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Soixante ans du SMIC : Il faut baisser le SMIC, et non l’augmenter

jeudi 11 février 2010

Faut-il se réjouir de l’existence du SMIC et de son niveau extrêmement élevé en France ? Les chiffres et les analyses économiques disent que non : en 2007, aucun pays développé n’avait autant de personnes payées au SMIC : 16,7% des salariés, contre 11% au Luxembourg, 3,3% en Irlande, 1,8% au Royaume-Uni ou 2,2% au Pays-Bas. Autrement dit, un SMIC élevé entraine un tassement du bas de la pyramide des salaires, confortant le sentiment de déclassement (Smicardisation de la société) des classes moyennes et populaires.

Pire, le SMIC élevé empêche les personnes les moins productives de trouver un travail. D’un point de vue utilitariste, avec un salaire minimum (du type SMIC en France) qui est au-dessus du « prix du marché », le chômage sera plus élevé qu’il n’aurait été sans une telle mesure. Si le salaire minimum était préférable à un salaire déterminé par le marché et le libre-échange, pourquoi alors ne pas le doubler ou le décupler ? En réalité, c’est une mesure totalement arbitraire qui protège certains employés au détriment de ceux qui sont au chômage. Comme le note le Prix Nobel d’économie Gary Becker, « augmenter le salaire minimum, c’est augmenter le chômage »[1]. En 1966, Une étude d’Arthur Bums, publiée dans son ouvrage, The Management of Prosperity, New York : Columbia University Press, montre que l’augmentation du salaire minimum de 0.25 dollar provoque l’augmentation conjointe de 8% du chômage des jeunes travailleurs (non blancs). En fait, l’augmentation du salaire minimum fragilise ceux qui sont les dèjà fragilisés sur le marché de l’emploi. Ces études furent confirmées par les travaux aux Etats-Unis de Yale Brozen, de Finis Welch, de Jacob Mincer, d’Edward Gramlich, de William Beranek, de Robert H. Meyer & David A. Wise.

Quelles propositions faire pour améliorer la situation de ceux qui vivent aujourd’hui avec le SMIC ? En particulier en France, les salaires sont maintenus à la baisse par le poids colossal des cotisations sociales, sur la réalité desquelles le flou le plus grand est entretenu. Afin de contrôler ces prélévements et donc d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés, les libéraux proposent le salaire complet, à savoirle versement au salarié de son salaire net plus les cotisations sociales, en le laissant ensuite choisir le prestataire de ses assurances sociales. La concurrence entre assureurs qui en résultera permet d’enrayer la spirale inflationniste des dépenses des organismes d’assurance sociale, alors que le service rendu diminue de jour en jour.

Afin d’éclairer cela, nous vous proposons la lecture croisée de deux économistes fameux, Gary Becker, Prix Nobel d’économie, et Pascal Salin, professeur à Paris-Dauphine.

Gary Becker, Prix Nobel d’économie, écrit carrément : "augmenter le salaire minimum, c’est augmenter le chômage" :

Des coûts du travail plus élevés diminuent l’emploi. C’est pourquoi la proposition du Président Clinton d’augmenter le salaire minimum fédéral doit être rejetée. Un salaire minimum plus élevé réduira encore les occasions d’emploi des travailleurs peu qualifiés.

Les adolescents, ceux qui ont arrêté l’école de bone heure, les immigrés et autres travailleurs faiblement qualifiés gagnent fréquemment moins de 5,15 $ par heure, le nouveau minimum proposé. Ils trouvent des emplois dans de petits établissements, particulièrement dans les chaînes de restauration rapide et dans les autres secteurs de vente au détail. Augmenter le minimum, comme le veut le président, en mettra certains au chômage car leur productivité n’est pas assez grande pour justifier leur coût aux yeux des employeurs.

Au cours des dernières décennies, de nombreuses études ont trouvé que l’augmentation du salaire minimum réduit bel et bien l’emploi des adolescents et autres personnes faiblement qualifiées. Cependant, les lois sur le salaire minimum sont toujours demeurées populaires chez les syndicalistes et auprès de beaucoup de politiciens.

Pascal Salin écrit pour sa part (extraits) :

On commence donc à se rendre compte que, quelles qu’en soient les véritables raisons, l’existence du salaire minimum imposé sépare les travailleurs en deux véritables castes : ceux qui travaillent, qui reçoivent le salaire minimum légal et un ensemble de services d’assurances obligatoires ; et ceux qui ne peuvent pas être embauchés à ces conditions-là, et qui ne reçoivent ni revenu ni sécurité (en-dehors d’allocations temporaires et d’éventuels petits travaux au noir). Le salaire minimum est donc, et de manière certaine, une interdiction de travailler. Et au niveau qu’elle atteint en France, cette interdiction est imposée des dizaines de milliers de personnes. Autrement dit, c’est une monstrueuse machine d’exclusion. Un "filet de sécurité" qui n’agirait qu’à rebours : n’évitant la chute de personne, mais empêchant de remonter ceux qui sont tombés.

Son erreur intellectuelle ne consiste pas seulement à confondre une interdiction de travailler avec une garantie de revenu. Elle procède aussi d’un raisonnement mécanique qui nie la réalité des hommes et des emplois en niant leur diversité, ainsi que leur amélioration avec le temps. L’approche statisticienne des technocrates parle de "travail non qualifié" comme s’il s’agissait d’un matériau indifférencié. Construction intellectuelle triplement choquante qui, en niant trois fois la réalité des personnes, pousse inexorablement l’esprit à accepter leur exclusion de la société des hommes :

elle nie leur existence morale en acceptant cette notion absurde d’une "absence de qualification" qui leur dénie logiquement toute capacité productive, les rayant par implication de l’espèce humaine.
Elle bafoue leur dignité et sape les fondements du Droit en évoquant une "rémunération minimum" pour cette prétendue "absence de qualification".
Enfin, elle nie une troisième fois leur être par cette seule notion d’un travail indifférencié. Etre, c’est toujours être quelque chose. Savoir, c’est toujours savoir une chose et pas une autre.
Dans le monde réel, la capacité productive résulte de la rencontre entre une histoire d’apprentissages personnels et d’un milieu de travail plus ou moins approprié. Et cet échange réciproque change bien entendu sans arrêt : le nouveau apprend tous les jours son métier. Il peut aussi trouver, ou même inventer pour lui-même dans l’entreprise, un rôle qui fasse mieux correspondre ses propres capacités aux désirs des clients et justifier pour lui-même un salaire de plus en plus élevé.

Le salaire minimum tue ces perspectives en interdisant l’entrée dans l’entreprise à ceux qui en auraient le plus besoin. Car ce sont ceux qui n’ont pas eu la chance de recevoir une formation initiale suffisamment poussée qui auraient relativement le plus à gagner à ce qu’on autorise l’embauche aux plus basses rémunérations.

Les partisans du salaire minimum croient-ils sincèrement à cette idée, héritée du romantisme révolutionnaire, qu’un employeur serait nécessairement un exploiteur et qu’il faudrait donc le forcer à payer un salaire décent ? Qu’il y ait des employeurs sans scrupules c’est évident. De même qu’il existe des salariés sans scrupules. Mais la grande erreur des législations est de faire des lois pour empêcher les "abus". En refusant de faire confiance aux juges et surtout à ce juge de paix à long terme impitoyable qui s’appelle la concurrence, ils empêchent toutes sortes d’expériences, finalement bénéfiques pour tous. Car un employeur connaît son propre intérêt. C’est son métier de juger l’apport spécifique de chacun à l’entreprise et donc de savoir le rémunérer en conséquence pour éviter de le voir partir, ce qui ne lui laisserait que les plus mauvais.


Textes : Catallaxia. Images : Wikib


[1et non 1960 comme l’écrit le journal Métro en une...

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