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Le CPE ? Un bras de fer entre réactionnaires et conservateurs

samedi 22 avril 2006

Dans plusieurs pays européens, les constitutions prévoient ce type de vote sans débat, où est engagée la responsabilité du gouvernement. Mais ce recours est toujours considéré comme un dernier recours, à n’employer que quand toutes les concertations ont échoué. Dans le cas du CPE français, il est intervenu sans qu’aucune véritable consultation avec les partenaires sociaux n’ait été mise en place. C’est peut-être cette incapacité à discuter sereinement des questions sociales qui semble le plus insolite aux autres Européens. Sans même parler de la tradition de dialogue des pays scandinaves, dans l’Italie berlusconienne "de droite", la concertation entre le gouvernement, les syndicats et le patronat a été le pilier des récentes réformes du droit du travail, dites "réformes Biagi", du nom du juriste Marco Biagi tué par les Brigades rouges en 2002.

Et le conservatisme ? Il est malheureusement du côté de la jeunesse qui a envahi à plusieurs reprises les rues de l’Hexagone. Car elle semble exprimer plus un désir d’immobilisme qu’un réel souci d’alternative sociale. Détrompons-la : les parallèles avec un Mai 68, qui avait servi de modèle à une génération entière d’Européens, n’ont pas lieu d’être. A l’époque, la France avait été une véritable avant-garde pour le reste du Vieux Continent : c’est elle qui donnait l’impulsion en matière d’innovation sociale et d’évolution des mentalités. De Rome à Berlin, les étudiants se tournaient, gourmands, vers les brises de révolution qui soufflaient du Quartier latin.

Aujourd’hui, au contraire, les images de la Sorbonne occupée n’évoquent plus qu’une sorte de "révolution conservatrice" vouée à préserver un paradis perdu, un temps mythique où la sécurité de l’emploi régnait dans une économie qui n’était pas encore en proie à la "mondialisation libérale".

Cette allergie au changement est assez difficile à comprendre pour les moins de 30 ans dans les autres pays européens. Ils y voient le reflet d’une jeunesse qui rêve encore en masse d’un emploi dans la fonction publique (76 % des 15-30 ans selon les sondages), mais aussi d’une société française tout entière qui n’est pas en phase avec son temps. Selon un sondage de l’institut GlobalScan, la France serait, parmi un échantillon de 20 grands pays, la plus hostile à l’économie de marché et à la mondialisation. Une pensée unique antilibérale domine et étrangle le débat public français, en le coupant d’idées réformistes qui pourtant existent et fonctionnent ailleurs en Europe.

La "flexicurité", d’abord, contraction des mots "flexibilité" et "sécurité". Ce concept lancé par le Danemark dans les années 1990 part du présupposé - sans doute hérétique selon beaucoup en France - que la flexibilité des contrats de travail n’est pas contradictoire avec l’Etat providence. En clair, simplifier embauches et licenciements peut très bien rimer avec protection sociale, puisque celle-ci est garantie par un système, très coûteux mais intelligent, d’allocations chômage.

Le "workfare", ensuite, par opposition au classique "welfare" (comme dans Welfare State, l’équivalent anglais de l’Etat providence). Cette théorie, mise en place en Grande-Bretagne dans le cadre de la Troisième Voie de Tony Blair, propose de placer le travail au centre des systèmes sociaux. Objectif : passer d’un modèle d’aides indiscriminées qui développait des mentalités d’assistés chez ceux qui les recevaient à un système fondé sur la recherche active d’emploi.

La France n’est pas plus mal armée que ses voisins européens pour s’adapter au monde actuel. Mais il y a un préalable pour y parvenir. Elle doit s’ouvrir au dialogue social et aux nouvelles idées. Pour tourner la page du réflexe réactionnaire et de la crispation conservatrice.

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