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Irak et pétrole : rien à voir !

dimanche 18 avril 2004

En Europe pourtant, les préjugés ont la vie dure : pour la majorité des Européens, c’est bien encore et toujours le pétrole qui fut la principale raison pour l’Amérique d’intervenir en Irak. Cette obsession du complot militaro-politico-pétrolier ne résiste pas à l’analyse, et nombre de médias et commentateurs européens commencent enfin à saisir la vérité, à savoir que l’intervention fut guidée par un volonté de "remodeler" le Moyen-Orient à l’occidentale, afin de sortir cette région du monde de la misère et la corruption, qui sont les principaux facteurs responsables de la montée des islamistes et du développement de groupuscules terroristes anti-occidentaux.

Ainsi, l’excellente analyse de Pierre Noël (L’Amérique et le pétrole irakien, CFE Policy Brief No. 4 – Février 2003) nous livre une démonstration fort convaincante des raisons pour lesquelles la guerre en Irak ne pur avoir pour cause la volonté de s’"approprier" les réserves irakiennes. Cette analyse s’articule autour des arguments suivants :

Premièrement, les réserves estimées irakiennes, que l’ont sait gigantesques, sont un très mauvais indicateur de la production potentielle future de l’Irak. En effet, ces réserves sont en fait des estimations de production future A CONDITION que les investissements nécessaires (que l’ont sait colossaux) soient réalisés. Or ces investissements ne sont possibles qu’avec le concours des multinationales pétrolières, celles-ci étant les seules capables d’injecter les gigantesques capitaux nécessaires à la transformation effective de réserves en production. Saddam aurait donc dû de toutes façons, pour exploiter ses réserves, appeler les compagnies occidentales à la rescousse.

Deuxièmement, il est totalement erroné de croire qu’il suffit d’envoyer une armée dans un pays pour s’approprier sa production pétrolière. Le marché pétrolier est un marché très interdépendant financièrement, économiquement et stratégiquement. Aucun pays consommateur n’a de "fournisseur" particulier : chacun puise dans la "grande bassine" mondiale sur les marchés spot ou de long terme, où il n’y a pas d’identification de provenance géographique. C’est là la caractéristique même d’un marché global. De plus, pour des raisons de diversification stratégique évidentes, aucun gouvernement ou entreprise pétrolière ne serait assez fou de faire d’un pays son "fournisseur privilégié". La diversification est l’assurance la plus sûre contre l’insécurité d’approvisionnement.

Troisièmement, le développement important de la production pétrolière irakienne aurait des effets néfastes voire même désastreux pour de nombreux pays : il handicaperait sérieusement la production nord-américaine (plus coûteuse), et se heurterait aux réticences du Koweït et de l’Arabie saoudite, alliés des Américains, et peu enclin à brider leurs propres capacités de développement au profit de leur encombrant voisin. Ces pays ont aussi nettement plus de moyens financiers et technologiques que ne pourrait en avoir l’Irak à moyen terme. En outre, une production irakienne accrue augmenterait encore un peu plus la dépendance US vis-à-vis du Moyen Orient, ce qui est à l’encontre des intérêts US.

En conclusion, il est maintenant temps d’arrêter de vilipender l’intervention américaine en Irak en voulant l’expliquer par de raisons aussi simplistes qu’insipides : le passé "pétrolier" du président Bush et de certains membres de son cabinet, la volonté de s’emparer du "butin" pétrolifère irakien, ou une volonté hégémonique d’imposer la pax americana à travers le monde dans le seul but de défendre d’obscurs intérêts militaro-industriels. Il faut prendre et explique cette intervention pour ce qu’elle est : la volonté de se débarrasser d’une menace terroriste évidente en imposant, par la force si nécessaire, le développement économique et politique du Moyen-Orient, région instable et conflictuelle du fait d’une évolution historique et sociopolitique marquée par les guerres (régionales et mondiales) et l’omniprésence de puissances de tutelle aux intérêts contradictoires. Par contre, nos hommes politiques seraient plus avisés de souligner les erreurs majeures de l’administration Bush dans cette affaire, à savoir le ratage total de la paix (la débaasification fut à ce titre une erreur majeure, ainsi que le scandale d’Abou Graib), l’échec des services de renseignement US persuadés de l’existence d’armes de destruction massive (ce qui a mené l’administration Bush à justifier la guerre par de fausses informations), et l’aveuglement d’une partie du gouvernement US décidés à se passer de ses alliés historiques.

Cependant, l’espoir subsiste, et le procès de Saddam, à l’instar de celui de Milosevic, sera pour les vrais démocrates une leçon fantastique aux tyrans de ce monde, à savoir que le crime de paie pas toujours (n’est-ce -pas ce que la Belgique a voulu avec sa loi de compétence universelle ?). On ferait parfois bien de s’en souvenir.

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