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Nationalisme et construction européenne

mardi 1er avril 2008

Le Seigneur descendit du ciel pour voir la ville et la tour que les hommes bâtissaient. Après quoi il se dit : « Eh bien, les voilà tous qui forment un peuple unique et parlent la même langue ! S’ils commencent ainsi, rien ne pourra les empêcher de réaliser tout ce qu’ils projettent. Allons ! Descendons mettre le désordre dans leur langage, et empêchons les de se comprendre les uns les autres. »

Genèse-11, La tour de Babel.

Le désir d’organisation, de gestion et de construction de l’Europe est dans sa forme contemporaine marqué à la base par la Raison. Il est possible de reconnaître dans sa modernité un universalisme hérité du siècle des Lumières.

Or, l’affirmation de la Nation traduite dans sa forme politique par le concept de nationalisme partage elle aussi cet héritage. Depuis la proclamation de la souveraineté « nationale », avec la Révolution française, celle-ci s’oppose à la légitimité « verticale » des empires ou des monarchies absolues. Selon J. Plumyène, les nationalismes ont donc comme paradigme commun une légitimité « horizontale ».

Comment s’articulent alors les deux notions, du nationalisme et de la construction européenne ? Sont-elles seulement monolithique ou est-il possible d’analyser en elles différents types ? En supposant leur complexité, de quelle nature encore plus complexe sont leur rapports ?

Du particularisme et de l’universalisme surgit tout d’abord l’opposition. Celle-ci n’est d’un type unique et peut donc se décliner selon plusieurs modèles, vraisemblablement au nombre de trois selon que l’on se place sous le signe de la souveraineté, de l’identité ou de ces deux concepts pour expliciter l’affrontement apparemment irréductible. Néanmoins, le refus d’une analyse statique conduit à rechercher les modalités de résolution de cet antagonisme. Se réduira-t-il dans une épreuve de force déjà engagée, dans un libre choix de souveraineté ou dans la naissance d’une identité d’un autre ordre ?

En première analyse, le nationalisme se présente comme irréductiblement opposé, par essence, à toute construction européenne. Selon cette perspective peuvent se développer trois modèles d’explication des rapports d’incompatibilité entre cette forme particulière d’affirmation de la Nation qu’est le nationalisme et l’élaboration d’une Europe construite.

Ainsi, la résurgence et la crispation du nationalisme à l’Ouest de l’Europe se placent sous le signe de la Souveraineté. En effet, la plupart des identités nationales de l’Europe de l’Ouest sont actuellement déjà construites. Historiquement, l’Europe de l’Ouest est le lieu de la naissance et de l’élaboration du concept d’Etat-Nation (en France vers1772-1805, en Allemagne vers 1813-1870). Depuis le siècle des Lumières, où les concepts de Nation et de légitimité ont été mêlés afin de lutter contre les absolutismes notamment par les philosophes du contrat social (Hobbes, Locke mais surtout Rousseau), le nationalisme a trouvé un soutien solide dans la pensée philosophique et politique. Ce nationalisme, privé des connotations péjoratives qu’il peut avoir actuellement, a, qu’il s’agisse de la conception rousseauiste dite française ou de la conception herdero-fichtéenne dite allemande, véritablement structuré l’Europe moderne. Nationalisme et nationalités procèdent donc d’un héritage multiple, de la Révolution Française qui l’a propagé au Printemps des Peuples de 1848, de Renan à Barrès ou encore de Goethe à Fichte. Ces principes ont aussi bien transformé l’histoire en introduisant une nouvelle modernité en Europe qu’ils ont évolué avec elle au gré des changements majeurs ou contingents. Comment ne pas reconnaître dans la naissance des Etats allemand et italien au XIX° siècle la marque de la Nation ? L’Europe de l’Ouest est donc indiscutablement le lieu historique de l’élaboration de la Nation, et c’est dans son cadre que se sont développés le territoire, le pouvoir politique et d’une certaine manière l’Etat moderne, en tant que manifestation de cette Nation. Ce nationalisme, synonyme de patriotisme, se présente avant tout comme l’affirmation politique d’une identité nationale et souveraine (définie comme « artificialiste » ou construction volontaire ou comme « naturaliste » ou sentiment communautaire, selon l’analyse de J. Leca). Ainsi la langue, la religion, la politique, l’économie (que l’on pense à l’importance du Zollferein allemand) et surtout l’histoire commune ont défini en Europe de l’Ouest des Etats-Nations aux identités affirmées. Or, et c’est là la clé de voûte du système, ces Nations « adultes », fruits d’une longue maturation, enfin apaisées et rassérénées, sont sur leur territoire souveraines. Disposant sans conteste possible en tout premier lieu de ce que Max Weber nomme « le monopole de la violence légitime », elles sont par conséquent, sous leur représentation étatique, maîtresses de manière absolue chez elles. La moindre violation de ce principe, la moindre ingérence extérieure est ressentie comme une menace pour l’existence même de la Nation, remise en question dans sa souveraineté, pierre angulaire de son système identitaire. C’est au nom du droit à l’existence de cette entité que ce crispent les nationalismes. En effet, de l’affirmation de la Nation au chauvinisme, il n’y a qu’un pas, extrêmement vite franchi lors de rencontres sportives internationales et très inquiétant lors de crise géopolitique puisqu’il a pu légitimer une guerre (comme celle de 1914-1918 dont le mythe de la fleur au fusil n’occulte pas la réalité du haineux « rendez-nous l’Alsace-Lorraine »).

Cependant, si jingoïsme britannique, pan-germanisme et nationalisme français recouvrent des concepts souvent agressifs vis à vis de l’Autre, du non-national voire du « traître à la patrie » ce qui est certainement pire (que l’on pense aux quatre Etats confédérés de Maurras comme au terme utilisé actuellement péjorativement par l’extrême de la droite en France de « cosmopolitisme »), racisme et nationalisme sont des notions qui en Europe de l’Ouest ne se recouvrent que partiellement. Ce nationalisme proche du patriotisme semblait sinon affaibli du moins érodé à l’Ouest après la Seconde Guerre Mondiale. Et en effet, ce n’est pas au nom de la « race nationale » ou de « l’esprit national » (Volksgeist) que le phénomène nationalisme renaît à l’Ouest pour rejeter la construction européenne. Les accointances entre partis extrémistes européens le prouvent bien. La construction européenne, sous forme de construction qui oblige, qui engage, c’est-à-dire les Communautés comme dans une moindre mesure l’OTAN, est rejetée selon ce premier modèle en tant qu’elle va à l’encontre d’une souveraineté extrêmement sensible. Cette souveraineté est érigée en valeur suprême puisque constitutive de l’identité nationale. Le Front national français, les Republikaners allemands et le parti « libéral » autrichien de Jörg Haider ont en commun de rejeter avec fracas une construction allant à l’encontre de la souveraineté de leur Nation. Cependant les extrémistes dangereux n’ont pas le monopole de la sensibilité nationale froissée. Le rôle identitaire de la souveraineté est tel que toutes les couches des sociétés d’Europe de l’Ouest sont concernées à divers degrés. L’intégration croissante dans l’Union européenne et le passage à des aspects politiques, volontairement éludés par les fondateurs de l’Europe après l’échec de la CED en 1954 voit en effet le développement d’une gestion à l’échelle de l’Union, donc supranationale, de l’économie mais aussi peu à peu du politique. Le développement très rapide d’un droit communautaire (primaire, relevant des traités mais aussi, beaucoup plus douloureux pour les juridictions nationales, d’un droit communautaire dérivé) comme la perte totale de la maîtrise de la politique économique avec l’avènement de l’Union Economique et Monétaire prévue pour 1999 et les sacrifices qu’elle a imposés jusqu’ici en sont autant de témoignages marquants. Des eurosceptiques anglais aux tenants du D.Mark Nationalismus, nombreux sont ceux qui se méfient d’une Europe supranationale, supra-étatique, violant impunément les souverainetés nationales . Selon ce premier modèle, c’est principalement l’héritage historique et pour part la mystique nationale qui attisent un repli nationaliste sur l’identité au nom d’une souveraineté menacée par « ceux de Bruxelles », sortes d’insaisissables ouvriers de la négation des spécificités nationales. Placé sous le signe de la souveraineté, le nationalisme en Europe de l’Ouest est non seulement irréductiblement opposé à une construction présente et à venir, mais encore recréé et alimenté par elle.

Le second modèle d’irréductibilité de la construction européenne et du nationalisme se situe dans une autre temporalité. Ce modèle valable pour l’Europe dite de l’est ou en transition considère la résurgence des nationalisme sous le signe de l’Identité avant tout. L’expression de ce type de nationalisme a lieu dans l’instant, son expression souvent exubérante voire violente se conçoit par réaction avec un passé proche au nom d’un passé plus lointain, souvent magnifié, parfois traumatisant, jamais sous la forme d’un passé pacifié. Si l’argument d’une ère communiste ayant « gelé » des nationalismes ne se réveillant qu’en 1989 ou 1991, à la fin de la Guerre Froide peut être discuté, il est indéniable que la plupart des nationalismes de la région sont alimentés par réaction, comme nous l’avons vu pour l’Ouest. Car qu’il aient été endormis, oppressés par le communisme ou créés de toutes pièces après, ils ont en commun d’être affirmés ou exacerbés en réaction à une certaine construction. Cette construction spécifique, indéniablement européenne même si celle-ci n’en a pas l’apanage, était de type impérial. Les empires, de la Macédoine aux Carolingiens en passant par l’Empire Romain, ont longtemps été la forme organisée de structuration de l’espace européen. Hors de l’Empire point de salut, du moins point d’ordre. Dans ces empires, fruits d’une conquête militaire, aux nationalités extérieures, barbares à pacifier correspondent à l’intérieur les nationalismes locaux, facteurs de troubles qu’il faut mater et civiliser. Or, la zone du Comecon ou du Pacte de Varsovie n’était finalement rien de plus qu’un empire déguisé en libre association, qu’une projection habillée d’internationalisme de l’incessant désir de conquête et de sécurité grand russe. Que la zone communiste aie nié la persistance des nationalismes assimilés au fascisme et géré avec dureté (par exemple les déportations de populations entières par Staline, comme les Tchétchènes) les problèmes des nationalités s’avère historiquement indiscutable. Cependant la rupture avec Tito en 1948 et avec l’Albanie en 1961 montrent que, même pendant la construction d’une certaine Europe, des nationalismes demeuraient en opposition avec une structure niant leurs spécifités et refusant qu’ils n’appliquent pas les mêmes choix politiques que l’ensemble.

Avec la fin de la Guerre Froide et en attendant la fin de l’histoire de Francis Fukuyama, les nationalismes resurgissent à l’Est par négation de la construction qu’ils ont subi. L’affirmation des identités et la recomposition géopolitique se fait sans construction. Du moins les velléités de construction comme celle de la Pologne par exemple ne sont pas ciblées sur la région même mais dirigées vers l’Ouest. La Russie ayant abandonné son rôle de leader, allant jusqu’à délaisser son « étranger proche » dans un premier temps, stigmatise parfaitement ce vide de volonté constructrice (au sens fort) à l’échelle de l’Europe mêlé à une volonté consciente d’empêcher toute construction dont elle serait exclue. Ainsi la question de l’élargissement de l’OTAN à l’Est reste un point extrêmement sensible des relations géopolitiques. Le poids de la construction précédente a tellement marqué la région que la résurgence des nationalismes se fait dans un cadre de déconstruction. Le repli identitaire orchestré par le nationalisme peut être compris comme un retour dans l’immédiat au plus simple dénominateur commun national. Il s’agit quel qu’en soit le prix, même s’il doit dépasser la « livre de chair » shakespearienne, de reconstituer les identités nationales, de forger les futurs acteurs de la géopolitique régionale. Toute construction est de fait repoussée à la fin de ce processus, au moment fort inquiétant ou ces identités seront assez pures (et il faut conserver la connotation extrême du mot) pour, peut-être, concevoir une construction européenne incluant comme l’un des centres et non plus comme une périphérie cette région. Or dans ce processus qui fait beaucoup appel une mémoire nationale que l’on va jusqu’à recréer et instrumentaliser surgissent des oppositions ancestrales que le communisme avait soigneusement muselées. Ainsi les haines entre Nations régionales réapparaissent : sous la simple forme de tensions comme les défiances réciproques qu’éprouve la Pologne à l’égard de la Russie, de l’Allemagne mais aussi de la Tchéquie, de la Roumanie ou de la Bulgarie, soit sous la forme d’irrédentisme comme les prétentions de l’Albanie sur une partie de la Moldavie ou comme le soutien sans forcément de visées annexionnistes de Budapest aux minorités hongroises de Roumanie et de Slovaquie. Dans ce second modèle, le nationalisme s’oppose irréductiblement, de fait, à toute construction européenne véritable, dans le présent et le futur proche. Ce modèle placé sous le signe de l’identité voit la construction européenne, du moins à l’échelle régionale, rejetée par réaction à une autre construction d’un type spécial, l’empire, reliée à un passé dépassé et détesté.

Enfin, un troisième modèle placé sous les signes de l’identité et de la souveraineté permet d’analyser l’effet déstabilisant de certains nationalismes pour la construction européenne à un niveau infra-étatique. Ce troisième modèle, valable pour toute l’Europe, marque le paradoxe du principe wilsonien des nationalités. Ce principe nommé également droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est en effet utilisé par tous les Etats-Nations pour légitimer leur souveraineté au nom de leur identité. Cependant que doit-il advenir d’un peuple placé sous la dépendance d’un autre qui refuse de le reconnaître comme tel, et surtout de lui abandonner une parcelle de son territoire qu’il considère comme indivisible (puisqu’émanation physique de la Nation, d’une seule Nation) ? Ce troisième modèle est observable à l’est dans les tensions souvent violentes qui parcourent les « mosaïques des nations » et à l’Ouest, presque par ricochet, dans les aspirations régionalistes. La moindre revendication, soit-elle apparemment illégitime, souligne la principale limite du wilsonisme, la question du point de vue. Si deux nations se séparent et se partagent un territoire autrefois commun au nom de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, en quel nom, l’une de ces nations peut-elle refuser à une troisième qu’elle ne veut pourtant pas reconnaître la même émancipation ? Ainsi une partie de la population Moldave souhaiterait effectivement rejoindre le giron roumain mais devrait dans ce cas craindre la scission de la Transnistrie russophone. En posant, à diverses échelles la question « Où commence la Nation ? », les nationalismes non reconnus ont un rôle déstabilisant pour la construction européenne puisqu’il en affaiblissent les acteurs alors même qu’ils lui demandent précisément de leur accorder l’onction de la reconnaissance en les acceptant comme participants également. L’exemple est flagrant de certaines régions comme la Catalogne, le Nord de l’Italie ou la Bavière qui veulent une autonomie si ce n’est une indépendance, pour pouvoir s’intégrer elles mêmes dans l’Union Européenne. Le problème réel de ces nationalismes particuliers est sa reconnaissance en tant que tel et son acceptation même par ceux qu’ils représente. C’est d’ailleurs le drame des Belges qui s’estiment profondément belges avant de se concevoir comme wallons ou flamands, et qui souffrent donc de la montée des revendications des extrémistes des deux communautés désirant une fédération ou une scission. Dans ce cas la clé de voûte demeure la monarchie, principal symbole unificateur et fédérateur, à l’instar du rôle que joua Tito en Yougoslavie. Le pendant des affrontement politiques à l’Ouest peut être beaucoup plus dangereux à l’Est, où l’habitude du débat politique n’est pas aussi bien ancrée. La guerre en ex-Yougoslavie est de ce point de vue révélatrice des exactions auxquelles peuvent se livrer des peuples refusant de reconnaître à d’autres le statut de Nation (comme l’ont fait la Serbie et le Monténégro en refusant la fin de la Yougoslavie). Mais si par exemple, la Serbie seule est observée, le désir d’indépendance (et pas uniquement de rattachement à l’Albanie) qui existe au Kossovo est un exemple infra-étatique de plus. La puissance potentiellement dominante de la région est elle-même minée par de telles revendications : depuis 1991 son nom, Fédération de Russie et les multiples statuts des entités qui la composent ne trompent que peu sur la réalité de la fragmentation des nationalismes sur son territoire. La guerre affreusement meurtrière en Tchétchénie ne peut pas ne pas rappeler, ne serait-ce que par la pudeur dont l’entouraient les médias nationaux, la guerre d’Algérie et les « événements en Afrique du nord ». Si l’on excepte la Corse, l’Irlande du nord et le pays basque, où l’incompatibilité fondamentale semble être l’argument majeur, à l’Ouest ce phénomène sous la forme d’un régionalisme est essentiellement motivé par des raisons financières pour les sécessionnistes : la Lombardie ne veut plus payer pour un mezzogiorno en difficulté et les régions espagnoles (notamment la riche Catalogne) veulent s’émanciper financièrement du reste de l’Espagne. A l’est ce phénomène est dans la ligne droite du modèle fondé principalement sur l’identité, auquel se greffe une quête désespérée de souveraineté, celle-ci passant avant tout par l’acquisition d’un territoire. Ce troisième modèle conduit à la crainte d’une spirale nationaliste, où selon le principe des poupées gigognes russes chaque nationalisme s’ouvrirait sur un autre plus petit. Chaque cession diminue la capacité pour l’Etat-Nation d’être important au sein d’une construction et donc sa volonté d’aller de l’avant dans une forme ou une autre d’unité européenne. Et si malgré cela la construction européenne continue, ces formes de nationalismes très forts peuvent avoir un rôle déstabilisant sur l’ensemble de l’Europe en raison des deux questions principales auxquelles ne répond pas le principe dit des nationalités. Existe-t-il une taille optimales, voire simplement viable pour l’Etat nation ? Que faire et qui possèdent la légitimité lorsque deux ou plusieurs nations sont superposées ? Le risque est de légitimer au nom de la simplification une purification ethnique de fait (les simples déplacements de population forcés suffisent comme l’a montré la relative « simplification ethnique » liée au retour des allemands de l’Europe de l’Est après 1945) dont les marques dans la mémoire gêneraient durablement la construction européenne. Ce troisième modèle plus complexe, placé à la fois sous le signe de la Souveraineté et sous le signe de l’Identité est répercussion à l’échelon infra-étatique des deux autres qui lui servent d’exemple. Sa temporalité est du fait de sa nature multiple. Il invite comme les autres à une réflexion sur la notion de nation, mais peut-être plus en profondeur et sans les évidences qui caractérisent les nations reconnues.

Après l’analyse des trois modèles d’opposition ontologique entre nationalisme et construction européenne, il devient possible de rechercher les modalités de résolution de cet affrontement. En effet, si l’opposition existe, la construction de l’Europe suppose une croyance en le progrès aussi bien que le nationalisme suppose, selon Barrès, une croyance en le déterminisme. Dès lors, des deux croyances seule l’histoire peut trancher. Or, factuellement, la balance penche vers la construction européenne : quels seront les modes de résolution de cette opposition ?

Le premier mode de résolution de l’antagonisme est le caractère de mécanisme implacable de la seule véritable construction européenne, c’est-à-dire de l’Union Européenne telle que les traités de Rome (1957), l’Acte Unique (1987) et le traité de Maastricht (1992) la définissent. L’héritage de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, et dans une moindre mesure d’EURATOM contraste avec toutes les autres tentatives de construction qui, quand elles n’ont pas avorté comme la CED, n’ont eu qu’une portée limitée (l’exemple de l’AELE illustre le besoin d’une volonté politique que ne peut remplacer l’économie). La rareté d’une telle réussite, que viennent nuancer sans affaiblir les critiques sur le fonctionnement témoigne incontestablement d’une rupture. L’Union européenne n’est pas une simple tribune d’expression, pas plus qu’un simple accord commercial. La simple utopie que représentaient des textes comme De la paix perpétuelle entre les nations a été dépassée. Si elle peut apparaître comme un piège ou une mécanique incontrôlable, c’est que ses fondateurs, ses concepteurs, après avoir été maintes fois déçus par le manque de relais que rencontrait leur idéalisme ont effectivement piégé les Nations par leur intérêt national et ont tissé entre elles des liens tout d’abord économiques qui rendaient le processus difficilement réversible. Le but premier recherché par ces hommes est au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale d’éviter qu’un nouvel affrontement n’ait lieu. Ces pères fondateurs qui ont en comment de tous être originaires « des marges », Gasperi du Trentin, Schumann de Lorraine, Adenaueur de Rhénanie, veulent un ordre politique européen pour empêcher une guerre destructrice pour toute l’Europe. Il s’agit donc effectivement de contrer les nationalismes. Selon le principe de construction européenne au sens premier, le nationalisme, voilà l’ennemi, pour paraphraser Gambetta. N’est-il pas possible de voir dans le vocabulaire qu’utilisent aussi bien les chercheurs que les journalistes le champ lexical de la maladie dont seul la construction européenne serait l’antidote. Cela est traduit par exemple par les notions de « nationalisme endémique », de « réactions épidermiques » des populations les unes par rapport aux autres, « d’épidémie nationaliste », de « contagion », de « fléau, » etc...Une phrase de Bela Farago illustre cette représentation « l’Europe est malade de ses Nations comme celles-ci sont malades de l’Europe ».

Or, dans l’Europe « construite » le vaccin n’a t-il pas été créé ? Il est possible d’apercevoir dans les manifestations du nationalisme révolté à l’Ouest un simple « chant du cygne ». Le combat entre nationalisme et construction européenne a peut-être bien déjà eu lieu et a été masqué par la Guerre Froide. Il faut analyser dans le détail les sentiments apparemment anti-européens et anti-maastrichtiens dans tous les pays de l’Union. Les grandes émotions causées par le référendum de 1992 sur le traité de Maastricht et les acceptations relativement mitigées (voire le refus dans le cas du Danemark) ne sont pas liées à une remise en cause absolue de la construction européenne. Tous les opposants au nouveau traité n’étaient pas des membres de la droite extrême ou des anti-européens militants. En France, JP Chevénement, P Seguin et R Hue ne sont pas JM Le Pen. Lorsqu’un rejet de la construction européenne semble formulé, il peut s’agir dans nombre de cas d’une simple interrogation sur les modalités, qui peuvent, doivent être discutées dans un cadre démocratique. Le débat doit exister pour désarmer l’argument de « carence démocratique » très vite vidé de son sens premier précis par les nationalismes qui y voit un moyen de récuser à leur adversaire ce qui fonde à leur yeux leur légitimité.

Néanmoins pour la première fois depuis que le principe des nationalités s’est étendu à toute l’Europe, la paix semble assurée sur le territoire, sur le lieu de la construction. Les frontières ne sont plus gardées, une véritable « communauté de sécurité » (Karl Deutsch) existe. Cet état souhaitable et porteur de prospérité rend impensable l’arrêt de la dynamique européenne. La portée de l’affrontement entre nationalisme et construction européenne peut être considérablement relativisée. Le terme de combat d’arrière-garde, s’il est excessif, peut néanmoins être utilisé pour souligner le fait que l’un des modes de la résolution d’une opposition ancrée dans l’essence des deux opposants est justement celui du mécanisme implacable et sciemment élaboré comme tel. La virulence actuel du nationalisme dans toute l’Europe (et à l’Est les manifestations de Belgrade contre Milosevic n’infirment pas ce propos) est selon ce modèle inversement proportionnel à sa force réelle. Si affrontement il y a, l’opposition fondamentale sera certainement réduite par la victoire de la construction. Or, cette limitation de la nation dans ce qu’elle a de dangereux pour la paix va justement dans le sens de la volonté politique (vivre ensemble). L’imbrication très élaborée des systèmes dans la construction fait de toute autre alternative un retour vers le désordre, vers le risque d’une guerre dévastatrice.

Le second mode de résolution consiste à désarmer le nationalisme en faisant des Nations l’élément constitutif de la construction de l’Europe. Ce mode s’oppose résolument au modèle de l’Empire, puisqu’une telle construction européenne ne tente pas d’aplanir les différences entre les peuples, ni d’uniformiser par la force un territoire pour asseoir sa force et sa légitimité. Les fondements théoriques de ce mode peuvent, comme ceux de la Nation se trouver chez les théoriciens du contrat des Lumières. Il s’agit seulement de poursuivre plus loin un raisonnement qui initialement était une réflexion sur le pouvoir absolu d’un souverain (pour avec Hobbes, définitivement contre avec Rousseau). Par le contrat social, l’homme a abandonné l’Etat de nature, « la guerre de tous contre tous », pour l’Etat de société. Ainsi, même si cela ne correspond à aucun moment historique réel, l’Etat-Nation trouve dans cette acceptation de tous de s’offrir à tous, dans le pacte par lequel chacun offre sa liberté dans ce qu’elle a de destructrice, sa légitimité et son existence. Cependant, la théorie ne va pas au-delà de ces Etats-Nations qui restent entre eux dans un rapport de puissance à puissance, c’est-à-dire dans un Etat de nature d’une plus grande échelle. La construction européenne ne vise-t-elle pas sous toute ses formes à substituer à un Etat de nature européen un Etat de société plus élevé ? La OSCE ainsi que ses contradictions sont un exemple de construction insuffisante d’un ordre social européen : à l’issue de la conférence de Helsinki de 1975, les états et les Nations guidés par leur raison devaient parvenir par un simple contrat (reconnaissance des frontières contre respects des droits de l’homme) à la paix. Mais les différences entre les Nations empêchent la transposition simple du contrat social à une échelle supérieure, car les contractants doivent être mis sur un pied d’égalité par des règles supplémentaires. Un contrat inégal n’est rien de moins qu’une vassalisation des autres, comme l’a fait l’URSS en élaborant son propre ordre européen, ordre ne traduisant qu’une satellisation des pays à l’est du rideau de fer. En revanche, les répartitions de sièges au Parlement européen, le nombre de commissaires, de voix au conseil des ministres, de hauts magistrats à la Cour de Justice des Communautés Européennes traduisent une volonté de représenter les petits Etats membres au-delà de leur importance numérique. Que le vote d’un électeur français ou allemand ait moins de poids que celui d’un électeur luxembourgeois peut apparaître choquant, mais cela est le prix à payer pour respecter les entités juridiques et pour neutraliser les nationalismes qui craignent d’être noyés dans une construction sur laquelle ils n’auront aucune prise.

La notion de pacte entre les Nations étant sous certaines conditions opérationnelle, elle peut jouer un très grand rôle dans la construction européenne si ce pacte est articulé avec la notion de souveraineté. En effet, les émois nationalistes se sont comme il l’a été remarqué dans le premier modèle cristallisés autour de la notion de souveraineté bafouée. Or, véritable pacte entre les Nations avec ses droits et ses devoirs ne peut avoir lieu par essence qu’entre Nations souveraines. Seules de telles nations peuvent déléguer une partie de leur souveraineté. Cette tautologie conceptuelle a les plus grands effets politiques. C’est en effet la libre acceptation des Nations elles-mêmes qui constitue le ciment de la construction européenne. Or c’est librement que l’Union Européenne s’est formée. La souveraineté des peuples a été respectée, que leurs représentants légitimes votent les traités (souveraineté rattachable à la souveraineté nationale) ou que des référendums aient eu lieu (souveraineté rattachable à la souveraineté populaire). Le désir de respect des souverainetés est allé jusqu’à l’acceptation de modes différents d’expression de la souveraineté, avec par exemple l’exception anglaise pour les élections des parlementaires européens au scrutin de zone et non au scrutin de liste national comme dans les autres pays européens. Ainsi les nationalismes de l’Europe de l’Ouest oublient trop vite que c’est librement que c’est construite l’Europe des Communautés. L’adhésion ne leur a pas été arrachée, c’est l’essence même de la Nation qui a accepté la perte d’une parcelle de souveraineté. Et même si le coût en serait important, il reste de la liberté de chaque Etat de quitter l’Union s’il estime que ce qui constitue sa souveraineté est excessivement bafoué par l’avancée de la construction. D’ailleurs historiquement la seule menace de rupture suffit dans le cas de crise à obtenir gain de cause comme les compromis de l’Union l’ont montré : celui de Luxembourg de 1966 a ainsi empêché l’adoption systématique de la règle de la majorité qualifiée.

La construction comme choix souverain, donc désarmant les nationalismes se traduit par une très grande dynamique de stabilisation. Cette dynamique est mise en évidence par le désir de nombreux Etats de se joindre à l’Union pour consacrer, non seulement leur souveraineté légitime, mais encore leur équilibre retrouvé. Les candidatures de la Pologne, des Pays Baltes et de la plupart des pays en transition témoignent de cette « aspiration à la stabilité ». De même les politiques européennes de protection des minorités (linguistiques ou religieuses essentiellement) vont dans ce sens : il s’agit de permettre la reconnaissance, sans l’exaltation du fait national. Un exemple est donné par l’adoption en 1992 d’une charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Il y a donc bien des échanges pendulaires de souveraineté : il faut sacrifier une partie de la souveraineté pour être membre mais en échange il n’est plus question ou besoin de remettre en cause la souveraineté essentielle des Etats membres. Voilà pourquoi les questions de souveraineté liées à la Grèce sont, par exemple, si délicates à propos de la Macédoine. Voilà également pourquoi l’entrée de Chypre dans l’Union aurait des conséquences géopolitiques d’une ampleur considérable. Dans le cas d’une remise en cause du territoire et donc de la souveraineté par la Turquie, l’ensemble de l’Union pourrait être amenée à réagir pour confirmer, par la force si nécessaire, la souveraineté affirmée des Nations membres. Selon ce mode de résolution du conflit entre construction européenne et nationalisme qui est celui du choix souverain, la formule « l’Europe des Nations » prend un grand sens et une grande portée, cependant certainement différents de la pensée gaulliste.

Cette opposition peut être encore dans un troisième mode dépassée, après avoir été menée jusqu’à son terme puis détournée. En insistant cette fois sur la notion d’identité, n’est-il pas possible de concevoir au-delà du nationalisme national un nationalisme d’un ordre supérieur ? En effet, le phénomène de construction européenne ne tend-il pas à l’élaboration d’un ordre identitaire supérieur à la Nation ? A la dynamique d’opposition serait substituée une dynamique de fusion. Selon ce troisième mode, l’affirmation politique de la Nation serait peu à peu remplacée par l’affirmation tout aussi politique d’un tout, plus sain, en tant qu’il serait la manifestation d’une poussée vers l’universalisme et l’ouverture. Cependant la nature de l’ensemble identitaire dépassant la Nation reste à déterminer. Les plus fervents européens n’oseraient actuellement parler d’un engouement pour l’Europe aussi fort que celui qui a porté tous les peuples du XVIII° et du XIX° siècle. Pourtant le sentiment d’appartenance à une Europe construite se développe. Des symboles puissants servent ce mode : le drapeau, l’hymne, la citoyenneté et bientôt la monnaie européenne, autant de signes de reconnaissance, d’appartenance qui façonnent peu à peu la perception qu’ont les peuples de la construction européenne.

Quel est alors l’ensemble construit européen qui fasse sens au même titre que l’idée nationale ? Il est possible de dépasser l’Europe et de considérer l’Occident en entier pour pouvoir utiliser la thèse de Rufin présentée dans son ouvrage L’Empire et les nouveaux barbares. L’ordre permettant une construction identitaire et un transfert de « nationalisme » serait celui des pays dits développés, retranchés derrière un limes farouchement défendu (avec la même exaltation que celle du sentiment national luttant contre l’ennemi héréditaire ?). En ne conservant de la thèse de Rufin que le caractère économique et social du critère de définition de cette nouvelle identité, est obtenue une certaine forme de définition de la Communauté, historiquement construite ainsi. L’uniformité économique due à une grande libéralisation des marchés de biens et de capitaux à l’échelle de l’Europe est en effet un des principaux aspects de la construction communautaire. Elle pourrait donc en ce sens bien constituer un cadre pour la formation d’une identité européenne. Cependant pour étayer ce mode de fusion des nationalismes dans la construction européenne, le modèle de Huntington développé dans l’article de Foreign Affair « The clash of civilisations », même s’il est critiquable et extrêmement critiqué, offre des bases conceptuelles certaines. En présentant la géopolitique future comme un ensemble d’affrontement non plus entre Etats, non plus entre systèmes idéologiques, mais entre civilisations, Huntington propose comme mode d’identité, et c’est là la force indéniable de son modèle, une notion difficilement définissable celle de civilisation. Or, la construction de l’Europe, par la paix qu’elle garantit et les échanges entre Nations qu’elle structure, va dans le sens d’une unicité de civilisation. Le piège du modèle de Huntington est d’essayer de délimiter ces civilisations (pour pouvoir prévoir les affrontements futurs, les « lignes de front »). Par exemple, il divise l’Europe en deux civilisations chrétiennes (chrétientés occidentale et orientales), et accorde à la civilisation « musulmane » une certaine zone d’influence (Turquie, Croatie) vigoureuse et porteuse de conflitS. Reconnaître que souvent les crispations identitaires des nationalismes ont été portées par les phénomènes religieux est important (l’antisémitisme européen et ses ravages, la guerre civile ou la guerre simplement en Irlande entre les catholiques et les anglicans), mais dans le cas de l’Europe les phénomènes culturels d’identification nationaux et supranationaux se mêlent certes aux considérations religieuses mais ne se réduisent pas à elle. C’est ce qui rend possible, si ce n’est absolument nécessaire, l’élargissement à l’est de l’Union Européenne. Puisque cette Europe est une construction, donc un artifice, un léviathan pour reprendre le terme de Hobbes sans ses connotations totalitaires, son identité ne doit pas être cherchée dans des mystiques politiques (le « Saint Empire Germanique », l’Europe de Rome contre celle de Constantinople ) mais dans la raison et dans la culture européenne qui est indissociable d’un brassage ancestral. La fameuse remarque de l’écrivain Nathalie Sarraute disant qu’il n’était pas rare au début du XX° siècle de lire Proust en français, Shakespeare en anglais, Dostoïevski en russe et Dante en italien montre bien l’existence voire la préexistence d’une culture européenne fondée sur l’échange. L’éclosion d’un sentiment identitaire d’un ordre supérieur à la Nation, si elle ne suit pas forcément le schème assez arbitraire de Huntington, n’en est pas moins rendue possible par la construction d’une zone d’échange et de circulation (pas uniquement économique, loin s’en faut). Afin d’éviter le repli identitaire qui a caractérisé le nationalisme au fil de l’histoire , afin d’éviter une définition aux connotations racistes (en souvenir de la glorieuse Europe évangélisant et développant les sauvages du monde entier au XIX° siècle par la colonisation), la construction européenne doit s’ouvrir également sur la Turquie dès qu’elle y sera prête puisque celle-ci a mainte fois affirmé son désir d’appartenance. Or, c’est ce désir d’appartenance qui joue le rôle de plus petit dénominateur commun de l’identité européenne, de même que Renan définissait la Nation comme « un plébiscite de tous les jours ». Selon ce troisième mode de résolution de l’antagonisme entre nationalisme et construction européenne, il s’agit de prendre le nationalisme à son propre piège identitaire, et de lui substituer sans le nier une appartenance compatible mais d’un ordre supérieur.

Les trois modèles d’opposition du nationalisme et de la construction européenne ont paradoxalement fourni les outils conceptuels nécessaires à leur solution. Désormais trois modes permettent d’expliquer la diminution à venir de l’antagonisme, par l’affrontement accepté et jouant en faveur d’une construction irréversible, par l’accord rendu possible entre les deux dynamiques européennes au nom de la souveraineté librement transférée ou de l’identité recréée à un niveau supérieur. Cette résolution suppose le choix de la Raison et le refus de la séparation définitive de l’universalisme et du particularisme, refusant de se reconnaître l’un l’autre.

Il s’agit d’accepter une forme future de combinaison de la Gesellschaft (société universelle compétitive et rationalisée) et de la Gemeinschaft (communauté particulariste et affective). C’est donc bien l’articulation de la construction et du nationalisme qui doit évoluer.

Bibliographie

M. FOUCHER (sous la direction de), Fragments d’Europe, Fayard, 1993

P. GERBET, La construction de l’Europe, Ed. Notre siècle, 1994

J.RUPNIK (sous direction de), Le déchirement des nations

P.HASSNER, La violence et la paix. De la bombe atomique au nettoyage ethnique, Ed. Esprit, 1995

K. POMIAN, L’Europe et ses Nations, Gallimard, 1990

Yves Lacoste, Editorial de la revue Hérodote, Nation, nations, nationalistes, 1992.

Futur antérieur n°27, En attendant l’Empire, 1995/1, L’Harmattan

Le Débat n°87 articles sur le thème Nation-Fédération : Quelle Europe ? (notamment celui de Bela Farago) nov-déc 95

L’Histoire "L’explosion des nationalités. De Valmy à Maastricht", n°201, juil-août 1996

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