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Monnaie et banque - théorie de la banque libre

mardi 22 avril 2008

2éme partie Théorie de la banque libre

I) Les système bancaire centralisé

A) Du monopole monétaire

1) Développement et rôle

La banque centrale a pour rôle l’émission discrétionnaire de monnaie et la régulation directe ou indirecte de la quantité et du coût du crédit grâce à sa fonction de prêteur en dernier ressort. La mission essentielle de la banque centrale est d’assurer la stabilité monétaire et de veiller à sa compatibilité avec la croissance économique. Elément central du système bancaire, elle en règle la liquidité, joue le rôle de compensation entre les banques et de correspondant des banques centrales étrangères. Il est cependant à noter que la création de la banque centrale n’est pas une évolution normale du système bancaire. En effet, la création de cette institution est due au monopole, total ou partiel, de l’émission de billets.

En nous penchant sur l’histoire de la banque centrale, nous avons trouvé que les premières furent fondées pour des raisons politiques liées aux besoins financiers de l’état (Angleterre (1694) ; France (1803)). Il faut maintenant essayer de trouver une raison économique à ces institutions.

"Une banque centrale n’est pas un produit naturel du développement des banques. Elle est imposée de façon exogène où est le résultat des préférences du gouvernement". The Rationale of Central Banking, V. Smith.

Ce fait a des effets importants pour l’ensemble du système monétaire et structurel du crédit. La création de la banque centrale avec l’aide du gouvernement permet à la banque centrale en cas de mauvaise gestion et de crise de se retourner vers l’état. Si une banque centrale outrepasse ses droits, elle était obligée (dans un système d’étalon or) de suspendre le remboursement en or des billets et de sortir du système d’étalon or. Par conséquent, ses billets ont un cours forcé.

Après la crise de 1929, la banque centrale élargie ses zones d’influences, qui étaient jusqu’alors limitées à la surveillance de la quantité de billets émis, à la sauvegarde de la convertibilité avec l’étalon or et à une participation active au crédit.

Aujourd’hui, le rôle essentiel des banques centrales consiste à essayer de concilier un haut niveau de production et d’emploi dans l’économie avec la stabilité des prix, la sauvegarde de l’équilibre de la balance des paiements avec le reste du monde, le maintien de la valeur de la monnaie nationale sur le marché des changes.

Afin d’atteindre de ces objectifs, elle possède de nombreux moyens d’action. Tout d’abord, les opérations "d’open market" qui consistent essentiellement en l’achat et la vente de titres. L’achat de titres par la banque centrale injecte de la monnaie dans l’économie et "détend le marché". La vente de titres, au contraire, diminue les liquidités des banques de second rang et augmente le coût du crédit.

Les autres moyens d’action sur les crédits des banques sont ceux réalisés par l’intermédiaire de l’escompte, du réescompte ou de la mise en pension des titres, qui consistent en des avances à court terme consenties aux banques pour leur permettre de faire face à leur besoins saisonniers ou temporaires de liquidités ; dans le cas des mises en pension, les banques se voient accordées de la monnaie en échange d’effets de commerce ou d’obligations d’état. La modification du taux de l’escompte peut ainsi tour à tour élargir (diminution du taux de l’escompte) ou resserrer le crédit (augmentation du taux de l’escompte), c’est à dire d’accélérer ou de ralentir l’activité économique.

2) Pourquoi la banque centrale ?

Selon C. Goodhart, le privilège légal de la banque centrale comme banquier de l’état et/ou de l’émission de billets se traduit naturellement par un plus haut degré de centralisation des réserves, la banque centrale devenant ainsi le banquier des banques. C’est cette position particulière, qui a amené les banques centrales à développer leur gestion discrétionnaire de la masse monétaire et une aide généralisée et une responsabilité sur le système bancaire entier. Cette gestion a deux conséquences : une fonction macro-économique sur le niveau monétaire et une fonction micro-économique sur la qualité des différentes banques du système.

La fonction micro-économique de la banque centrale en tant que fournisseur de liquidité (ou de réserve) et par conséquent un certain degré d’assurance et de surveillance du système, ne peut, selon ses adhérents, être fourni dans un système concurrentiel par une banque.

En effet, dans un système concurrentiel, les faillites de certaines banques sont inévitables comme tout secteur industriel. Ainsi les particuliers et les entreprises en possession de billets de la banque liquidée connaîtront donc des pertes. On peut donc penser qu’une importante partie de ses billets sera détenue par des agents ignorants ou en position faible qui ne pourront les refuser plutôt que par ceux, mieux informés ou en situation dominante, qui auront la possibilité de refuser ses billets du fait de leur doutes sur la situation réelle de la banque. Il y aura donc une discrimination dans la société, entre ceux possédant des billets fiables et ceux détenant des billets douteux. Alors, l’état par l’intermédiaire de la banque centrale doit intervenir et protéger les détenteurs de billets douteux en monopolisant l’émission de billets. Cet argument n’est certainement pas économique mais plutôt politique (en effet l’enlever poserait des problèmes politiques) et comme nous pouvons le pressentir cette situation laisse peser, maintenant, sur l’ensemble de la société (et non sur quelques détenteurs comme auparavant) une possibilité de faillite généralisée.

En outre, s’il y a une banque centrale, elle peut augmenter la quantité de monnaie arbitrairement du fait que les individus ont une plus grande confiance en cette banque en raison de l’intervention de l’état et ce tant que les agents acceptent sans question les billets. La banque centrale agissant comme un prêteur en dernier ressort permet de limiter les effets de la crise sur les banques. Mises démontre que si la banque centrale vient en aide au système bancaire à chaque difficulté, l’anticipation des banques de cette aide leur fera prendre plus de risques(hasard moral) et donc se traduira plus facilement par une crise. Il semble cependant que cet argument soit le plus fort puisque en cas de crise due à l’expansion de la prise de risque de certaines banques, les banques "conservatrices" selon le terme de Vera C. Smith c’est à dire qui prennent moins de risques subiront des pertes. Néanmoins comme nous le verrons plus loin, l’existence de crises monétaires est quasiment nulle dans un système de banque libre qui est autorégulateur.

Aujourd’hui la fonction macro-économique de la banque centrale consiste en la gestion de la politique monétaire. Le principal objectif de cette fonction est de maintenir la confiance c’est à dire la "réputation" de la monnaie nationale. La banque centrale doit donc poursuivre une politique monétaire "rationnelle" et ceci tout en cherchant à préserver le niveau d’activité économique.

B) Une critique radicale du centralisme monétaire

Nous avons déjà traité la question de la politique monétaire dans la première partie. Il nous sembler donc plus à propos de nous concentrer ici sur un autre type de critique : l’information, le système de prix et la coordination des actions face au centralisme monétaire.

1) Les bases théoriques

La gestion des ressources est complexe du fait que l’information pertinente est rare et surtout dispersé. L’échange permet dans une économie décentralisée d’engendrer l’ordre spontané où les anticipations des individus sont satisfaites sans qu’il soit dans l’intention des participants de ce marché de réaliser une telle coordination des anticipations individuelles. "Ce n’est pas de l’altruisme du boucher, du brasseur ou du boulanger, que nous attendons notre repas, mais de l’attention qu’ils accordent à leur propre intérêt. Nous nous intéressons non pas à leur sentiment d’humanité, mais à leur égoïsme et on ne leur parle jamais de nos besoins mais des avantages qu’on va leur procurer" La richesse des nations, A. Smith

Ainsi, la maîtrise de l’information dans son rôle de gestion des ressources est un problème non seulement de masse d’information pertinente mais aussi de forme de répartition de cette information.

Le problème majeur de l’information est donc de rendre compatible les actions des individus sachant que les objectifs qu’ils poursuivent leurs préférences et leurs ressources initiales ne sont connus que d’eux seuls. L’information n’est pas disponible ex nihilo et les coûts pour la trouver sont souvent importants car il existe des incitations très fortes à ne pas révéler l’information indispensable. De plus, la détermination du prix qui rend compatible les anticipations individuelles par un mécanisme d’échange volontaire provient de la rivalité entre offreurs et demandeurs.

Nous venons de voir succinctement comment se détermine un prix : dans ce processus, le prix signale où doivent aller les ressources, incite les individus en rémunérant leurs efforts s’ils sont perspicaces et enfin mobilise les informations dispersées chez les différents acteurs économiques, au moindre coût. En réalité, le système de prix joue un rôle de signalisation. Quand les prix augmentent, le système signale aux acteurs économiques la direction vers laquelle ils doivent allouer leurs ressources.

"Imaginons qu’une nouvelle façon d’utiliser l’étain apparaisse quelque part dans le monde, ou bien encore que l’une de ces ressources ait disparu. Il n’est pas important pour notre étude et il est nécessaire qu’il ne le soit pas, de savoir pour laquelle de ces deux raisons, l’étain est devenu plus rare. La seule chose que doivent savoir les utilisateurs d’étain est qu’une partie de l’étain qu’ils consommaient auparavant est maintenant employée ailleurs d’une façon qui lui donne d’avantage de valeur marchande et qu’ils doivent limiter leur consommation en conséquence. Pour la plupart d’entre eux, il ne sert à rien de savoir où cette demande plus pressante est apparue, ni même au profit de quelles autres utilisations leur consommation doit être restreinte" The use of knowledge in society, Hayek

La hausse des prix indique aux consommateurs que ce bien est de plus en plus rare et qu’ils peuvent économiser leurs ressources en se détournant de ce bien rare pour un substitut moins cher. Il signale de même aux producteurs qu’il existe une opportunité de profit à exploiter en réallouant des ressources préalablement consacrées à d’autres fins vers la production du bien rare. Ils se laissent guider simplement par les prix.

Une gestion efficace des ressources dépend aussi d’une anticipation correcte du futur .Il est donc possible du fait de l’incertitude radicale du futur que des décisions soient erronées et que certains projets soient non rentables.

La conséquence des pertes et des profits sera de conduire systématiquement le marché vers une meilleure situation. En stimulant la révision vers une meilleure coordination générale des décisions mal ajustées à l’origine, les calculs économiques basés sur les prix de marché fonctionnent comme des outils de gestion prévisionnelle.

Les indicateurs de prix sont aussi des "suppléants" d’information car ils compensent une information indispensable et indisponible au moment où on en a besoin.

La coordination des plans individuels est-elle réalisable dans une économie planifiée ? Mises a conclu dans "Economic calculation in the socialist commonwealth" à l’impossibilité d’un calcul économique dans une économie planifiée. Les économistes O.Lange, Lerner et H.Dickinson ont tenté de développer un contre modèle avec commissaire priseur : il suffirait de simuler le marché grâce à un système de prix "paramétrique" fixé par une administration centrale et corrigé par une procédure de tâtonnement pour éliminer les excès d’offre par rapport à la demande (et inversement) et atteindre l’efficience économique.

Pourquoi ne peut-on pas simuler le marché ?

Pour Hayek, il faut savoir quand réviser les prix, quels sont les biens pris en compte par le système de prix et pourquoi ceux-là, quels sont les biens soumis à des excès d’offre sur la demande (ou inversement) et qui contrôlent et sanctionnent le planificateur en cas d’erreur.

En fait, "l’échec de la procédure de tâtonnement est lié d’une part au fait que l’information de lieu, de circonstance et de temps est disponible immédiatement au niveau local, alors qu’elle ne peut pas l’être au niveau central et d’autre part au fait que ceux qui détiennent cette information locale peuvent agir pour en tirer un profit trompant ainsi les anticipations ou les informations qui remontent à l’autorité centrale" Micro-économie, théorie et application, B. Lemennicier.

2) Application à la banque centrale

a) La gestion de la masse monétaire

La gestion de la masse monétaire est comparable à la gestion d’autres ressources. La demande de monnaie ne peut être connue à l’avance par une institution : une spéculation (anticipation) est nécessaire pour l’estimer. Les coûts de production de la monnaie sont pour l’essentiel fixes (ou varient très peu avec la quantité) et plutôt faibles. S’il fallait que le coût marginal (Cm) soit égal au rendement marginal (Rm) comme limite de production de monnaie, cela se traduirait par une forte chute du pouvoir d’achat de la monnaie, c’est à dire que si la monnaie n’a aucune utilité et un coût nul, elle n’a aucune valeur. Il s’en suit qu’il faut utiliser d’autres moyens pour limiter la surémission de monnaie.

De plus, une offre de monnaie importante se traduit par un désastre économique. En effet, les demandes et les offres sur les autres marchés s’en trouvent modifier, c’est à dire que le système de prix est changé : le caractère massif des conséquences d’un déséquilibre monétaire fait perdre de leurs pertinences à l’ensemble des calculs économiques. Le déséquilibre monétaire empêche "le système des prix de fonctionner à sa manière normale et bénéfique comme l’aide à la décision des chefs d’entreprises : si l’industrie de la production de monnaie fonctionne mal, alors le reste du système économique ne peut pas bien fonctionner aussi." Théorie de la banque libre ,G. Selgin.

Si le système des prix est plus efficace comme moyen de gestion des ressources ,alors qu’en est-il pour la monnaie ?

La solution du marché réside certainement dans le mécanisme de la compensation. Celui-ci engendre des flux de débits et de crédits qui suivent de peu la surémission ou sousémission de monnaie par les banques et ainsi les banques ajustent leur offre à la demande. Quand l’offre est un monopole, le mécanisme de compensation cesse de jouer son rôle de régulateur efficace et ne permet plus d’ajuster l’offre de monnaie aux préférences des clients. C’est pour cela, qu’il est nécessaire, de définir une politique monétaire. Mais les "règles monétaires" sont-elles meilleures que les informations obtenues d’un système de banque libre ?

b) La stabilité des prix

Nous n’analyserons ici que la principale règle monétaire appliquée par les banques centrales aujourd’hui, c’est à dire la stabilité des prix.

Un premier problème surgit : comment établir un indice de prix fiable. Il faut d’abord choisir les biens et services qui seront intégrés dans l’indice. Ensuite, Mises en 1978 montre que deux autres faiblesses ressortent de cet indice des prix ; le premier consiste dans le choix de la mesure d’un "trend" (tendance) qui permettrait d’agréger l’ensemble des prix en une unique valeur ; en ce qui concerne le second, il consiste à donner une pondération à chaque prix des biens et services.

Ses problèmes pratiques sont plus importants que nous pourrions le croire. En effet, l’établissement d’un indice des prix ne serait être juste et chaque indice conduit à une variation des prix unique. Quel est le bon indice des prix ?

Or, si le problème pratique est résolu, un autre problème apparaît : il est plus que probable que l’indice doit varier dans le temps et non pas rester stable. Par exemple, quand le volume de production réel varie, la seule façon d’éviter l’apparition dans le système des prix de "faux" indicateurs de profit permettant l’équilibre sur le marché des biens et services est une baisse des prix. Un indice de prix ne permet pas en lui même de savoir si les variations de prix relatifs reflètent des modifications dans les conditions de production ou si elles sont la conséquence d’un déséquilibre monétaire.

Supposons que le progrès technique permette une augmentation de la production par tête toutes choses égales par ailleurs. Dans ce cas, il faudrait baisser les prix des biens et des services pour traduire la meilleure productivité des travailleurs. Ainsi, la masse monétaire étant constante, la demande nominale de monnaie (et donc de biens et de services) reste la même qu’avant, l’accroissement de la production et cette demande permettra d’égaliser l’offre globale à la demande globale à condition que les prix de vente des biens soient inférieurs à ce qu’ils étaient avant l’accroissement de la production.

C’est pourquoi, quand le prix de revient unitaire réel d’un bien diminue, son prix de vente devrait suivre la même évolution pour ne pas fournir de mauvaises informations aux entrepreneurs (et donc engendrer des cycles). Si l’on augmente la masse monétaire tel que la plus grande partie des biens et de services n’entraîne pas de baisse du niveau général des prix alors les producteurs pourraient avoir des revenus (et donc des profits) supérieurs à leurs dépenses (en valeur nominale) : de faux indicateurs de profits apparaîtraient se traduisant par de nouveaux investissement. Pour Haberler, "les chefs d’entreprise seraient encouragés à aller de l’avant pour deux raisons ,la première étant que les coûts ont diminué sans que les recettes ne baissent et la deuxième que les taux intérêt faussés à la baisse par l’accroissement du volume monétaire permettent de faire des investissements excessifs"

"Imaginons que dans un secteur précis de l’industrie, à la suite d’une amélioration technique, et avec des coûts par ailleurs constants, la production augmente de 10 %, ce qui correspond à une réduction des coûts moyens de 10%. Si la demande s’accroît précisément du même montant, les autres prix étant constants, le prix du produit chutera de 10%, et la situation économique ne sera pas autrement modifiée. Si toutefois, l’effet de cette baisse des prix est compensé par un accroissement du volume monétaire [...] un pouvoir d’achat supplémentaire aura été crée et il produit exactement les même effets que l’inflation" G. Haberler, in La théorie de la banque libre, G. Selgin

Une injection de monnaie se traduit toujours par un déséquilibre, qu’elle conduise à une inflation absolue (augmentation des prix) ou relative (prix stables alors qu’ils auraient dû baisser). L’inflation relative ne se traduit pas par une augmentation des prix des biens de consommation mais par une augmentation des prix des facteurs de production (après qu’ils aient baissé). Par conséquent, le processus d’ajustement devrait suivre la séquence suivante : l’augmentation du progrès technique entraîne un accroissement de la production puis une baisse des prix. En revanche, dans un système de banque libre, les prix tendent à varier "sans douleur" et seulement si les modifications de structure de production sont dues à des conditions réelles. Les banques libres empêchent des variations déséquilibrées des prix monétaires.

II) La banque libre

Nous avons vu que la banque centrale ne permet pas de donner de solutions acceptables aux problèmes soulevés par les autrichiens : au contraire, elle pourrait les intensifier. Nous avons aussi parfois fait des allusions à la banque libre. Il nous faut ici approfondir cette notion. Cette analyse ne fera pas ou peu de références historique du fait que notre but est d’étudier la banque libre dans un monde autrichien. Cependant, ce système a existé en Ecosse, France ou Nouvelle Angleterre (Etats Unis) durant le XIX ème siècle.

Le problème qui se pose ici est : comment définir une banque libre ?

"Free Banking denotes a regime where note-issuing banks are allowed to set up in the same way as any other type of business enterprise, so long as they comply with general company law." The Rationale of Central Banking, V. Smith.

"la liberté bancaire signifie la liberté d’établissement dans la profession et le droit d’émettre des billets de banque sans restriction légale. Il [Coquelin] précise quatre domaines dans lesquels il croyait essentiel de permettre aux banques la liberté de fonctionner selon les besoins du marché. Les banques doivent avoir l’autorisation d’émettre des billets et d’offrir à leur clients des comptes de dépôts rémunérés. Deuxièmement, tout citoyen ou société privée devrait avoir la possibilité d’obtenir le taux d’intérêt le plus grand possible. [Coquelin recommande que] les actionnaires actuels et potentiels aient la liberté d’augmenter les capitaux propres à volonté et que les actionnaires soient autorisés à contracter les statuts de leurs choix" La libre concurrence bancaire chez les économistes français du XIXème siècle, P. Nataf

Il n’y a donc pas besoin d’une autorisation spéciale de l’état pour créer une banque : il suffit qu’elle possède des capitaux, gagne la confiance du public afin de pouvoir émettre des billets et faire des profits pour survivre et se développer comme toute autre entreprise. Ainsi les banques auraient les mêmes droits et responsabilités que toute autre entreprise. Si elles ne peuvent plus faire face à leurs obligations, alors elles font faillites et sont liquidées : les actifs seront utilisés pour répondre aux dettes de la banque et leur actionnaires perdent une partie de leur capital ou toute leur mise de départ. Finalement, l’émission de billets sera dans un tel système "promise to pay" (où paiement est fait sur présentation) ce qui se traduit par l’existence d’un intermédiaire des échanges qui devrait être l’or.

A) La "commodity money"

Pourquoi la monnaie-marchandise (et non de la monnaie-papier, "fiat money") serait à la base du système monétaire ? Pourquoi l’or plutôt qu’une combinaison de biens ? Nous allons ici nous concentrer sur ces questions. Pour pouvoir penser en terme de dollars, franc français, il faut supposer que se sont des entités en elle-même. Sinon, la fixation des prix de l’or en terme de francs français devient une intervention de l’état.

En effet, dans une économie monétaire, un producteur offre des biens ou services contre de la monnaie et demande de la monnaie contre les autres biens et services dont il a besoin. Plaçons nous maintenant dans un monde de "Laissez-faire" c’est à dire où le gouvernement n’intervient pas dans la sphère monétaire. Ainsi, dans un tel monde, le processus suivrait la séquence : production de biens, puis achat de monnaie puis vente de monnaie (contre des biens et services). Si tout individu avait le droit de produire des francs français, alors tout le monde en imprimerait énormément, étant donné que les coûts sont négligeables par rapport à la valeur faciale de la dite monnaie. Ainsi l’ensemble du système monétaire et par ailleurs toute l’économie s’effondrerait. Par conséquent, si le papier-monnaie est le type de monnaie "standard", alors presque tout le monde comprend et admet que le gouvernement doit agir et imposer un cadre institutionnel à la création et la production de monnaie (c’est le système de banque centrale).

De plus, M. Rothbard démontre qu’il y a une autre erreur à propos de la production de ses propres papiers-monnaies : "For then the chain from production of goods through "purchase" of money to "sale" of money for goods would be broken and anyone could create money without having to be a producer first. He could consume without producing, and thus seize the output of the economy from the genuine producers " The case for a 100 per cent gold dollar, M. Rothbard .

En effet, si la monnaie était du "fiat money" et signifie un dollar, un franc français, une livre sterling etc., il y aurait certes un problème. Mais dans un marché libre, la monnaie n’est pas et ne peut signifier des noms de billets. La monnaie est une certaine marchandise, précédemment utilisée dans d’autres domaines, choisie par le marché : c’est un bien utile (et commercialisé) pour servir comme moyen d’échange.

"No one prints dollar on the purely free Market because, there are, in fact, no dollar". The case for a 100 per cent gold dollar, M. Rothbard.

Il n’y a que des biens et services et de la monnaie marchandise. Pourquoi l’or (et l’argent) ont-ils étaient choisi ? La sélection par le marché de l’or comme moyen d’échange est due à son homogénéité, sa résistance au temps, son identification et sa commercialisation fiable etc.

Tant que la demande d’or est grande et son offre est faible (par rapport à la demande) la valeur de l’or est importante ce qui est une caractéristique primordiale de la monnaie. Ce fait, en plus de sa qualité de résistance aux conséquences du temps, se traduit par une offre annuelle supplémentaire négligeable par rapport à la quantité totale d’or. Lors d’un troc, les marchandises étaient échangées en unité ou en poids : c’était le cas de l’or. Par conséquent, sur le marché libre, l’unité monétaire émerge naturellement comme une unité de poids.

Ainsi personne ne peut créer de la monnaie sans acheter des biens et des services d’autres producteurs : la monnaie ne peut être obtenue seulement qu’en vendant des biens et des services à d’autres individus. Il n’y a que les mineurs (producteurs d’or) qui peuvent produire de la monnaie. Mais ils doivent investir afin de trouver, d’exploiter la mine d’or et une partie de la production sera utilisée pour d’autres choses (bijouterie etc.).

Si je décidais de produire ma propre monnaie, qu’imprimerai-je ? "I might manufacture a paper ticket, and print upon it "10 Rothbards". I could then proclaim the ticket as "money" and enter a store to purchase groceries with my embossed Rothbards [...] And what would be the inevitable consequence ? Obviously that no one would pay attention to Rothbalrds, which would be properly treated as a joke" The case for a 100 per cent gold dollar, M. Rothbard.

Pour conclure, le franc français, le dollar ou tout autre monnaie qui ont émergé ne sont que des unités de poids d’une monnaie marchandise (or, argent ou autre )

B)Le fonctionnement d’un système de banque libre

Il nous faut maintenant analyser le problème de la coexistence de nombreuses banques indépendante (c’est à dire que chaque banque suit sa propre logique (intérêt ) et n’agit pas de concert avec les autres (cartels)). Il n’existe donc pas dans ce système de monopole (de facto) d’une banque sur l’ensemble des agents de la société. Pour citer Mises, "ce que nous voulons montrer est que pour une telle multiplicité de banques indépendantes qui coexistent, les limites (d’émission d’instrument fiduciaire) sont encore plus étroites que celles tracées par une banque unique à la clientèle totale". L’action humaine, Mises.

1) La compensation

Supposons que l’émission d’instruments fiduciaires ait déjà eu lieu et que tous ses effets sur la structure de production et de prix soient totalement "digérés". De plus, supposons qu’une banque se mette à émettre un surplus d’instruments fiduciaires, tandis que les autres restent "conservatrices". Les nouvelles facilités de crédits offertes par la banque surémettrice à ses clients, accroissent leurs consommations :les clients qui demandent plus de biens et de services poussent les prix de ces derniers à la hausse.

Ainsi, les autres individus de l’économie, qui ne sont pas clients de cette banque, sont obligés de diminuer leur consommation du fait de la hausse des prix. C’est alors que se produit un transfert "forcé" des biens et services sur le marché des non-clients vers les clients de la banque expansionniste. Mais les instruments fiduciaires ne sont pas reconnus comme substituts monétaires par les non-clients de la banque. Afin de régler leur achats, les clients doivent alors échanger leurs instruments fiduciaires contre de la monnaie auprès de leur banque : cette dernière doit racheter ses billets et débourser de la monnaie (or) et par conséquent les réserves de la banque expansionniste diminuent.

" Le moment approche où les banques ayant épuisé ses réserves de monnaie, ne sera plus en mesure de racheter les substituts monétaires encore en circulation. Afin d’éviter cette mise en cessation de paiement, elle doit le plus tôt possible en revenir à une politique de renforcement de ses réserves de monnaie. Elle doit abandonner ses méthodes expansionnistes". L’action humaine, Mises

Une banque ne peut donc jamais émettre plus de substituts monétaires que ses clients désirent. Les clients gardent en général (au maximum) en encaisse une quantité d’instruments fiduciaires, acceptés comme substituts monétaires par les clients de la même banque, proportionnelle à ses échanges avec les autres clients de la même banque. En général, il restera largement en deçà de ce maximum : c’est une contrainte forte à l’émission d’instruments fiduciaires.

Même en enlevant l’hypothèse restrictive précédente, le processus de compensation adverse joue. Si les individus acceptent les billets et les chèques tirés sur n’importe quelle banque alors la concurrence bancaire limite la surémission de billets. Le vendeur obtient en contrepartie de sa vente un chèque ou des billets du client de la banque concurrente et ensuite il dépose rapidement (généralement dans la journée) à sa propre banque les billets ou chèques des banques dont il n’est pas lui même client. Par la suite, sa banque directement, ou plus sûrement par l’intermédiaire d’une chambre de compensation, règle ses comptes avec les banque concurrentes débitrices dans la journée. Ainsi le processus précédent se reproduit.

"Toutes les banques seront toujours fortement tentées d’essayer d’accroître la circulation de leur monnaie en prêtant à un taux moins élevé que les banques concurrentes ; mais elles découvriront vite que, dans la mesure où les prêts supplémentaires ne sont pas issus d’une augmentation correspondante de l’épargne, de telles tentatives entraîneront forcément un phénomène de "boomerang" qui portera préjudice aux même qui avaient voulu croître plus vite au départ". Denationalisation of money, Hayek

"De plus, si une banque devait émettre trop de billets, le processus de compensation quotidien imposerait rapidement soit ses propres limites soit la faillite de l’émetteur". La libre concurrence bancaire chez les économistes français du XIXème siècle, P. Nataf

2) le rôle des réserves et de la confiance

Il y a souvent une incompréhension de la fonction des réserves : généralement on pense que le rôle des réserves est de fournir des moyens à la banque de racheter des billets aux clients qui n’ont plus confiance dans la banque. En réalité, il n’y a pas de dichotomie : la confiance en la banque et ses substituts monétaires ne fait qu’un. Par conséquent, soit tous les clients ont confiance soit elle s’évanouit complètement." Aucune banque qui émet des instruments fiduciaires et accorde des crédits de circulation ne peut remplir les obligations qu’elle a assumé en émettant des substituts de monnaie si tous les clients perdent confiance et demandent que leur billets soient rachetés et leur dépôts en compte remboursés." L’action humaine, Mises.

Selon Mises, c’est un fait voire une faiblesse essentielle de la production d’instruments fiduciaires. Ainsi, aucun système de réserves obligatoires imposées par la loi ne peut être une solution à cette réalité. Au plus, continue-t-il, les réserves permettent à une banque surémettrice de monnaie d’annuler une partie des instruments fiduciaires qu’elles a émis. C’est pourquoi la solution des réserves obligatoires a été plus ou moins efficace pour limiter l’augmentation de l’émission de "fausse" monnaie et de sa contrepartie, le crédit de circulation. Par contre, elles ont été inefficaces et inutiles dans le cadre de la garantie du remboursement rapide des billets et dépôts en cas de perte de confiance.

3) La question de l’escroquerie et des billets douteux

Beaucoup d’articles et autres ont été écrits à propos d’une certaine tendance "vicieuse" du public à accepter plutôt des billets douteux que des billets dignes de confiances .En autre l’une des lois d’économie les plus connues, la loin de Gresham, "la mauvaise monnaie chasse la bonne monnaie" y fait référence (en fait cette loi peut être "interprétée comme la loi générale de l’interventionnisme : lorsque les hommes de l’état imposent un prix inférieur au prix d’équilibre, ils provoquent des pénuries sur le marché". La vérité sur la Monnaie, P. Salin).

En réalité, les billets de banques ont toujours été considérés avec méfiance par les individus. Ce sont les lois et réglementations de l’état qui ont lentement fait disparaître cet état des choses (qui correspond à une certaine prévention de tout risque). De plus, l’argument qui consiste a demandé l’intervention de l’état du fait que les billets de faibles montants et/ou de mauvaises qualités est plus que proportionnellement utilise par les pauvres et les ignorants (comme on l’a vue précédemment) est une erreur. En effet, plus un individu est ignorant et/ou pauvre, plus vite il dépensera (se débarrassera) le billet reçu qui retournera ainsi rapidement à la banque émettrice soit directement, soit indirectement par le système de compensation.

Il est assez facile pour une banque d’augmenter le nombre d’individus prêts à accepter ses substituts monétaires. Cependant, il est clairement plus dure d’accroître sa part de marché c’est a dire le nombre de ses clients. Accroître sa clientèle, nous dit-Mises, c’est à dire le nombre d’individus qui acceptent les créances de la banque comme substituts monétaires et qu’ils conservent, est un long et âpre travail comme l’acquisition d’une bonne renommée (et par conséquent confiance) pour n’importe quelle entreprise. Par contre, une banque peut perdre la plupart de ses clients très rapidement.

Par conséquent, si une banque veut conserver et surtout accroître sa clientèle, elle ne doit en aucun cas montrer la moindre faille dans sa capacité et rapidité à tenir ses engagements contractuels. Voila donc la raison de l’existence de réserves. La banque doit garder une réserve en fonction du montant total de substituts monétaires c’est à dire le total d’instruments fiduciaires et de certificats de monnaie.

Le souci du banquier de sa propre rentabilité le force donc à limiter radicalement l’émission de monnaie (instruments) fiduciaire. Les faillites bancaires sont alors une chose normale de l’activité économique (comme pour tout autre secteur), les banques qui ne tiennent pas compte de la surémission d’instruments fiduciaires doivent faire faillites et être liquidés, et ces faillites rendent le public plus méfiant et prudent.

On se réfère souvent à la formule de Tooke lorsqu’on parle de liberté bancaire : "le libre exercice du métier de banquier, c’est le libre exercice de l’escroquerie" ("Free trade in banking is free trade in swindling"). Les individus (et le législateur) pensent que si les banques sont libres d’émettre des billets alors elles les voleront (escroqueront). Pourtant, Mises pense le contraire, la liberté bancaire limite voire supprime en réalité la circulation de billets. Pour cela , Mises cite Cernuschi : "Je crois que ce qu’on appelle liberté bancaire aurait pour résultat la disparition complète des billets de banque en France. Je souhaite donner à tout le monde le droit d’émettre des billets, de sorte que plus personne désormais n’en accepterait". Cernuschi, Contre le billet de Banque in L’action humaine, Mises

En effet, l’accroissement du nombre de billets est due en grande partie à l’intervention de l’état qui pensait (pense encore ?) qu’en augmentant le volume de monnaie fiduciaire il pourrait accroître la richesse de la société (c’est le concept d’argent facile). Mise pense que l’on peut se passer des billets. La monnaie scripturale pouvant à ses yeux remplacer efficacement le rôle des billets. On peut se demander si la future monnaie électronique n’entre pas dans ce cadre.

L’atout le plus précieux d’une banque réside donc dans sa réputation, renommée. Donc, l’existence d’un cartel bancaire (comme le prévoit P. Salin) semble donc impensable dans un monde de laissez-faire. Si une banque de très bonne réputation intégrait ce genre d’association, elle posséderait en elle même les "gènes" de sa propre autodestruction : en effet, l’association de banques de réputations différentes engendrerait la perte de clients par les banques les plus réputées au profit d’autres banques ce qui est contre leurs intérêts.

4) Les banques ont-elles besoin d’un prêteur en dernier ressort ?

L’un des points de vue les plus acceptés aujourd’hui par la plupart des économistes est la nécessité d’un prêteur en dernier ressort afin de contrer et d’aider les banques en cas de crise de liquidité. Nous avons déjà aborder précédemment ce sujet et utiliser l’argument de Mises contre cet état de fait.

Il faut tout d’abord rappeler que le prêteur en dernier ressort n’est pas un produit du libre marché mais plutôt une conséquence de l’imposition du monopole monétaire et de la centralisation hiérarchique du système bancaire. En fait, nous pouvons dire que grâce à ces qualités intrinsèques c’est à dire une faible voire une non-creation de liquidité dans un système de banque libre, la question même d’un prêteur en dernier ressort ne devrait même pas se poser. En effet si la cause de la création de ce moyen d’éviter les crises et autres ruées de liquidités disparaît, les conséquences font de même.

Hayek a établi ce fait en montrant que le monopole d’émission de la monnaie légale de la banque centrale plutôt que la centralisation des réserves des banques de second rang est la raison principale de la dépendance des banques commerciales en terme de liquidité envers la banque centrale.

"The abolition of the government monopoly of the issue of money should involve also the disappearance of central banks [...] The need for such an institution is, however, entirely due to the commercial banks incurring liabilities payable on demand in a unit of currency [...] This, as we shall still to consider, is indeed the chief cause of the wide fluctuations in all economic activity [...] Without central bank’s (or the government’s) monopoly of issuing money, and the legal tender provisions of the law, there would be no justification whatever for the banks to rely for their solvency on the cash to be provided by another body" Denationalisation of money, Hayek.

Pour conclure sur ce point, nous pouvons dire que le monopole d’émission des billets est en même temps, la source de ce pouvoir particulier exercé par les banques centrales et la cause des difficultés que celles-ci sont censées devoir corriger. "Si la Banque d’Angleterre est devenue source de liquidités en dernier ressort, c’est pour la simple raison que le premier ressort si l’on peut dire, à savoir la liberté d’émettre des billets, avait été interdit" La théorie de la banque libre, G. Selgin.

5)Les qualités intrinsèques de la banque libre.

Pour conclure sur les qualités d’un système bancaire libre nous devons comprendre que le reproche de certains (et en particulier des hommes politiques) vis à vis du conservatisme en matière de taux d’intérêt et donc de crédit est en réalité "la règle première et suprême du métier de banquier dans un régime de libre entreprise bancaire". L’action humaine, Mises.

Le fait de placer l’activité bancaire dans le cadre général des lois du commerce comme toute autre entreprise permet d’éviter l’expansion du "circulation credit". C’est la seule méthode praticable afin d’éviter les dangers qu’impliquent l’augmentation des "faux" crédits que nous avons déjà analysée. Nous pouvons penser que la liberté bancaire s’accompagnera de négligeables augmentations temporaires du "circulation credit" tout en empêchant les expansions importantes et continues qui sont devenues le trait caractéristique de nos économies du XXème siècle (avec son pendant : les cycles).

Seule la liberté bancaire rend l’économie inattaquable par les crises et dépressions. L’intervention de l’état dans la sphère économique et bancaire en particulier apparaît donc inutile et surtout comme un échec : " une telle politique est vouée à faire faillite. Tôt ou tard, elle doit aboutir à la catastrophe". L’action humaine, Mises.

Pour résumer "dans un marché bancaire libre, 1) les mauvais billets de banque ne chassent pas les bons, 2) la fausse monnaie ne constitue pas un problème important, 3) les banques ne sont pas intrinsèquement disposées à la surémission et à la suspension des paiements, 4) les banques ne tiendront pas des réserves chroniquement insuffisantes ou excessives, 5) les ruées sur les banques ne sont pas un problème endémique, 6) il n’y a pas un besoin réel d’un prêteur en dernier ressort, 7) pas de réserves pyramidales, ce qui évite de rendre le crédit instable, 8) aucun monopole naturel n’existe dans la production de papier monnaie" Free banking in Britain, L. White traduit dans, le secret de la liberté des banques et de la monnaie, P. Nataf.

CONCLUSION

La théorie autrichienne se devait d’analyser le rôle de la monnaie dans une économie. La monnaie n’est-elle qu’un voile entre les échanges ? La réponse comme nous l’avons vue est non, comme tout autre bien et même plus que tout autre bien, la monnaie provoque des effets sur la structure des prix, de production, et par conséquent sur toute l’économie. La monnaie qui n’aurait pas d’effets sur les grandeurs réelles de l’économie ne serait pas une monnaie. En réalité, c’est la monnaie qui est le passage, le pont obligatoire à toute inflation et de son corollaire, les fluctuations : booms et crises. La théorie autrichienne met donc en évidence les modifications apportées par l’inflation (en fait par toute hausse de la masse monétaire) à la répartition des revenus et des patrimoines. Sa théorie de l’intérêt est originale dans le fait que le taux d’intérêt n’est pas un déterminant de l’épargne et surtout provient des préférences des individus (pour le temps). De plus, la conception autrichienne de économie en terme de déséquilibre en raison du caractère changeant de la réalité économique réfute les approches mécaniques en terme d’équilibre de l’économie.

Soulignons ici un point paradoxal de la théorie autrichienne de la monnaie. Si la monnaie n’est pas neutre et que ces variations ont des conséquences graves sur la société, l’intervention de l’état n’est pas souhaité par ses partisants. Au contraire, comme le système libéral de marché est autorégulateur, il permet de sortir de ce germe qui peut être à l’origine de sa destruction. En effet, la banque centrale (et son monopole monétaire) n’est en aucun cas le meilleur moyen d’empêcher (neutraliser) la monnaie de reproduire ses effets catastrophiques. La banque doit être comprise comme une entreprise comme une autre. La liberté d’établissement que nous connaissons aujourd’hui doit s’accompagner d’une liberté d’émission de monnaie. Dans un monde autrichien (c’est à dire le notre), la monnaie doit être produite par des banques indépendantes et concurrentes. La concurrence permettrait de limiter fortement et même empêcher toute nouvelle émission d’instruments fiduciaires et par conséquent réduire à neant les cycles économiques. On parle beaucoup aujourd’hui du miracle économique américain, même d’un nouvel âge d’or, qui s’accompagne d’un faible taux de chômage, d’une forte croissance et d’une faible inflation. Cependant, il semble que cet état de la nature soit vouée à un fin dans un avenir plus ou moins proche si l’on applique la théorie autrichienne. En effet, la création monétaire a toujours des effets sur la structure de production et se fini par une crise économique.

Par contre, il semble que les remèdes prescrits par les autrichiens peuvent être mis en place dans le cadre présent de nos économies. En effet, l’inflation est faible, les banques ont déjà de grandes libertés et les conséquences du passage d’un système (Banque centrale) à un autre (banque libre) sont négligeable en terme de coût pour la société. Par contre, le nouvel âge que les individus et les économistes appellent de leurs voeux se réaliserait. L’émission compétitive des billets de banques se traduirait par une quasi stabilité de la masse monétaire, la hausse du crédit serait alors due à une croissance réelle de l’épargne, la prospérité économique concomitante serait réelle et durable sans risque de crise économique. Les banques verraient leurs fonds propres s’accroître, les réserves seraient importantes et même en constante hausse du fait que les individus auraient plus intérêt à épargner qu’à détenir des billets et dépôts à vue, le système économique entrerait donc dans le cercle vertueux tant attendu. Pour conclure, si Mises et non Keynes avait été à la base de la théorie économique "dominante" du XXéme siècle, "nous aurions, aujourd’hui, un monde bien plus sage et bien plus riche" J.M. Keynes

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