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Quelques réflexions sur le jugement anti-trust visant Microsoft

dimanche 16 avril 2000

C’est proprement idiot : dira-t-on que le libéralisme (politique) est tempéré par la séparation des pouvoirs ? A vrai dire, même en cherchant bien, je ne vois pas en quoi les mesures visant à préserver le jeu de la concurrence loyale sont antilibérales. A moins bien sûr de n’avoir strictement aucune connaisssance de l’historique de cette législation. Alors quelques précisions s’imposent.

Après la transformation de la Standard Oil en conglomérat monopolistique à la fin du XIXe siècle, sous l’égide du célèbre John Rockfeller, le président républicain Benjamin Harrisson confia en 1889 au sénateur (républicain lui aussi) Sherman la rédaction d’une proposition de loi visant à lutter contre toutes les restrictions opposées à la concurrence. En 1890, le Sherman Act dispose ainsi que l’entrave à la concurrence est un crime, pas un simple délit. Sont prohibés toute entente, tout cartel (volet 1), mais la charge de la preuve en incombe au plaignant, et toute concentration partie intégrante d’un plan d’ensemble visant à prendre le contrôle d’un secteur (volet 2, plus souple). Ce texte, peu efficace en pratique car trop vague, sera ensuite complété, en 1914, par le Clayton Act (qui ne reprend pas à son compte la qualification de crime, étend les poursuites à d’autres types d’ententes et permet au plaignant de recevoir, le cas échéant, des dommages et intérêts), et le Federal Trade Commission Act (qui crée un organe plus souple que les tribunaux pour engager des poursuites).

C’est au titre de la loi Sherman (et non de la loi Clayton, ce qui aurait été moins grave) que Microsoft est poursuivi. Le juge Jackson l’a, au printemps 2000, déclaré coupable d’entrave à la concurrence. Jusque-là, la firme de Bill Gates avait tenté d’infléchir la positon des 19 Etats plaignants et de Washington par diverses tentatives d’intimidation, sinon de collusion. Et c’est un fait indéniable que tous les monopoles du monde ont toujours eu la plus grande accointance avec le pouvoir politique, semblables en cela à n’importe quelle bureaucratie d’origine étatique. Hayek, entre autres, rappelle très bien cette réalité dans la Route de la Servitude. Il convient donc de ne pas faire de contresens : c’est le maintien de la concurrence face au monopole qui est libéral, et non le contraire.

Au lieu de jouer les Cassandre du dimanche, ou bien les théoriciens à la petite semaine, il faudrait plutôt féliciter les Etats-Unis, seul pays sur la planète à avoir le courage de démanteler un de ses fleurons nationaux au bénéfice de ses concurrents — américains ou étrangers. D’autres, avant Microsoft, ont subi les conséquences de cette courageuse procédure (Standard Oil, AT & T, Alcoa).


[1Albin Michel, 1999.

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