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Loi LMAP

Un pas de plus vers l’agriculture administrée

jeudi 15 avril 2010

Bruno Le Maire (photo), ministre de l’agriculture, devait s’ennuyer ferme dans son bureau, vu qu’il ne passe jamais en prime time sur TF1. Alors il a décidé de faire parler de lui, et est en train de concocter un projet de loi de "modernisation de l’agriculture et de la pêche", LMAP, que l’on pourrait résumer en cinq mots : "subventions, réglementations, taxes, état nounou", ce qui permettra à la gauche de glapir sur "l’ultra libéralisme" du gouvernement Sarkozy-Fillon.

Pour de vrai, le projet, plutôt court aux standards actuels puisqu’il ne se compose "que" d’environ 22 pages, 24 articles, un nombre indéterminé d’alinéas et 100 000 signes, sans compter l’exposé des motifs et l’étude d’impact, est un monument à la gloire de l’agriculture administrée. Dernière étape avant la collectivisation ? On n’est pas encore en Sarkolkhozie, mais on prend doucement le chemin...

Morceaux choisis

" Art. L. 632-2-1. - Les organisations interprofessionnelles (ndVB : d’une filière de producteurs) reconnues peuvent être consultées sur les orientations et les mesures des politiques de filière les concernant.

« Elles peuvent définir, dans le cadre d’accords interprofessionnels, des contrats types dont elles peuvent demander l’extension à l’autorité administrative intégrant des clauses types relatives aux modalités de détermination des prix, aux calendriers de livraison, aux durées de contrat, au principe de prix plancher, aux modalités de révision des conditions de vente en situation de fortes variations des cours des matières premières agricoles, ainsi qu’à des mesures de régulation des volumes dans le but d’adapter l’offre à la demande. Elles peuvent également, dans le cadre de ces accords, établir des guides de bonnes pratiques contractuelles qui ne peuvent pas faire l’objet d’une extension.

En clair, cela veut dire que nous paieront nos produits agro-alimentaires plus cher, les producteurs étant censés pouvoir imposer leurs prix et leurs conditions aux acheteurs. Bon, je suppose que chez Auchan, Carrefour and Co, on a déjà trouvé le moyen de contourner la disposition. Mais la philosophie de ce gouvernement, dont je vous rappelle que les socialistes affirment qu’il est "ultra-libéral", laisse songeur.

Taxe, taxe, taxe droit devant !

Continuons. L’exposé des motifs évoque à l’article 9 une "assurance récolte". Voyons de quoi il s’agit :

« Art. L. 361-1. - Un fonds national de gestion des risques en agriculture est institué afin de participer au financement des dispositifs de gestion des aléas climatique, sanitaire, phytosanitaire et environnemental dans le secteur agricole. Il comprend deux sections créées en recettes et en dépenses, définies aux articles L. 361-2 à L. 361-4.

« La gestion comptable et financière de ce fonds est assurée dans les conditions prévues à l’article L. 431-11 du code des assurances et précisées par décret.

« Art. L. 361-2. - Les ressources du fonds national de gestion des risques en agriculture sont les suivantes : « 1° Une contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d’assurance couvrant, à titre exclusif ou principal, d’une part les dommages aux bâtiments et au cheptel mort affectés aux exploitations agricoles, et d’autre part les risques de responsabilité civile et de dommages relatifs aux véhicules utilitaires affectés aux exploitations agricoles.

« La contribution est assise sur la totalité des primes ou cotisations versées. Son taux est fixé à 11 % de ce montant. Elle est liquidée et recouvrée suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et sous les mêmes sanctions que la taxe annuelle sur les conventions d’assurance prévue à l’article 991 du code général des impôts.

A l’instar du dispositif en vigueur pour "protéger" les habitations des catastrophes naturelles, dont je vous entretenais de la fabuleuse efficacité et de l’absence totale d’effets pervers il y a quelques jours, un "fonds de gestion des risques en agriculture" serait chargé de renflouer les agriculteurs qui gèreront mal leurs risques, en faisant payer tous les autres. 11% sur les contrats d’assurance, tout de même -Mais attention : "le gouvernement n’augmente pas les impôts", hein ? Selon des sources bien informées, il semblerait que les aléas dont il faille absolument que l’état protège les agriculteurs soient le printemps, l’été, l’automne et l’hiver.

J’arrête là. Les plus courageux pourront aussi lire l’étude d’impact, environ 5 fois plus épaisse que le projet de loi dont je cite un unique extrait pour vous imprégner de l’incandescente philosophie qui éclaire chacune des lignes de cette avancée législative majeure, qui... Et puis non, lisez vous même :

"Préserver le lien social et l’équité sociale

L’attachement de notre pays à la gastronomie et au fait de « bien manger » est une manière de préserver le lien social. Tant que l’on mangera encore ensemble, ou encore en même temps (dîner à heure fixe), on gardera des liens familiaux, amicaux et sociaux forts.

Par ailleurs, la fracture alimentaire est une réalité, et qui risque de se renforcer. Le prix est encore l’élément déterminant de l’achat et les restrictions que s’imposent certaines catégories de population hypothèquent leur santé future et celle de leurs enfants. Il fait partie des rôles de l’État que de compenser certaines inégalités de conditions de vie en aidant à accéder à des produits de première nécessité de qualité."

Le gouvernement va aider les familles modestes à manger "ensemble" et "à heures fixes" pour "préserver le lien social" et conserver des "liens familiaux forts". Heureusement que l’état est là pour resserrer mes liens familiaux... Mais faudra-t-il regarder l’allocution télévisée quotidienne de Kim Jong Il pendant que nous mangerons, pardon, "renforcerons notre lien social" ?

Serait-ce mon lien social qui est trop resserré ? J’ai l’impression d’étouffer...

Le retour de la bulle...
Mais finissons en apothéose avec une autre nouvelle taxe en préparation, puisque, vous le savez, ce gouvernement répète en toute occasion qu’il n’augmente pas les prélèvements obligatoires. Mais une taxe, c’est différent, pas vrai ?

L’image ci dessus nous apprend (cliquer dessus pour l’agrandir) que M. Le Maire voudrait faire subventionner l’installation des jeunes agriculteurs et les collectivités locales par une taxe supplémentaire sur la plus-value de la revente de terrains devenus constructibles. Je vous rappelle qu’au sommet de la bulle, la différence de prix "de marché" - très contrarié il est vrai - entre terrain agricole non viticole et terrain constructible non viabilisé atteignait couramment un facteur 400 et plus. Aujourd’hui encore, la différence de prix entre terrain constructible et inconstructible reste très élevée.

Retour de la bulle immobilière : certain !

Je suis donc en mesure de vous annoncer la formation d’une nouvelle bulle immobilière et foncière de grande ampleur dès que l’économie retrouvera un semblant de couleurs, si la loi est votée. La seule mince consolation est que ce redressement économique durable n’est pas pour demain, mais ce n’est pas franchement une bonne nouvelle.

En effet, une commune dispose d’un stock de terrains à transformer en parcelles constructibles limités. Va-t-elle, si elle veut maximiser ses revenus, chercher à libérer beaucoup de terrain à faible prix ? Ou au contraire va-t-elle chercher à obtenir le meilleur rapport entre rentrées fiscales et surface "consommée", sachant que plus un groupe de communes d’un même bassin géographique limitera la constructibilité des terrains, plus le différentiel entre terrains constructibles et terrains agricole va s’accroitre ?

Vous avez compris : la deuxième alternative est la plus séduisante. La loi, si elle passe en l’état, donnera aux communes une formidable incitation financière à pratiquer à grande échelle le "land banking", c’est à dire de la rétention foncière, comme si l’arsenal réglementaire issu du Grenelle de l’environnement n’était déjà pas suffisant pour cela.

Les trois principaux exemples récents de bulle foncière provoquée par le land-banking des autorités publiques locales sont l’Espagne, l’Arizona et le Nevada, avec des mécanismes certes un peu différents, mais relevant de la même logique de maximisation des revenus des collectivités publiques grâce à la vente de droits à construire.

Et bien rassurez vous, nous allons les copier. Et je ne vous parle pas de la lutte entre propriétaires fonciers pour faire parti des rares gagnants de la loterie à la constructibilité. Tous les coups seront permis...

Je me demande parfois comment tout cela va finir, quand l’accumulation d’idioties gouvernementales aura produit tellement d’effets pervers qu’il ne sera plus possible de contenir la colère de tous les laissés pour compte du logement, du pouvoir d’achat, de l’emploi. L’impression que nous nous laissons submerger par une hausse incontrôlable du niveau de l’intervention publique et de la dette qui finira par nous noyer, sous l’effet du réchauffement étatique d’origine humaine...

Et naturellement, quand tout cela explosera, "on" accusera le grand méchant marché et ses terrrribles imperfections.

Grosse fatigue.


Voir en ligne : Loi LMAP : un pas de plus vers l’agriculture administr


Image sous licence CC, auteur Hinrich

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