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Crise alimentaire : quelques idées simples et peu coûteuses

lundi 12 avril 2010

Comment nourrir neuf milliards de personnes d’ici à 2050 ? Voilà qui est devenu une question cruciale depuis que les prix alimentaires ont augmenté considérablement en 2007-08. Mais toute lutte contre la faim doit d’abord faire face au milliard de personnes qui manquent de nourriture aujourd’hui.

Des appels à une « nouvelle réflexion » et … à beaucoup plus d’argent figurent dans le rapport de la Conférence Mondiale sur la Recherche Agricole pour le Développement, ayant réuni 1000 délégués en mars 2010 à Montpellier en France. Le monde pourrait avoir besoin de 70 à 100 % de nourriture en plus au cours des quatre prochaines décennies pour répondre à la demande d’une population croissante ayant des revenus plus élevés, émanant de pays comme l’Inde et la Chine

Mais ces appels à un changement radical ignorent deux choses.

Premièrement, la production alimentaire mondiale a considérablement augmenté par le passé. Avec des découvertes telles que les semences hybrides, nous sommes en mesure de faire pousser deux fois plus de céréales sur la même parcelle de terre. La Chine a multiplié la production alimentaire par 3,5 au cours des 50 dernières années.

La croissance de la production alimentaire a largement dépassé la croissance démographique au cours du 20e siècle, malgré un pessimisme généralisé. Et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) estime qu’il y a assez de terres et d’eau pour permettre que cela continue durant le 21e siècle.

Deuxièmement, la faim est principalement causée par des mauvaises politiques publiques, des restrictions d’importations, des droits de douane et du manque de droits de propriété, maintenant les prix artificiellement élevés.

Les obstacles au commerce sont quatre fois plus élevés dans les pays en développement que dans les pays riches : la moyenne des droits de douanes sur les produits agricoles dans les pays en développement étaient de 15,2 % à l’ouverture du cycle de négociations du cycle de Doha « pour le développement » sous l’égide de l’OMC en 2001 - comparativement à 2,8 % dans les pays de l’OCDE à revenu élevé. Ces politiques contre-productives et cruelles font monter le prix de la nourriture au milieu d’une malnutrition généralisée.

En Inde, par exemple, les gouvernements ont très souvent sanctionné l’agriculture. La fixation des prix, les subventions et les restrictions à la propriété foncière et à son transfert font que l’agriculture est essentiellement manuelle et inefficace. En l’absence d’incitations, il y a peu d’investissements dans les infrastructures et la recherche.

Ces politiques sont aussi la cause de gaspillage. Quelque 30 à 40 % de la nourriture en Inde, en Afrique et dans d’autres régions en développement est perdue en raison du manque d’infrastructures, de mauvaises conditions de stockage et des retards bureaucratiques, en particulier à la douane.

L’intervention des États a rarement été aussi préjudiciable que durant la crise alimentaire. Le prix du blé, du maïs et du riz a plus que doublé en moins de deux ans. Malgré un approvisionnement suffisant, le riz a atteint un sommet jamais atteint en raison d’une interdiction sur les exportations indiennes de riz qui a provoqué une panique d’achat chez les importateurs.

Malgré une condamnation unanime de la part de l’Organisation des Nations Unies, de la Banque mondiale et de chefs d’État, les interdictions d’exportation et les restrictions étaient communes pendant et après la crise alimentaire. En fait, plus de 40 pays - dont quinze en Afrique subsaharienne - ont restreint le commerce alimentaire l’année dernière, en maintenant les prix autour de 20 % plus élevés qu’avant la crise dans de nombreux pays en développement.

Une analyse de la Banque mondiale sur l’impasse du Cycle de Doha menée par l’Organisation mondiale du commerce montre que même si les subventions que les États-Unis et l’Union Européenne versent à leurs agriculteurs déjà riches désavantagent effectivement les agriculteurs pauvres dans le monde, les pays en développement ont le plus à gagner d’une libéralisation de leurs propres secteurs agricoles. Autrement dit, il n’est pas nécessaire pour les PVD d’attendre que l’occident s’occupe de ses problèmes de lobbies.

La faim est causée non seulement par des barrières contre la libre circulation de la nourriture, mais aussi par des obstacles contre la technologie.

Bien que la technologie telle que les semences hybrides et l’irrigation au goutte à goutte font une grande différence en augmentant les rendements et baissant les prix alimentaires dans les pays comme le Malawi, les droits de douane et les autres politiques nuisibles ont fait grimper les prix de ces technologies ailleurs, les mettant hors de portée des agriculteurs. En conséquence, seuls 4% des terres arables en Afrique subsaharienne sont irrigués, contre 38 % en Asie. L’application d’engrais en Afrique est en moyenne de huit petits kilos par hectare, comparativement à une moyenne de 107 kilos dans les pays riches. La production alimentaire a en fait diminué en Afrique au cours des 30 dernières années.

Avant de rêver à des investissements compliqués et coûteux et se lancer dans des recherches pour l’avenir, les États devraient avoir une pensée pour ceux qui ont faim aujourd’hui parce que la pauvreté et la faim leur sont imposées. Éliminer les obstacles à la production et la circulation des denrées alimentaires et de la technologie serait une étape facile, et bon marché, pour nourrir le monde.


Voir en ligne : Crise alimentaire : quelques id


Article repris depuis Un monde libre avec l’aimable autorisation d’Emmanuel Martin. Image : champ de bl

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