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Procédure de sauvegarde : assouplir le licenciement !

vendredi 22 avril 2005

La création d’une nouvelle procédure – dite de sauvegarde – pour les débiteurs justifiant de « difficultés susceptibles d’entraîner la cessation des paiements » constitue l’innovation majeure de cette réforme. L’idée, inspirée du fameux « chapter eleven » américain, consiste à donner aux débiteurs en difficulté sérieuse, au bord de la cessation des paiements ou récemment tombés dans cet état, la possibilité de se placer sous la protection du tribunal pour pouvoir réorganiser leur entreprise et recouvrer une meilleure santé.

Cette procédure, bien plus avantageuse que le redressement judiciaire, présente cependant une immense lacune en matière de licenciement. Lorsqu’une entreprise est très proche de la cessation des paiements, elle est, dans un pays où les charges sociales battent des records, très souvent confrontée à un problème de masse salariale et a donc besoin d’accélérer et de sécuriser des procédures de licenciements bien trop lourdes dans le cadre du droit commun. Il faudrait donc, pour donner une pleine efficacité à la procédure de sauvegarde, qu’elle accorde à l’entreprise la possibilité de réduire plus rapidement et plus facilement le nombre de ses salariés. On éviterait ainsi de voir une entreprise entière disparaître et licencier l’ensemble de son personnel et on parviendrait à préserver les emplois utiles à sa remise sur pied. Mieux encore, si cette dernière reprend, grâce à la procédure de sauvegarde, de la vigueur, elle pourra à nouveau créer des emplois. Une telle mesure serait donc des plus « sociales ».

Techniquement, la procédure de sauvegarde devrait à tout le moins permettre à ceux qui voudront s’en prévaloir de bénéficier de la procédure de « licenciement allégé » applicable en cas de redressement judiciaire. La commission des lois de l’Assemblée Nationale avait très clairement identifié cette nécessité et avait très justement préparé un amendement dans ce sens, prévoyant notamment la négociation d’accords « de méthode » et l’assouplissement des délais de consultation du comité d’entreprise.

Comme toute mesure visant à assouplir notre droit du travail, cet amendement, timoré mais allant dans la bonne direction, a cependant subi les foudres du monde politique, de droite comme de gauche, M. Montebourg en tête. L’ancien garde des Sceaux, Dominique Perben, ayant lui aussi fait part de son hostilité, le groupe UMP avait fini par renoncer, non sans débats internes, à soumettre ce texte au vote. Ce faisant, les députés ont vidé en grande partie la procédure de sauvegarde de son intérêt et ont pris le risque de la priver de son efficacité en incitant les chefs d’entreprise à lui préférer le redressement judiciaire pour pouvoir bénéficier de la procédure de « licenciement allégé ».

Ce refus offre une illustration de plus de cette triste « exception française » qui gangrene notre économie. En n’osant pas aller jusqu’au bout de cette réforme, les députés montrent à quel point ils sont, dès qu’on leur parle d’emploi, complètement tétanisés. Au lieu de comprendre que seule la flexibilité et la souplesse permettent la réduction du chômage et l’enrichissement des entreprises comme des salariés, comme cela se passe désormais chez la plupart de nos voisins européens, ils préfèrent s’enfoncer toujours davantage dans des réflexes interventionnistes et contre-productifs. Ils ont peur, en réalité, que quelques licenciements habilement médiatisés pèsent sur la prochaine élection et ne voient d’autres parades au chômage que la contrainte publique, la mobilisation des préfets, l’accroissement de réglementations déjà excessives et l’augmentation irrationnelle d’une fiscalité démesurée et paralysante. Mais en restant enfermés dans une telle surenchère, ils sont parvenus à faire de l’embauche la décision la plus risquée qu’une entreprise puisse prendre ! Aujourd’hui, en France, un patron n’ose plus embaucher tant il croule sous les charges et sait que, même si le salarié s’avère incompétent, il aura un mal considérable à le licencier. Le travail est devenu « un droit » et le poids des charges sociales comme l’épée de Damoclès des Prud’hommes obligent désormais un patron à provisionner jusqu’à un an de salaire lorsqu’il ose encore embaucher un nouveau salarié. Amer constat !

En voulant interdire le chômage par la contrainte publique, nos dirigeants ont fini par casser la machine à créer des emplois. Ils ont, à l’inverse, alimenté la fuite des cerveaux (800.000 français sont partis travailler à Londres) et la délocalisation des entreprises vers de cieux fiscalement et socialement plus cléments. Résultat : contrairement à l’ensemble de nos voisins, qui ont fait, eux, le pari de la souplesse et de la flexibilité, le chômage français n’a jamais reculé. Il stagne à plus de 10 % et atteint même 22 % chez les plus jeunes. Pas étonnant, donc, que ce fameux « modèle social français » n’ait pas séduit les pays de l’Est, qui, après 50 ans de communisme, lui ont préféré le « modèle social anglais », fort de ses 4,7 % de chômeurs et d’une réduction constante de son taux de pauvreté.

La France ne pourra cependant faire l’impasse d’une grande réforme de son droit du travail. Nous devons, dans l’intérêt des employeurs comme dans celui des employés, donner plus de flexibilité aux entreprises et leur permettre d’embaucher et de licencier selon leurs besoins. Il faut mettre de toute urgence la France à l’heure du monde et abandonner les vieux réflexes du « welfare » pour leur préférer la construction d’une société du « workfare », où le mérite et l’effort seront à nouveau récompensés et où la responsabilité personnelle sera enfin revalorisée.

La réforme du droit des procédures collectives offre une belle occasion d’initier ce processus incontournable de libéralisation du travail, au moins pour les entreprises en difficulté (même s’il faudra, bien entendu, l’étendre à l’ensemble des entreprises, y compris in bonis). Malheureusement, les députés n’ont pas saisi cette opportunité. Alors que le gouvernement Villepin nous promet de tout entreprendre pour faire baisser le chômage, espérons qu’il aura la lucidité d’inviter les sénateurs à appliquer le « licenciement allégé » dès la procédure de sauvegarde, afin que les entreprises en difficulté puissent avoir la chance de survivre et, ce faisant, de préserver puis de recréer des emplois.

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