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La perversion du vrai libéralisme et la crise

samedi 6 février 2010

Ce n’est pas le libéralisme, aboli depuis longtemps, mais le dirigisme, généralisé dans la plupart des pays, qui porte la responsabilité des malheurs actuels du monde. En effet, la cause première de la crise actuelle réside dans l’abandon progressif du système monétaire international libéral basé sur l’étalon-or, les taux de change fixes et l’émission monétaire mesurée qui évitait le surendettement public ou privé.

La séquence boom, bulle, krach, structurellement déstabilisante ne disparaîtra pas tant que le dirigisme monétaire ne sera pas abandonné. C’est-à-dire tant que le lien entre l’Etat et la monnaie ne sera pas définitivement rompu, et tant que la monnaie ne sera pas à nouveau gagée sur un étalon réel existant en quantité limitée, accepté internationalement, qui ne soit pas durablement manipulable (comme l’or par exemple). Que ce manipulateur soit un Etat ou une institution internationale (le FMI avec ses DTS) ne faisant que déplacer le problème sans le résoudre, puisque c’est le double mécanisme de l’émission de la monnaie de papier et de la manipulation du crédit par les pouvoirs publics qui est intrinsèquement pervers. Tout simplement, ainsi que le constatait Raymond Aron, parce que « lorsque la monnaie cesse d’être un bien réel ou de se référer à un bien réel, elle devient un bon d’achat peu discernable du crédit ».

Loin de permettre une sortie pérenne de la crise actuelle, les mesures adoptées pour tenter d’en finir ne font que l’aggraver. Qu’il s’agisse de l’émission ex nihilo d’une énorme quantité de monnaie de papier, ou de la mise en place de plans dits de relance par les Etats qu’ils financent en empruntant toujours plus. C’est en aidant directement les hommes et non pas en maintenant des structures devenues obsolètes que l’on évitera les conséquences les plus dommageables de la crise. Surtout quand les politiques monétaires ultra-laxistes actuelles, constituant il faut bien le reconnaître une colossale escroquerie, conduisent les grandes banques d’affaires et commerciales à spéculer avec l’argent public mis sans contrôle à leur disposition, pour le plus grand profit de quelques-uns de leurs dirigeants, au lieu de le prêter aux agents économiques qui en ont besoin pour produire ou consommer.

Si le lien entre l’Etat et la monnaie était rompu et si la monnaie était autre chose qu’un instrument gagé sur le néant, comme cela existait dans le système de l’étalon-or ; les grandes banques d’affaires et commerciales n’auraient pas pu créer toutes sortes de produits financiers toxiques dont la valeur s’est évidemment effondrée, ni ensuite prendre en otage les Etats et les banques centrales exigeant qu’ils leur apportent toutes les liquidités possibles sous le faux prétexte que leur éventuelle faillite se traduirait par l’effondrement de l’économie. En simplifiant, la faute n’est pas d’avoir laissé tomber Lehman Brothers en faillite mais d’avoir maintenu AIG et beaucoup d’autres sous perfusion perpétuelle, pour le plus grand profit de Goldman Sachs par exemple. Le principe suicidaire du « too big to fail », producteur de ploutocratie, n’est pas seulement antidémocratique mais aussi antiéconomique.

Non seulement les politiques monétaires actuelles, en particulier de monétisation des obligations d’Etat, de fixation à zéro des taux d’intérêt à court terme ou d’expansion sans précédent des bilans pourris de la Federal Reserve US ou de la Banque d’Angleterre, sont en train de détruire les monnaies ; mais encore conduisent à toutes sortes de bulles artificielles (des actions, aux obligations et aux matières premières), tout en créant les conditions de l’hyperinflation. On constatera bientôt que les remèdes administrés au malade ne l’ont pas guéri mais sont en train de le tuer. Ce qui n’est pas étonnant puisque, historiquement, toutes les monnaies de papier sans exception ont fini par voir leur valeur chuter à zéro puis par disparaître !

A ce propos, la plupart de nos contemporains confondent l’inflation, qui est toujours et partout création excessive de monnaie, avec le renchérissement, c’est-à-dire la hausse des prix à la consommation ou à la production, qui n’est pas l’inflation mais seulement sa conséquence. De telle sorte que, dans un premier temps, comme actuellement, l’inflation peut affecter la valeur des actifs financiers (les actions) ou réels (l’or) mais ne pas avoir d’impact rapide sur les prix à la consommation ou à la production tant que la vitesse de circulation de la monnaie ne s’accroît pas ou que sa valeur relative ne s’écroule pas. Mais il ne s’agit là que partie remise puisque, pour les raisons exposées plus haut, l’hyperinflation (tout au moins aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne) est inéluctable si le système monétaire reste inchangé.

Comme il ne faut pas s’attendre à ce que ce soient les Etats qui réalisent cette réforme, parce qu’ils perdraient ainsi la possibilité d’intervenir constamment dans l’économie comme d’avantager ceux qu’ils entendent privilégier, ce seront les acteurs des marchés qui l’imposeront.

Ce qui a déjà commencé avec la hausse de l’or contre la plupart des principales monnaies. Plus l’or montera, et à notre avis son prix atteindra des niveaux encore peu imaginables aujourd’hui, plus les Etats et les banques centrales devront le rétablir comme actif principal dans leurs réserves de change. Ce qui, ipso facto, conduira à la mise en place d’un nouveau système de stabilité comme, au plan des investisseurs privés, à la fuite accélérée des actifs de papier en faveur des actifs réels. Pour ralentir le processus, les Etats pourront toujours fortement imposer la détention d’or, voire le confisquer en interdisant aux particuliers d’en posséder ainsi que Franklin Roosevelt l’a fait aux Etats-Unis en 1933. Sans succès puisqu’il y aura toujours quelque part dans le monde un endroit ou l’on pourra en acheter et en conserver. Mais, auparavant, la crise risque de prendre des dimensions dramatiques avec l’hyperinflation monétaire, l’hyper-endettement des Etats et l’hyper-spéculation des acteurs financiers, qui sont loin d’avoir atteint leur apogée puisqu’elles se nourrissent l’une l’autre.

Nos économistes dits modernes, au lieu de chercher leur inspiration chez John Maynard Keynes, devraient relire Ludwig von Mises, et les autres penseurs de l’Ecole autrichienne, qui nous avait déjà enseigné que « les crises économiques sont provoquées par les politiques monétaires expansionnistes des banques centrales » ou Jacques Rueff, et les libéraux français, qui constatait que « la monnaie est le carburant qui alimente l’inflation. Sans ordre monétaire, il n’y a que ruine et esclavage » !


- Article paru initialement dans Le Temps, le mercredi 16 d

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