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Crise des subprimes

Crise du libéralisme ou crise de l’interventionnisme ?

mardi 7 octobre 2008

L’accélération de la crise financière a abouti au plus grand plan interventionniste de l’histoire des Etats-Unis. Après la nationalisation de Fannie Mae et Freddy Mac et la quasi-nationalisation de l’assureur AIG, le gouvernement américain cherche à mettre en place un fond de reprise des actifs douteux avec 700 milliards de dollars d’argent public. La vague de nationalisations de banques atteint aujourd’hui l’Europe. Nicolas Sarkozy annonce la fin d’un prétendu « laissez-faire », notion pourtant inconnue dans notre pays. Ce retour en force de l’Etat marque-t-il la fin du libéralisme ?

Personne ne peut nier la responsabilité des banques dans les excès des dernières années. Elles le payent au prix fort par une restructuration brutale du paysage bancaire : liquidation de Lehman Brothers et Washington Mutual, dépeçage de Merril Lynch, de Wachovia, etc. Hélas, l’ampleur du choc va aussi avoir des répercussions sur notre vie à tous. Comment ne pas comprendre la colère du citoyen qui subit les erreurs d’un univers qu’il ne connaît pas ? A y regarder de plus près, le premier responsable de cette crise est-il vraiment ce fameux « marché libre » si décrié par Nicolas Sarkozy ? Que penser du rôle des mauvaises interventions publiques et des mauvaises réglementations ?

Pour commencer, le laxisme de la banque centrale américaine est partiellement responsable de « l’exubérance irrationnelle » du crédit. Cet argent facile, trop abondant, a grisé les banques ainsi que les particuliers et les entreprises qui se sont collectivement surendettés. En 1980, la dette du secteur financier représentait 21 % du PIB américain et celle de l’ensemble de l’économie américaine, 163 %. En 2007, ces chiffres étaient de 116 % et 346 % ! Si Alan Greenspan a su gérer les crises qu’ont traversé les Etats-Unis pendant son long mandat à la tête de la Fed, il n’a hélas pas eu la sagesse de resserrer le robinet monétaire en période de croissance. Les Américains vont devoir ajuster leur comportement au resserrement nécessaire du crédit. L’envolée du crédit n’a rien à voir avec le libéralisme mais relève bien de la responsabilité de la banque centrale, un monopole public.

Deuxième coupable, les institutions parapubliques Fannie Mae, créée par Franklin Roosevelt en 1938 en réponse à la crise de 1929, et Freddy Mac son petit frère apparu en 1970. Ces dernières ont repris aux banques 56 % des nouveaux crédits hypothécaires en 2007, portant leur part de l’ensemble des crédits immobiliers américains à 40 %. Pire, elles l’ont fait sans évaluation appropriée de la qualité des emprunteurs. Dans ces conditions, était-ce bien sage de laisser ces GSE (Government Sponsored Enterprise) conserver un portefeuille d’une valeur de $ 5.200 milliards pour seulement $ 80 milliards de fonds propres ? Elles l’ont fait sous la pression d’objectifs politiques qui leur étaient assignés par le gouvernement américain, en échange d’avantages fiscaux et comptables. Cette opacité intrigue d’ailleurs les parlementaires américains depuis de nombreuses années, sans qu’aucun ne parvienne jamais à ouvrir une enquête sur leurs comptes jusqu’au scandale récent. Le fait que ces institutions pilotées par l’Etat aient financé les camps républicain et démocrate n’y est sans doute pas pour rien. L’Etat a donné sa caution morale et financière à des comportements irresponsables dans des proportions gigantesques. Nous sommes loin du « marché libre » tant décrié.

Les marchés assurent une gestion responsable du risque …tant qu’aucune institution d’Etat ne vient fausser sa perception en le délestant partiellement des risques encourus ou en les incitant à prendre des risques excessifs. Critiquer le pilier financier du capitalisme nous fait revivre la montée des populismes dans les années 30. L’affreux spéculateur était alors désigné comme responsable de tous les maux pour mieux dissimuler la responsabilité des Etats. N’oublions pas que les marchés financiers constituent le moteur de la croissance mondiale. Tenir des propos démagogiques sur cette dynamique d’innovation et d’allocation des capitaux présente des dangers pour le monde. Les marchés sont imparfaits, tumultueux. Ils se corrigent parfois dans la douleur. Mais ils ne peuvent faillir dans une telle ampleur sans intervention majeure de l’Etat.

Le secteur bancaire des Etats-Unis est le plus réglementé de tous, et l’empilement des textes (Sarbanes-Oxley, nouvelles normes comptables, Bâle II etc) n’a pas permis d’éviter le désastre. Plutôt que d’augmenter l’opacité de cette stratification, attaquons-nous aux sources de cette crise. Nous devons féliciter Jean-Claude Trichet pour sa rigueur monétaire et encourager la BCE à garder ce cap une fois la crise passée, malgré les assauts répétés de Nicolas Sarkozy. Cette sagesse a évité aux banques européennes de connaître les excès de leurs concurrentes américaines. Nous devons aussi garder à l’esprit que les acteurs économiques doivent rester pleinement responsables de leurs risques, sans être partiellement déchargées de cette responsabilité par des instances publiques dont la caution, au final, est le contribuable.

Le plus importants, pour les Français, c’est de garder à l’esprit le fait que cette crise internationale rend les réformes plus nécessaires que jamais. Alors qu’elle risque d’aggraver encore les difficultés de financement que connaissent depuis plusieurs mois entreprises et particuliers en France, le gouvernement doit agir rapidement. Au lieu de multiplier les taxes en tous genres qui asphyxient notre économie (financement du RSA, Grenelle de l’environnement, etc.), il doit libérer au plus vite les entreprises et les investisseurs des contraintes administratives et financières excessives qui les pénalisent. A défaut, nous risquons la récession et une probable remontée du chômage et un appauvrissement général.

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