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Le divorce Mégret - Le Pen

mardi 4 mai 1999

Il était certes prévisible que jamais le Pen, capitaine au très long cours, ne lâcherait la barre et qu’il préfererait ce faisant couler le navire plutôt que de le confier à un successeur indigne, forcément indigne.
Il était également prévisible que Mégret, petit homme agile et impatient, ferait tôt ou tard le forcing pour coincer dans les cordes son président, pour l’acculer à la faute par un judicieux et continuel jeu de chaises musicales qui lui aurait permis de contrôler, l’un après l’autre, les rings stratégiques et les gants du pouvoir. Le Pen n’aurait plus eu alors d’autre alternative que de jeter l’éponge, tel un vieux boxeur mal dégrossi. ET tout le monde se serait alors écrié : "Le Roi est mort. Vive le Roi !" comme si de rien n’était. Mais Mégret n’est pas Le Pen. Le charisme du premier est à peu près égal à la distinction du second.
Mais Mégret et ses amis ont choisi une autre voie : celle de la rupture, celle de Londres contre Vichy, se je puis oser cette comparaison peut-être déplacée. Et il est probable que le futur parti mégrétiste ne recueillera pas, à lui seul, plus de un ou deux pourcents des voix. Mégret et ses amis ont signé leur arrêt de mort politique. Parviendront-ils à s’allier avec la droite ? Impensable avec celle de Bayrou-Madelin-Séguin, on peut en revanche se le demander avec celle de Millon-De Villiers. Mégret pourrait presque être présentable, ancien RPR, et la plupart de ses amis du Club de l’Horloge également. Mais on peut douter du bénéfice que ce scénario pourrait apporter à la droite. Ce serait même un très mauvais choix stratégique.

Quant aux restes du FN, il n’est pas sûr que son âge d’or soit davant lui. Mais si le parti décrépît - les problèmes, eux, demeureront. Ce n’est pas comme cela que le vote contestataire cessera, ou plus exactement que le nombre de mécontents diminuera. Espérons seulement qu’il n’aille pas se réfugier dans une antre pire encore.


La scission du Front national fait reculer les idées de l’extrême droite

Un sondage de la Sofres pour RTL et « Le Monde » fait apparaître un net recul de l’influence idéologique du FN depuis que l’affrontement est engagé entre M. Mégret et M. Le Pen. Trois personnes interrogées sur cinq portent un jugement similaire sur les clans frontistes

Quel changement de décor depuis un an ! En mars 1998, les élections régionales avaient une nouvelle fois démontré l’implantation durable du Front national dans le paysage politique français et la banalisation de ses idées dans une partie croissante de l’électorat de droite UDF et, surtout, RPR. Un an plus tard, la dissidence de Bruno Mégret, en décembre 1998, puis la scission du FN, en janvier, ont, à l’évidence, cassé cette dynamique politique.

C’est le principal enseignement du sondage réalisé, comme depuis une quinzaine d’années, par la Sofres pour RTL et Le Monde. Jamais, depuis 1983, l’adhésion générale aux idées défendues par Jean-Marie Le Pen n’a été aussi faible. Jamais le rejet des idées de l’extrême droite n’a été aussi massif. Hormis deux années atypiques (1991 et 1996), le niveau moyen d’accord des Français avec les idées de M. Le Pen se situait à 20 %. C’était encore le cas en mars 1997 et en avril 1998. Cette année, ce pouvoir d’influence idéologique est pratiquement réduit de moitié (11 %), tandis que 86 % des personnes interrogées se déclarent tout à fait (70 %) ou plutôt (16 %) en désaccord avec les idées du FN, soit un niveau record depuis son émergence, au début des années 80. Plus nettement encore, il ne se trouve plus que deux catégories - en dehors des sympathisants frontistes - dans lesquelles les idées du FN sont approuvées par plus de 20 % des personnes interrogées. Ce sont les commerçants, artisans et industriels, chez qui le taux d’approbation (23 %) reste le plus fort et ne s’est érodé que de 5 points en un an ; de même, comme c’est le cas depuis une dizaine d’années, la catégorie des « sans diplômes » continue à approuver à 21 % les idées du FN (contre 22 % en 1998). Mais l’extrême droite a vu son influence s’affaisser fortement chez les ouvriers, où le taux d’approbation a chuté de moitié en un an (12 % contre 24 %), chez les sympathisants communistes (5 % au lieu de 16 %) ou chez ceux du RPR (12 % au lieu de 25 %). Enfin, le trouble provoqué par la lutte des deux clans est manifeste chez les sympathisants du FN eux-mêmes, dont 13 % (contre 3 % l’an dernier) se déclarent en désaccord avec les idées de M. Le Pen, et 20 % en désaccord avec celles de M. Mégret.

L’analyse détaillée des principaux thèmes développés par l’extrême droite confirme cet affaiblissement idéologique (voir infographie ci-contre). Qu’il s’agisse de la sécurité (- 8 points), de la défense des valeurs traditionnelles (- 11 points), de l’immigration (- 9 points), des critiques contre la « classe politique » (- 8 points), de l’Europe (- 9 points) ou des critiques contre Jacques Chirac (- 5 points), la perte de crédit du FN est générale. Il y a un an, le discours lepéniste sur la sécurité, sur les valeurs traditionnelles, sur l’immigration et sur la « classe politique » était encore approuvé par plus d’un Français sur cinq. Ce n’est plus le cas, cette année, que pour son discours sur la sécurité et la justice (21 %).

Enfin, l’éclatement du Front national en deux formations distinctes est clairement analysé par les Français comme un facteur d’affaiblissement politique. Les deux tiers des personnes interrogées (65 %) estiment, en effet, que le FNUF de M. Le Pen et le FN-MN de M. Mégret obtiendront moins de voix à eux deux lors des prochaines élections que lorsque le Front national était uni. A l’inverse, 18 % seulement (17 % étant sans opinion) jugent que les deux FN feront à eux deux de meilleurs scores que lorsque le FN était uni. Et à peine plus de la moitié des sympathisants du FN (53 %, contre 37 %) veut encore croire que la scission peut être un atout électoral pour l’extrême droite.

Cette perte de crédit idéologique et politique de l’extrême droite a pourtant un effet paradoxal sur l’électorat de la droite traditionnelle. Comme l’an dernier, 73 % des personnes interrogées (contre 24 % d’avis contraire) estiment que le FN de M. Le Pen est un danger pour la démocratie, tandis que 68 % (contre 25 %) portent le même jugement sur le FN de M. Mégret. Mais cette menace s’est estompée, en un an, aux yeux des sympathisants de droite. En 1998, 34 % des sympthisants du RPR et 32 % de ceux de l’UDF considéraient que le FN ne constituait pas un danger. Cette année, ils sont 37 % au RPR, 32 % à Démocratie libérale et 26 % à l’UDF à porter le même jugement sur le FN lepéniste. Quant au FN mégrétiste, il n’est pas considéré comme un danger par 40 % (contre 54 %) des sympathisants du RPR et 38 % (contre 59 %) de ceux de Démocratie libérale.

Le Monde, Mardi 4 mai 1999

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