Francis Mer, en a donné une illustration caricaturale en accusant ses compatriotes, dans l’entre-deux-tours, d’avoir pour fâcheuse habitude de s’enfouir « la tête dans le sable ». Le vote des 21 et 28 mars a certes une dimension conservatrice. Selon une enquête CSA (*) réalisée au soir du second tour, 67 % des électeurs de gauche souhaitaient que le gouvernement « renonce aux réformes annoncées ». On note cependant que, d’après ce même sondage, une courte majorité de Français se déclaraient en faveur d’une poursuite de l’action réformatrice. Par ailleurs, si le solde de popularité de Jean-Pierre Raffarin est devenu négatif au printemps 2003, en pleine réforme des retraites, il est notable que sa cote de confiance a baissé presque régulièrement depuis l’été 2002.

Une autre thèse n’est guère plus respectueuse des réalités. C’est celle qui voudrait que les électeurs aient sanctionné la politique « ultra-libérale » du pouvoir. Or la principale réforme accomplie, celle des retraites, ne s’inscrit nullement dans l’extrémisme idéologique. En fait, la droite semble moins avoir payé son action passée que le flou de ses intentions. L’appel incessant à la « réforme », toujours indexé sur les nécessités de l’ordre mondial et économique, et jamais présenté en termes de choix sociaux, a des effets anxiogènes sur de larges fractions de la population. Les projets gouvernementaux inquiètent d’autant plus que l’on se sent en position de fragilité sociale, qu’il s’agisse de la menace du chômage, du sous-emploi ou de la précarité. A cet égard, la crainte d’une remise en cause des contrats à durée indéterminée a sans doute eu un impact démultiplié par l’annonce d’une dégradation du régime d’indemnisation des chômeurs.

La vérité des scrutins de mars est plus sociale que politique. La France n’est pas passée de la tentation fascisante en 2002 à la conversion socialiste en 2004. Le surcroît de participation des derniers dimanches risque également de prêter à contre sens. Il s’agit moins d’une renaissance civique que des effets d’une politisation négative habituelle dans les périodes où l’électorat utilise les élections intermédiaires pour protester. Au fond, les régionales de 2004 ne contredisent pas aussi radicalement qu’on pourrait le croire la présidentielle de 2002. Le discrédit des gouvernants et l’état d’angoisse sociale qui ont produit le 21 avril n’ont pas disparu. Ils se sont simplement manifestés d’une manière extrêmement différente.

D’où un paysage politique nouveau, qui pose de redoutables défis à la droite comme à la gauche. Le troisième gouvernement Raffarin aura à traiter la décisive question sociale. Il lui faudra trouver une cohérence entre le pilotage économique et l’ajustement social de son action. Le danger existe d’un grand écart entre le libéral Nicolas Sarkozy, encouragé d’un « vas-y mon gaillard » par le Medef, et le sociétal Jean-Louis Borloo qui peut légitimement craindre de servir de « caution sociale » au gouvernement.

La gauche, pour sa part, est confrontée à un dilemme d’ordre stratégique. Va-t-elle continuer à se faire le porte-voix de toutes les contestations ou commencera- t-elle à dessiner les grands traits d’une politique alternative ? Brutalement dit, sera-t-elle plus attentive à la rue ou aux dossiers ? La facilité consisterait à se poser en gauche du moratoire des réformes au lieu d’imaginer un progressisme rénové. Mais les socialistes devraient songer que l’élection européenne se déroulera selon des règles différentes. Chacun allant à la bataille sous ses propres couleurs, le PS sera moins qu’hier le réceptacle naturel de toutes les protestations.

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