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Discipline de marché

dimanche 14 mars 2010

Les réactions récentes d’hommes politiques européens quant aux « spéculations » contre la dette grecque, tout comme les réticences de la banque à se responsabiliser suite à la crise de 2007-2008, révèlent un problème similaire : la fuite devant les responsabilités et la discipline de marché.

La tragédie grecque

Alors que les marchés se positionnent contre la dette de la Grèce, via la vente de ses obligations et l’achat de CDS (Credit Default Swaps), le Premier Ministre grec Georges Papandréou a crié au scandale. Il a été rejoint par Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Jean-Pierre Juncker dans ce concert de critiques à l’égard des « méchants » spéculateurs, le quartet ayant demandé à MM. Barroso et Zapatero une enquête européenne sur les CDS sur les obligations des État européens. En cas « d’abus de marché » ou d’un « impact considérable sur les taux d’intérêt » imputable à la spéculation, il faudra « y mettre fin ». On brûle d’impatience de savoir comment seront définis « l’abus de marché » et « l’impact considérable ».

Parce qu’en réalité, qui se positionne contre la Grèce ? « Des spéculateurs sans scrupules », une bande de honteux incendiaires qui s’est assurée « contre un incendie sur la maison de son voisin avant d’y mettre le feu », comme le suggère M. Papandréou ? Les CDS sont essentiellement une assurance contre le risque de défaut d’un émetteur. En cela ils ont permis justement à la Grèce de pouvoir trouver des investisseurs acceptant des taux d’intérêt moins élevés. Bien sûr certains spéculent avec les CDS sans détenir de dette grecque (les naked CDS), aggravant les difficultés de la Grèce sur le marché financier. Mais plus fondamentalement, et plus généralement, il se trouve aujourd’hui que si une institution est très exposée aux titres grecs et qu’elle se rend compte que le pays est au bord de la faillite, il est non seulement évident mais – finalement !- parfaitement responsable, qu’elle se protège de ce risque, pour éviter… sa propre faillite : elle vend donc des titres grecs et achète des CDS. Il n’y a rien d’immoral là-dedans.

Les coupables ne sont pas les « spéculateurs ». Qui a maquillé les chiffres des finances publiques grecques ? Qui a eu une politique irresponsable de dépenses publiques ? Qui est donc responsable de la crise grecque ? Comme le souligne le journaliste grec Takis Michas, les Grecs ont un penchant à facilement blâmer les Xenoi (étrangers) pour leurs problèmes et fuir leurs responsabilités.

Les hommes politiques européens surfent ici en réalité sur la vague de ressentiment à l’endroit de la finance après la crise de 2007-2008 et en profitent pour trouver des boucs émissaires bien pratiques. Belle leçon de démagogie. Ce que la plupart des commentateurs omettent de mentionner c’est que les politiques tentent de s’affranchir une fois de plus d’un garde-fou contre la mauvaise gestion de leurs États – mauvaise gestion qui date de bien avant la crise. Cela avait été d’abord les critères de Maastricht qu’on avait mis au placard, puis la lutte contre les paradis fiscaux, qui, quoi qu’on puisse en penser, exercent une saine concurrence fiscale obligeant les États qu’on pourrait apparemment appeler des « enfers fiscaux », comme la France, à prêter davantage attention à leurs dépenses publiques. Voilà désormais que l’on dit aux créanciers légitimement inquiets de ne plus exprimer leurs doutes. On a bâillonné la « constitution », les concurrents ; voilà venu le tour des créanciers. « Ne jamais gaspiller une crise », selon la formule bien connue désormais de Rahm Emanuel : un verrou de plus va-t-il sauter ?

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