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La Guerre d’Irak : une expérience modèle pour le Moyen-Orient

dimanche 18 avril 2004

« Let Freedom Reign »

George W. Bush, à l’annonce du transfert de souveraineté le 28 juin 2004

Le conseiller à la sécurité extérieure du Président américain, Mlle Condoleeza Rice (*), l’a pourtant rappelé à maintes reprises : c’est pure coïncidence si l’Irak possède les deuxièmes réserves de pétrole au monde après l’Arabie Saoudite. En aucun cas, cela ne saurait être mis sur le même plan que la menace incommensurable posée par l’armée de Saddam Hussein qui pointait ses armes de destruction massive sur le monde entier, et non pas seulement sur ses paisibles voisins syriens ou iraniens. Le degré d’abjection du tyran déposé et de ses héritiers se passe de commentaires puisque on a même retrouvé des photographies des propres filles du Président américain, alors mineures, voisinant avec les poses lascives de créatures dénudées dans l’un des palais de l’infâme rejeton du Raïs, Udaï. Quelques grenades anti-personnelles ont heureusement lavé une telle souillure en renvoyant vers son Créateur le démoniaque Udaï, digne héritier des forfaits de son dictateur de père.

Et ce ne sont pas quelques actes de sabotage aussi dérisoires qu’isolés sur les installations pétrolières irakiennes qui ont pu occasionner les dernières évolutions du cours du Brent (+30% en quelques semaines à la Bourse de Londres) : la volatilité de ce marché est désormais bien connue et il suffit qu’un soldat américain stationné au Moyen-Orient éteigne sa cigarette sans prendre de précaution pour que les opérateurs du marché s’alarment hors de propos comme c’était le cas en 1991 lors des dernières fluctuations à la hausse (39 $ le baril).

Répétons-le une fois encore : les réserves fédérales sont largement suffisantes pour assurer un approvisionnement d’au moins une année (trois cent soixante cinq jours, davantage même si l’année est bissextile) aux Etats-Unis à consommation constante, hypothèse moins invraisemblable qu’on ne croit si, les progrès de l’urbanisation aidant, les véhicules 4X4 perdaient de leur utilité dans nos centres-villes. Les Etats-Unis peuvent largement se passer de la manne pétrolière irakienne, que celle-ci du reste se négocie en Dollars ou en Euros. Il est parfaitement ridicule de comparer quelques barils de combustible oléagineux avec la menace terrifiante des fusées intercontinentales de Saddam Hussein, dont le rayon d’action leur auraient permis frapper le territoire de l’Union européenne si rien n’avait été fait à temps, après l’entrée de Chypre parmi les Etats membres de l’Union le 1er mai dernier ! Le principal fabricant de masques à gaz étant une entreprise française, on devine dès lors mieux les motifs inavouables de la honteuse défection chiraquienne à son allié immémorial de 1917 ou de 1944. Les grattes papiers ont beau jeu de renvoyer aux alliances de circonstance de l’Ancien Régime qui ont prévalu pour accorder un léger soutien, d’ailleurs nullement décisif (**) aux Père Fondateurs de la plus vieille démocratie du Monde (à l’exception toutefois de la Confédération Helvétique, du Vatican, de la République de San Marin et de la Principauté du Liechtenstein) : en quoi ces ballets diplomatiques vieux de plus de deux siècles nous concernent-ils encore, nous qui sommes désormais citoyens de la République et immensément redevables à nos alliés depuis plus de soixante années ? Ne mêlons pas la mythologie quasi légendaire ou même l’ « érudition » historique à l’Histoire telle que des grands créateurs comme Steven Spielberg, plusieurs fois récompensé aux Oscars, nous la rappellent !

La plupart des commentateurs politiques français étant de fait gagnés à la cause Baasiste, nul n’aura remarqué la parfaite magnanimité avec laquelle le vainqueur de la bataille de l’Euphrate, champion modeste de la démocratie néo-conservatrice et parangon des immortelles vertus texanes, George W. Bush a traité le pays de son ennemi qu’il avait vaincu sur le champ d’honneur : quel butin retire-t-il de la pacification et du virus démocratique que ses troupes dispensent à leurs ennemis d’hier ? Aucun, et ce ne sont pas quelques contrats de ses sociétés principales donatrices de campagnes ou la mise sous tutelle des réserves pétrolières irakiennes qui vont compenser l’argent qu’il puise dans la poche de ses contribuables et distribue ensuite généreusement aux ouvriers du bâtiment irakien, aux serveurs et aux femmes de chambres philippins ainsi qu’aux loyaux collaborateurs de la police ! Il n’est pas jusqu’au statut de la femme irakienne qui ne s’en trouve grandi par l’auguste main du génial Président américain : n’hésite-il pas un seul instant à envoyer son aviation, au prix de l’heure de vol du Fairchild Republic A-10 « Thunderbolt » équipé du canon rotatif GAU-8/A de 30 mm, afin de rétablir dans leurs droits les jeunes filles mariées contre leur gré dans des noces somptuaires signes d’un âge révolu ? Et qu’importe les dommages collatéraux pourvu que l’objectif soit atteint à 100% (120% ou même 150% !) : que pèsent-ils dans une lutte à mort contre l’ « Axe du Mal » ?

Le spectacle de la capitale irakienne libérée de son affreux tyran a de quoi rassurer sur les intentions pacifiques, idéalistes et démocratiques du Président américain. C’est désormais la loi martiale des troupes d’occupation américaines, bien acclimatées et professionnellement encadrées, qui fait régner la Loi et l’Ordre dans la cité au lieu de l’arbitraire despotique de Saddam. Prodigieux effet de la venue des Croisés américains, on assiste même à un extraordinaire Réveil de la foi musulmane persécutée sous l’ancien régime. Des milices théocratiques viennent ainsi seconder, la foi chevillée à leur cartouchière, leurs libérateurs de la coalition dans une sainte alliance du Sabre et du Goupillon ! Comme le Président l’a dit voici quelques jours, nulle dérive occidentalisante n’est à craindre pour les alliés des USA qui décideraient de succomber aux charmes du remodelage néo-conservateur : les masses musulmanes, comme chacun sait, sont viscéralement insensibles aux charmes de la démocratie libérale, alors pourquoi leur en offrir l’illusion ? Les rênes de l’Etat, comme c’est le cas en Irak, devraient être confiés à des hommes intègres sans compromission avec les régimes baasistes et disposant d’une véritable expérience dans la finance internationale. Ainsi se dessinerait, à l’instar de l’Irak, un paysage politique harmonieux au Moyen-Orient : des Mollahs autoritaires et volontiers conservateurs mais fidèles et pieux, des Managers modernes munis de MBAs et sachant concilier loyauté à leurs alliés et patriotisme, des task-forces de consultants aguerris pour les aider à accomplir leurs missions régaliennes en rétablissant la justice et l’ordre pénitentiaire, par exemple, bref des Démocraties locales mais modernes.

L’on verra que le sable du désert n’est pas si stérile que l’on croit d’ordinaire, et qu’il sait se métamorphoser en une jungle épaisse et luxuriante après le passage des orages d’acier !

Notes

(*) Comme l’a très justement noté le brillant géopoliticien Alexandre Adler, Mlle Rice si injustement décriée par ses adversaires, non contente d’être noire de peau, a réussi un doctorat de Sciences Politiques et a même accompli l’exploit d’apprendre la langue de Tchékhov en parallèle !

(**) Le corps expéditionnaire placé sous le commandement du Comte de Rochambeau envoyé en 1780 par le Roi de France pour soutenir les insurgés américains contre le Couronne anglaise ne comptait pas plus de 8000 hommes, très isolés dans une contrée très majoritairement protestante et anglophone.

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