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"Brok" et le KGB

lundi 31 mars 2008

« Brok », qui était entré au KGB pour des raisons idéologiques en 1946, avait commencé à travailler pour de l’argent quelques années plus tard pour améliorer ses revenus de journaliste et s’acheter un appartement à Paris. Au milieu des années 1970, il était payé plus de 100 000 francs par an [1]. Il avait eu au moins une dizaine d’officiers traitant depuis ses débuts [2] et était jugé tellement important par le Centre qu’il avait rencontré cinq des chefs du Ve département de la PDG, responsable, entre autres, des opérations en France [3]. Pendant la campagne pour la présidentielle de 1974, il reçut du Centre, sur instructions personnelles d’Andropov, les conseils secrets prétendument donnés à Giscard d’Estaing par les Américains pour battre Mitterrand et Chaban-Delmas, son rival gaulliste au premier tour. « Brok » fit parvenir ce faux document à Chaban-Delmas et à quelques autres responsables politiques dans le but manifeste de faire obstacle à l’union au second tour des divers courants de la droite, dont Giscard était le seul candidat.

La seule autre opération pour discréditer Giscard d’Estaing à la présidentielle de 1974 qui soit décrite en détail dans les notes de Mitrokhine est une bizarre mesure active qui montre à quel point tant de théoriciens du KG B étaient obsédés par les entreprises sionistes. En France comme aux Etats-Unis et ailleurs, le Centre était persuadé qu’un puissant lobby juif oeuvrait dans la coulisse et manipulait largement le processus politique. Le KGB décida d’exploiter le meurtre d’une parente de Giscard d’Estaing en octobre 1973 pour monter une opération extraordinaire visant à brouiller le candidat avec l’électorat juif. Le service A élabora donc un faux document, prétendument distribué par un imaginaire groupe français pro-israélien, et qui affirmait que cette femme avait été tuée par des sionistes pour punir Giscard d’avoir poursuivi des financiers d’origine juive en justice lorsqu’il était ministre des Finances. Curieusement, le Centre était fier de cette grotesque opération. Si Giscard l’emporta sur Mitterrand au second tour avec moins de 2% des suffrages d’avance, rien n’indique que les mesures actives du KGB aient eu la moindre incidence sur ce résultat.


Christopher Andrew et Vassili Mitrokhine, le KGB contre l’Ouest, 1917-1991, Fayard, 2000, p. 688-689.


[1Pendant les deux années 1976-1977, « Brok » reçut au total 217 000 F : 72 000 F de salaire de base, 83 000 F de primes, 62 000 F de frais. Entre janvier et novembre 1978, dernière période pour laquelle nous disposions du détail des sommes versées à « Brok », il reçut un total de 182 000F : 55 000 F de salaire, 83 000 F de primes et 62 000 F de frais. K-3, 81.

[2Ritrokhine n’identifie pas le ou les officiers traitants de « Brok » pendant la période 1946-1951. Ensuite ses contrôleurs furent Ie. R. Radtsig (1951-1957), V. K. Ratchenko (1957-1959), E.N. Iakovlev (1959-1963), I.F. Gremiakine (1970-1972), L.I. Vassenko (1972), R.F. Jouravlev (1972-1976), R. N. Lebedinsky (1974-1975), Ie. L. Mokeïev (1976-1978) et Ie. N. Malkov (1978-1979).

[3M.S. Tsimbal, A.I. Lazarv, A.V. Krassavine, V.P. Vlassov et N.N. Tchetverikov.

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