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Le projet de Traité Constitutionnel

lundi 19 avril 2004

La Partie I est vouée à l’architecture constitutionnelle de l’Union européenne. Elle comporte neuf titres définissant les objectifs de l’Union, ses compétences ainsi que ses institutions mais également les droits fondamentaux du citoyen européen. Ce projet de Traité distingue les compétences exclusives de l’Union -telles que la politique monétaire et commerciale ainsi que l’union douanière et la conservation des ressources biologiques de la mer-, des compétences partagées -comme le marché intérieur, l’espace de liberté de sécurité et de justice ainsi que l’agriculture, la pêche, la politique sociale, le transport, l’énergie, la cohésion économique, sociale et territoriale, l’environnement et la protection des consommateurs- et des compétences complémentaires –telles que l’industrie, la protection de la santé, l’éducation, la formation professionnelle, la culture ainsi que la protection civile. La réforme des institutions, l’exercice des compétences citées auparavant, la vie démocratique de l’Union, ses finances, ses relations avec son entourage proche et les conditions d’appartenance sont envisagées dans cette première partie.

La Partie II intègre la Charte des droits fondamentaux, se basant sur les textes en vigueur dans les pays-membres ainsi que sur des textes européens, tels que la Convention européenne des droits de l’Homme de 1951 et la Charte sociale européenne de 1989, et internationaux. La Partie III rassemble les dispositions relatives aux politiques de l’Union et fonctionnement des institutions. La Partie IV énonce les clauses générales et finales du Traité constitutionnel. Elle dispose que le Traité ne pourra entrer en vigueur qu’une fois ratifié par l’ensemble des Etats membres.

A l’instar du Traité de Bruxelles en 1948, de l’Organisation Européenne de Coopération Economique fondée en 1948 -afin de distribuer à quelques seize pays européens l’aide américaine du plan Marshall visant à accélérer leur reconstruction-, de la création du Conseil de l’Europe en 1949, du Traité instituant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier en 1951, de l’échec du plan Pleven, davantage connu sous le nom de Communauté Européenne de Défense, en 1954, du Traité de Rome, qui a, en 1957, institué à la fois et la Communauté Européenne de l’Energie Atomique et la Communauté Economique Européenne, de la Politique Agricole Commune en 1962, du Système Monétaire Européen en 1979, de l’Acte Unique en 1986, ainsi que du Traité de Maastricht en 1992 ; la ratification de ce projet de Traité constitutionnel représente une étape supplémentaire dans le processus de construction de l’Union européenne. Il y a cinquante ans, le 30 août 1954 précisément, Pierre-Mendès France, alors Président du Conseil, liquidait les espoirs d’intégration politique des pays d’Europe, au sein d’une Europe fédérale, en faisant voter par le Parlement, clairement hostile à un réarmement de l’Allemagne ainsi qu’à une Europe supranationale, le Traité de C.E.D., pourtant signé à Paris le 27 mai 1952. Je pense que voter non à un -sinon probable du moins- potentiel référendum sur ce projet de Traité constitutionnel reviendrait à faire la même erreur que Pierre-Mendès France. L’actuel projet de Traité constitutionnel, loin d’organiser une Europe fédérale, marque une étape vers le fédéralisme. Car la règle de l’unanimité y a, hélas, souvent le primat, car la procédure de révision du Traité semble, malheureusement, être d’une lourdeur déconcertante, ce projet est, à l’évidence, imparfait. Mais ce Traité permet de progresser sur la voie du contrôle démocratique avec, notamment, l’extension des pouvoirs du Parlement européen. Ce Traité constitutionnel apporte, d’autre part, une personnalité juridique à l’Union. Par ailleurs, avec la Charte des droits fondamentaux, sont intégrés des objectifs sociaux. Ce Traité favorise, de surcroît, l’élaboration d’une politique européenne commune en matière d’affaires étrangères ainsi que de défense. Ce Traité permet, en outre, de donner un visage à l’Europe avec le président stabilisé du Conseil européen ainsi qu’avec le ministre des affaires étrangères.

Vouloir interrompre si brutalement la construction européenne au nom d’une prétendue Europe sociale me semble être très dangereux. On remarque aisément l’alliance objective entre la gauche française –les autres gauches européennes étant, dans l’ensemble, favorables à ce Traité (sans doute l’expression de l’exception française…)- et les souverainistes, eurosceptiques par nature, contre ce projet de Traité constitutionnel. La construction de l’Union Européenne a du mal à transcender les égoïsmes nationaux. Il est, par exemple, très burlesque et cocasse d’entendre Madame Marie-George Buffet, affirmant que « l’Europe était une belle idée » avant ce projet de Traité constitutionnel. L’étude sérieuse et rigoureuse de l’histoire de la construction européenne démontre pourtant que les communistes français s’y sont toujours opposés. Le plus pertinent parangon en étant le vote négatif du Traité devant instituer la C.E.D. en 1954. En ce qui concerne l’extrême gauche ainsi que le PCF, il ne s’agit que d’un simple « retour d’âge ». Le Parti Socialiste, « mené » par le très transparent François Hollande, se trouve dans une situation fort ambiguë et prêt à renier le, pourtant prestigieux, héritage pro-européen légué par Jean Monnet, François Mitterrand ou Jacques Delors. Certains courageux -tels que Dominique Strauss-Kahn, Michel Rocard, Jack Lang, Elisabeth Guigou, Pierre Moskovici- ont, néanmoins, osé adopter une position favorable à ce Traité constitutionnel. Il est intéressant, à bien des égards, de bien saisir l’ampleur de l’isolement du Parti Socialiste en Europe. Les exemples sont nombreux mais le plus frappant est le suivant. Lors de la campagne des élections européennes, François Hollande, qui avait invité Zapatero à Toulouse le 9 juin dernier, a fait semblant de ne pas comprendre le refus du premier ministre espagnol, plein de discernement d’ailleurs, de se rallier à la charte pour l’Europe sociale que lui proposait son cher « amigo François ». Autre illustration frappante : la politique des Gouvernements de Jean-Pierre Raffarin semble étrangement proche –parfois même moins audacieuse- de celles menées par la gauche social-démocrate au Royaume-Uni, en Espagne ou en Allemagne. C’est dire la solitude et l’archaïsme des socialistes français –critiquant sans relâche Raffarin sans pour autant proposer un projet social crédible et alternatif- en Europe… La gauche hexagonale renie donc l’héritage de ses plus illustres et prestigieux chantres. Elle finit par rejoindre la droite souverainiste dans son rejet du Traité constitutionnel et d’abandons de souveraineté. A force de sectarisme et d’idées déconnectées de la réalité du vingt-et-unième siècle, le Parti Socialiste risque de freiner dangereusement la suite du long processus de construction européenne. A force de jouer les Cassandres, le Parti Socialiste risque de renier ses vues fédéralistes –qu’il n’est, d’ailleurs, pas le seul à préconiser- et de s’isoler encore davantage des autres gauches européennes.

Pour rendre l’Union Européenne davantage efficace qu’elle ne l’est aujourd’hui, il semble, en définitive, opportun de répondre favorablement à ce projet de Traité constitutionnel. Mais loin de s’en satisfaire et de le considérer comme une fin, des changements ultérieurs seront nécessaires pour s’engager durablement sur le chemin d’une Union fédérale. C’est pourquoi il convient de doter l’Union d’une Constitution –et non plus d’un Traité constitutionnel- approuvée directement par une majorité de citoyens européens.

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